Jeanne de Belleville, pour venger la mort de son mari, Olivier de Clisson, a lutté sans merci contre le royaume de France. Deux bandes dessinées viennent de sortir sur cette héroïne de la Bretagne, considérée comme la première femme pirate.
1- La Tigresse bretonne, de Roger Seiter et Frédéric Blier.
Printemps 1343. L’armée du Roi Edouard III d’Angleterre débarque à Brest, en pleine guerre de Succession de Bretagne. A la demande de Philippe VI, roi de France, le seigneur breton Olivier de Clisson se rend à Paris pour participer à un tournoi. Il s’agit d’un piège. Pensant qu’il a livré Vannes aux Anglais, le roi de France fait arrêter Olivier de Clisson. Torturé dans les geôles du Châtelet, avouant tout ce qu’on lui demande afin de ne plus souffrir, il est décapité pour haute trahison après un procès inique. La veuve, Jeanne de Belleville, baronne poitevine, pour venger la mort de son mari, décide de livrer une guerre sans merci au Royaume de France. A partir de son château imprenable de l’île d’Yeu, elle attaque en Bretagne des positions acquises à la France. En représailles, elle se voit confisquer tous ces biens. Continuant la lutte, en compagnie de son fidèle écuyer Guillaume, elle va prendre la mer et s’adonner à la piraterie. Avec ses navires noirs à la voilure rouge sang pour impressionner l’adversaire, elle terrorise les navires de la flotte royale. Jeanne se montre d’une cruauté implacable et massacre les équipages des navires capturés, gagnant ainsi le surnom de « La Tigresse bretonne ». Sur terre comme sur mer, la Tigresse bretonne ne fait pas de quartier…
Roger Seiter, scénariste prolifique, a réalisé plus de 120 scénarios. Par le passé, il a notamment imaginé les récits de belles séries d’aventures, H.M.S. His Majesty’s Ship et Wild river, ou fantastiques (Fog), ainsi que poursuivi les séries Lefranc et Alix de Jacques Martin. Ainsi, il a réalisé le scenario du tome 42 de la célèbre série Alix, intitulé Le bouclier d’Achille. Présenté sur Breizh-info, cet album est sans doute le meilleur depuis le décès de Jacques Martin. Son récit nous plonge au cœur de L’Iliade, à la recherche des armes fabuleuses d’Achille.
Pour sa dernière œuvre, il nous révèle une guerrière méconnue, Jeanne de Belleville, qui a osé prendre les armes contre le royaume de France. Elle commande son armée, manie l’épée comme un chevalier et ne fait aucune pitié : elle coupe les mains et les pieds des soldats ennemis, puis les balance à la mer. Son épopée est traitée de manière dynamique, avec un souffle d’héroïsme. Roger Seiter révèle le caractère bien trempé de cette femme. Sans pitié pour ses ennemis, elle ne fait pas de prisonniers.
C’est l’occasion de découvrir Jeanne de Belleville (1300-1359), baronne poitevine dont la riche famille détient les îles d’Yeu et de Noirmoutier. A la mort de son premier époux, Geoffroy, seigneur de Châteaubriant, elle se remarie avec Olivier IV de Clisson. En 1337 débute la guerre de Cent Ans, puis quatre ans plus tard, la guerre de Succession de Bretagne. Celle-ci oppose le comte Jean de Montfort, soutenu par le roi Edouard III d’Angleterre, au comte Charles de Blois, soutenu par la France. En 1342, Olivier est fait prisonnier par les Anglais, puis libéré contre le versement d’une rançon jugée étrangement faible par la monarchie française. En plein tournoi, au mépris des règles de la chevalerie, Olivier est arrêté sur ordre du roi de France Philippe VI de Valois. Il est condamné à la décapitation pour félonie. Ravagée par la douleur, Jeanne, devenue veuve, voue une profonde haine au roi de France et n’aspire plus qu’à se venger. Elle rassemble 400 fidèles et massacre la garnison du château de Touffou. Puis elle fait armer deux navires corsaires et s’attaque à tous les navires marchands battant pavillon français qu’elle croise. Réfugiée en Angleterre avec ses enfants, elle épouse Walter Bentley, capitaine des troupes anglaises du roi Édouard III qui combattent pour Jean de Montfort.
