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Le système politique allemand est au bord du gouffre en Thuringe.

L’Allemagne, dirigée par un gouvernement composé des sociaux-démocrates du SPD, des écologistes du Bündnis 90/Die Grünen et des libéraux du FDP, connaîtra, au mois de septembre, des élections pour les parlements de trois des 16 États fédérés qui la composent : le 1 du mois, en Thuringe et en Saxe, et, le 22, au Brandebourg.

Le plus grand défi pour le système politique

Ces scrutins, qui se déroulent dans l’Est, constituent probablement le plus grand défi, depuis la Seconde Guerre mondiale, pour le système politique en place en Allemagne. Si le Brandebourg, en tant que zone entourant Berlin, et la Saxe, qui dispose des métropoles de Dresde et de Leipzig, pèsent lourd au sein du pays, la Thuringe ne représente que 3 % du nombre total d’habitants. Pourtant, cet État est probablement celui qui constituera le plus un test pour le système politique en place.

L’AfD

En effet, le parti patriotique Alternative pour l’Allemagne (AfD), co-dirigé en Thuringe par la figure de proue de la tendance nationaliste du parti Björn Höcke depuis 2014, y est donné premier dans les sondages à 30 %. Björn Höcke, qui préside le groupe parlementaire de l’AfD au sein du Parlement de Thuringe depuis 2014, désire devenir ministre-président de Thuringe. En outre, si l’AfD obtient au moins 1/3 des sièges, elle disposera d’une minorité de blocage et pourra empêcher les modifications de la Constitution de Thuringe, ainsi que l’élection de juges à la Cour constitutionnelle et à la Cour des comptes ou de membres de la Commission de contrôle parlementaire, trois instances de Thuringe qui surveillent l’Office de Thuringe de protection de la Constitution [les services secrets] qui s’en prend à l’AfD, et aussi la désignation de procureurs, de juges et d’autres membres des commissions parlementaires de Thuringe.

Au cours de l’histoire, la Thuringe a abrité des éléments du nationalisme allemand. Parmi les écrivains ayant vécu à Weimar figurent Johann Wolfgang von Goethe‎, Friedrich von Schiller‎‎, Christoph Martin Wieland et Friedrich Nietzsche, mais aussi Johann Gottfried von Herder‎‎ qui avait pressenti le nationalisme allemand développé par Johann Gottlieb Fichte en lui donnant un caractère ethniciste, estimant que ne sont Allemands que les descendants d’Allemands.
L’Urburschenschaft, corporation étudiante nationaliste « originelle », a été fondée en 1815 à Iéna dans le but d’abolir les unions régionales dans les universités et de réunir les étudiants de celles-ci dans une Burschenschaft générale.

Die Linke

La Thuringe est dirigée par le ministre-président Bodo Ramelow du parti post-communiste Die Linke. Si Ramelow est issu de l’Ouest de l’Allemagne et n’a pas été impliqué au sein du régime communiste de la défunte République Démocratique Allemande (RDA), de nombreux autres cadres importants de Die Linke en Thuringe ont grandi et vécu dans ce régime, ont été impliqués dans ses activités et portent l’héritage politique direct de celui-ci.

Ramelow est à la tête d’une coalition rouge-rouge-verte [post-communistes de Die Linke, sociaux-démocrates du SPD, écologistes du Bündnis 90/Die Grünen] minoritaire, « tolérée » au sein du Parlement de Thuringe par les démocrates-chrétiens de la CDU.

