Dans le monde de l’entreprise, la rémunération variable des employés est souvent liée à l’atteinte d’objectifs prédéfinis. Toutefois, la fixation de ces objectifs doit être réalisée avec une grande rigueur, surtout en début d’exercice, sous peine de devoir verser cette part variable même si les objectifs ne sont pas atteints. Emmanuel Labrousse, co-responsable du groupe de travail Social de Walter France, met en garde contre les risques juridiques liés à cette pratique.
Les règles juridiques à respecter
Pour qu’un employeur puisse définir et modifier unilatéralement les objectifs de ses salariés, deux conditions doivent impérativement être remplies :
- Les objectifs doivent être réalistes et réalisables : Si les objectifs fixés sont inatteignables, le salarié ne peut être tenu responsable de leur non-réalisation. Cela protège les employés contre des attentes déraisonnables de la part de leur employeur.
- Les objectifs doivent être communiqués en début d’exercice : Il est essentiel que les salariés soient informés des objectifs dès le début de la période de référence. En cas de circonstances particulières qui empêchent cette communication, c’est au juge d’évaluer la validité des raisons invoquées par l’employeur. La modification des objectifs en cours d’exercice, même si elle est avantageuse pour le salarié, n’est pas une pratique suffisante pour échapper à l’obligation de verser la part variable.
Une jurisprudence qui renforce la vigilance
Une décision récente de la Cour de cassation, datée du 31 janvier 2024 (n°22-22709F-D), vient rappeler l’importance de ces règles. Dans cette affaire, un salarié réclamait le paiement intégral de sa rémunération variable, argumentant que ses objectifs n’avaient pas été fixés à son arrivée dans l’entreprise. L’employeur avait défendu sa position en affirmant que les objectifs avaient été communiqués en cours d’exercice, mais la Cour d’appel avait rejeté la demande du salarié.
Cependant, la Cour de cassation a cassé cet arrêt en précisant que, lorsque les objectifs sont définis unilatéralement par l’employeur, ceux-ci doivent être non seulement réalistes, mais surtout portés à la connaissance du salarié dès le début de l’exercice. Faute de quoi, l’employeur est tenu de verser la totalité de la part variable, comme si les objectifs avaient été pleinement atteints.
Les conséquences pour les entreprises
Cette jurisprudence met en lumière les risques encourus par les employeurs s’ils ne respectent pas ces principes fondamentaux. Même de bonne foi, une entreprise peut se retrouver dans l’obligation de payer la part variable de la rémunération si elle néglige de fixer les objectifs au début de l’exercice. Cette situation souligne l’importance d’une gestion rigoureuse des objectifs et des critères de performance.
En pratique, pour éviter de telles situations, les employeurs doivent s’assurer que tous les salariés concernés par une part variable ont bien reçu et compris leurs objectifs dès le début de la période de référence. De plus, ces objectifs doivent être clairement définis, réalistes, et accessibles afin de ne pas être contestés en cas de litige.
La fixation des objectifs pour la rémunération variable en début d’exercice est non seulement une obligation légale, mais aussi une garantie pour éviter des conflits potentiels avec les salariés. Les entreprises doivent veiller à ce que ces objectifs soient clairs, réalisables et communiqués dans les délais appropriés. En agissant ainsi, elles se protègent contre d’éventuelles réclamations et assurent une relation de travail basée sur la transparence et l’équité. Cette attention portée à la gestion des objectifs est essentielle pour maintenir une motivation élevée parmi les salariés tout en respectant les obligations légales.