Frédéric Blier, dessinateur lyonnais né en 1977, installé maintenant à Chavaniac-Lafayette (Haute-Loire), titulaire d’un diplôme de dessinateur maquettiste, a suivi les cours de bande dessinée de Christian Lax à l’école Émile Cohl de Lyon. Avec Lax, au scénario pour la première fois, il dessine Amère Patrie, entre 2007 et 2011. En 2013, avec Damien Marie au scénario, il dessine le quatrième tome de la série La Lignée, puis, en 2016-2017, une histoire en deux tomes : La Parole du muet, avec pour scénariste Laurent Galandon. Récemment, dans la série Les compagnons de la Libération, il a dessiné les tomes consacrés au général Leclerc et à Philippe Kieffer.
Le trait puissant et expressif de Frédéric Blier, passionné de récits épiques, parvient à montrer les émotions ce cette héroïne. A l’aide de plans variés, il insuffle un véritable dynamisme. Malgré des sources très pauvres, il a effectué un véritable travail de documentation sur les navires de l’époque. La reconstitution du château de l’île d’Yeu est fidèle. En l’absence de tableau la représentant, il a dessiné, conformément aux témoignages, une blonde séduisante.
La coloriste Florence Fantini, qui a déjà travaillé sur Le sang des Valois, Le bossu de Montfaucon, Saint-Barthélemy ou Kersten, médecin d’Himmler, a fait le choix de l’omniprésence du rouge (toits des chaumières bretonnes, voiles des bateaux de la Tigresse…).
2- Jeanne de Belleville, de Jean-Christophe Nègre.
On notera également la sortie cette année de « Jeanne de Belleville », autre bande dessinée où l’auteur, Jean-Christophe Nègre, transpose le récit en 1745.
Dans son récit, entre réalité historique et pure invention, c’est sur l’ordre du roi Louis XV que le comte Olivier de Clisson, accusé de trahison envers le royaume de France, est décapité. Sa tête est exposée à Nantes plusieurs jours à la pointe d’une lance. Son épouse, Jeanne de Belleville, jure de le venger. Elle commence par mettre le feu à de nombreux châteaux, dont le château des ducs à Nantes, avant de s’attaquer aux navires…
En racontant le récit d’une femme assoiffée de violence, Jean-Christophe Nègre a voulu s’interroger sur la vengeance poussée à son extrême. Dans cette adaptation très libre, il s’amuse à dessiner les félons de la monarchie française sous les traits des tenants de la « macronie » : Gérald Darmanin, Bruno Lemaire ou encore Emmanuel Macron lui-même. L’épilogue, montrant une orgie de ces personnages qui finit dans le sang, ne destine pas cette bande dessinée aux enfants…
Jean-Christophe Nègre réalise tout : scénario, dessin, colorisation et même les arrangements musicaux. Une particularité est en effet à signaler : des QR codes sont imprimés sur certaines pages pour permettre d’écouter des partitions de piano et mieux nous embarquer avec Jeanne de Belleville.
La Tigresse bretonne, 64 pages, 16,90 euros, Editions Bamboo Grand angle.
Jeanne de Belleville, 120 pages, 25 euros, Studio Nègre.
Kristol Séhec.
Crédit photo : DR
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2 réponses à “Jeanne de Belleville, la Tigresse bretonne en bande dessinée.”
Quand je dis que les femmes sont parfaitement capables d’être féroces au lieu de n’être que ces cloches de basse roture qui ne sont que des platées de nouilles! J’ai été élevé dans ma prime enfance au milieu de mes grand-tantes et elles étaient solides chez moi à l’extrême Ouest mais les Normandes aussi à l’occasion.
Honneur au Courage et à la Fidélité.