Le BSW

Un acteur politique apparu récemment vient troubler le jeu : le parti de gauche anti-immigration BSW (Bündnis Sahra Wagenknecht – Für Vernunft und Gerechtigkeit – L’Alliance Sahra Wagenknecht – Pour la raison et la justice) dont la figure de proue et co-présidente est Sahra Wagenhknecht. Derrière elle, se trouve son mari Oskar Lafontaine, ex-grosse pointure de l’aile gauche du Parti sociale-démocrate allemand SPD, puis du parti post-communiste Die Linke. Le couple a fait sécession de Die Linke et vogue vers des eaux idéologiques nationales, sociales et culturellement conservatrices, n’hésitant pas à fustiger la politique énergétique des écologistes « coupés de la réalité du peuple » qui ne peut se permettre financièrement de réaliser les mesures en matière énergétique prônées par le parti vert, la politique migratoire insensée du gouvernent qui laisse le pays être inondé de migrants criminogènes, le financement de la guerre en Ukraine et l’envoi d’armes allemandes vers ce pays, le stationnement de missiles américains en Allemagne, …
Bien que vivant en Sarre, Sahra Wagenknecht connaît bien la Thuringe car elle y est née et y a vécu les premières années de son existence.

Un outsider, la WerteUnion

La WerteUnion (Union des valeurs), rejetant l’immigration, est dirigée au niveau fédéral par l’ancien président de l’Office fédéral de protection de la Constitution Hans-Georg Maaßen. Scission conservatrice des démocrates-chrétiens de la CDU et des sociaux-chrétiens de la CSU, elle est rejointe en Thuringe par le parti Bürger für Thüringen (Citoyens pour la Thuringe).
Un autre parti patriotique et conservateur prend également part au scrutin en Thuringe : Bündnis Deutschland (Alliance Allemagne) – qui après une fusion avec Bürger in Wut (Citoyens en colère) dispose des élus de ce parti au sein du Parlement de l’État de Brême.
La WerteUnion et le Bündnis Deutschland ne devraient pas atteindre le seuil électoral des 5 %.

Un précédent chaos

Alors que le parti nationaliste AfD est maintenu par les formations politiques du système derrière un « cordon sanitaire », le 5 février 2020, le libéral (FDP) Thomas Kemmerich avait été élu au troisième tour de scrutin secret ministre-président de Thuringe avec les voix de son parti le FDP, des démocrates-chrétiens de la CDU et de l’AfD.

En conséquence, le SPD avait menacé la CDU de quitter le gouvernement fédéral réunissant le SPD, la CDU et les sociaux-chrétiens bavarois de la CSU. La CDU avait exercé des pressions et menaces sur le président du parti libéral FDP – le FDP pouvait être éjecté du pouvoir dans les États du Schleswig-Holstein et de Rhénanie du Nord-Westphalie – afin qu’il pousse Thomas Kemmerich à la démission. Cette action avait porté ses fruits puisque Kemmerich avait finalement jeté le gant.
Mis sous pression, notamment par une intervention publique de la chancelière fédérale de l’époque Angela Merkel (CDU) – qui s’est faite ensuite taper sur les doigts par la Cour constitutionnelle pour cela –, il avait annoncé son retrait le 6 février 2020 et avait finalement démissionné le 8 février 2020 avec effet immédiat. Son mandat s’était terminé, après 27 jours, le 4 mars 2020, avec l’élection de Bodo Ramelow (Die Linke) au poste de ministre-président, la CDU ayant préféré soutenir de l’extérieur un gouvernement minoritaire dirigé par un post-communiste, plutôt que de prendre part à un gouvernement minoritaire avec le FDP dépendant des voix de l’AfD.

La direction fédérale de la CDU avait voulu imposer aux élus du parti au Parlement de Thuringe de voter en faveur de la dissolution de l’assemblée afin que des élections anticipées aient lieu, mais ces derniers avaient préféré conserver leur mandat et avaient rejeté cette demande. La présidente fédérale de la CDU Annegret Kramp-Karrenbauer avait, en conséquence, annoncé le 10 février 2020 renoncer à succéder à Angela Merkel au poste de chancelier d’Allemagne et avait proclamé sa future démission de la présidence du parti.
Des élections devaient avoir lieu un an plus tard, mais une majorité des 2/3 n’avait pu être trouvée afin de dissoudre le Parlement de Thuringe car certains députés ne voulaient pas prendre le risque de perdre le revenu attaché à leur mandat.

Le seuil électoral de 5 %

Outre la présence de trois partis politiques au sein du futur Parlement – l’AfD, Die Linke et le BSW – qui sont peu favorables au système politique en place, ce dernier doit faire face au seuil électoral de 5 % qui verra les formations politiques n’atteignant pas ce score ne pas disposer d’élus. Les libéraux du FDP sont donnés, au sein des sondages, très en dessous de ce seuil, alors que les sociaux-démocrates du SPD et les écologistes Bündnis 90/Die Grünen sont sur le fil du rasoir.
La Thuringe a été le berceau de la social-démocratie allemande – August Bebel et Wilhelm Liebknecht y ont fondé à Eisenach en 1869 le Sozialdemokratische Arbeiterpartei (Parti ouvrier social-démocrate) ; celui-ci y a fusionné en 1875 à Gotha avec l’Allgemeiner Deutscher Arbeiterverein de Ferdinand Lassalle ; le programme social-démocrate adopté à Erfurt en 1891 prône l’égalité des femmes, la journée de travail de huit heures et l’assurance santé gratuite – et le parti censé représenter ses idées, le SPD, y est menacé de ne plus siéger au Parlement.
Les résultats du scrutin apparaissent dés lors très incertains et une des questions clés est celle de savoir si le parti de gauche anti-immigration BSW acceptera de se rapprocher de l’AfD ou de la CDU. Une coalition du BSW avec l’AfD, appelé « front transversal » (Querfront), ou un soutien extérieur du BSW à un gouvernement minoritaire AfD constituerait un tremblement de terre politique dont l’onde de choc atteindrait le gouvernement fédéral de Berlin. Le BSW a cependant, jusqu’à présent, prétendu ne pas vouloir des options visant à une coalition avec l’AfD ou à un soutien extérieur à un gouvernement AfD, tout en précisant que le BSW acceptera de voter avec l’AfD sur certains sujets. Quant à une coalition entre la CDU et le BSW, elle est plus probable, mais encore faut-il qu’elle dispose d’une majorité de sièges ou trouve un ou d’autres alliés.

La déroute du système

Quoi qu’il advienne, 33 ans après la chute du communisme à l’Est, le fait que 2/3 des électeurs de Thuringe désirent voter pour un des partis antisystème montre que la population est frappée par une désillusion complète face aux évolutions des dernières années – notamment la politique d’ouverture des frontières pratiquée par l’ancienne chancelière démocrate-chrétienne CDU Angela Merkel – et aux mesures prises par le gouvernement fédéral du chancelier social-démocrate SPD Olaf Scholz.

Lionel Baland

Source : Martin Debes, Deutschland der Extreme. Wie Thüringen due Demokratie herausfordert, Ch. Links Verlag, Berlin, 2024.

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2 réponses à “Le système politique allemand est au bord du gouffre en Thuringe.”

  1. Véronique D dit :

    L’Allemagne étant un État fédéral, l’intervention de Merkel et de sa dauphine de l’époque dans le jeu électoral en Thuringe est hallucinant, comme les pressions exercées par le SPD au niveau fédéral sur la CDU et par les autres partis sur le FDP où celui-ci participait au pouvoir.

    Non seulement, Merkel et sa clique ont ouvert les frontières en 2015 sans demander son avis à la population, mais ces gens ont ensuite trafiquoté le fonctionnement du système politique.

    Merkel et ses sbires représentent l’immoralité totale en politique.

  2. Francesco dit :

    L’ex-RDA se rebelle et devient des territoires AfD au grand dépit des merdocrates du système. Quelle sera la parade totalitaire qui sera envisagée ? Interdictions, recherches dans le passé lointain des éléments majeurs et mineurs? expulsion des banques ? etc,etc comme en France par ailleurs!

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