L’Angleterre moderne est façonnée par de nombreux mouvements culturels, dont certains trouvent leurs racines dans des sous-cultures et des passions populaires. Parmi ces mouvements, le rock britannique, les Casuals, et le football occupent une place centrale. Chacun d’entre eux, bien que distinct, a contribué à l’identité collective de plusieurs générations d’Anglais.
A l’occasion de la reformation du groupe Oasis, explorons donc superficiellement (de nombreux ouvrages ont déjà été écrits sur la question) ces phénomènes culturels, montrant comment le rock, les Casuals, et le football ont non seulement influencé la culture populaire, mais aussi contribué à forger une autre histoire de l’Angleterre moderne.
Les débuts du rock britannique : révolution musicale et sociale
Dans les années 1960, le rock britannique émerge comme un phénomène culturel majeur. Avec des groupes tels que The Beatles, The Rolling Stones, et The Who, le Royaume-Uni devient un épicentre de la musique populaire mondiale. Le rock britannique, influencé par le rhythm and blues américain, redéfinit les normes musicales et sociales.
Le rock ne se contente pas de réinventer la musique; il incarne également une nouvelle attitude. Les jeunes Britanniques, confrontés à une société en pleine transformation après la Seconde Guerre mondiale, trouvent dans cette musique une forme d’expression de leur rébellion et de leur identité. Les textes, souvent provocateurs, abordent des thèmes tels que l’amour, la révolte, et la quête de liberté, en rupture avec les valeurs conservatrices de l’époque.
Au-delà des chansons, c’est tout un mode de vie qui se développe autour du rock. Les concerts deviennent des lieux de rassemblement pour une jeunesse en quête de nouveauté. L’esthétique des groupes, marquée par une mode audacieuse et non conventionnelle, inspire des mouvements de mode qui seront déterminants pour la culture britannique des décennies suivantes.
Le football, de sport populaire à culte national
Le football, sport cofidié par les Britanniques au XIXe siècle, devient rapidement une passion nationale. Dans l’Angleterre du XXe siècle, il s’impose comme le sport roi, transcendé par les performances des clubs légendaires comme Manchester United, Liverpool, ou encore Arsenal. Cependant, le football est plus qu’un simple sport en Angleterre; il est un élément central de l’identité culturelle.
Les stades de football se transforment en arènes où s’expriment les passions populaires y compris dans des stades et pour des clubs moins « côtés » qui deviendront célèbres pour leurs fans (Millwall, Chelsea, Stoke, Cardiff…) . Soutenir une équipe devient un acte identitaire fort, souvent lié à des questions de classe, de communauté, et de territoire. Les chants des supporters, tels des hymnes improvisés, résonnent dans les stades et transcendent les simples matchs pour devenir des expressions collectives de fierté et d’appartenance.
Au fil des décennies, le football en Angleterre évolue, tout comme son impact culturel. Les victoires et les défaites des équipes nationales et de clubs influencent l’humeur collective, et les joueurs deviennent des héros modernes, incarnant les espoirs et les aspirations de millions de fans. Parallèlement se développe également une culture du hooliganisme, qui marquera durablement l’image du football anglais à l’étranger.
Les Casuals : Entre mode, musique et football
C’est dans ce contexte qu’émerge, à la fin des années 1970 et au début des années 1980, un mouvement qui lie de manière indissociable la mode, la musique, et le football : les Casuals. Ce terme désigne une sous-culture née des tribunes de football, caractérisée par un style vestimentaire distinctif et une attitude anti conformiste.
Les Casuals se distinguent d’abord par leur apparence. Contrairement aux autres groupes de supporters, ou aux Skinheads, souvent associés à des tenues voyantes, les Casuals adoptent un look sobre et élégant, inspiré par les marques de mode italiennes et françaises comme Fila, Sergio Tacchini, Lacoste, Burberry, C.P Company ou encore Fred Perry. Leurs vêtements de sport chic deviennent leur signature, leur permettant de se différencier et de revendiquer un statut social distinct, même au sein des stades. Mais aussi de passer incognito devant la police pour aller se livrer au jeu de la bagarre contre d’autres groupes de supporteurs. Leur style devient rapidement synonyme d’une certaine sophistication urbaine, contrastant avec l’image brute et agressive du hooliganisme traditionnel. Et rompant d’une certaine façon avec un certain nihilisme propre aux cultures punks et skinheads.
Le mouvement Casual ne se limite pas à la mode; il est également étroitement lié à la musique, notamment au rock et à des genres émergents comme la new wave, le Britrock et le punk. Les concerts et les clubs deviennent des lieux de socialisation pour les Casuals, où la musique renforce leur cohésion de groupe et leur identité collective. Les paroles des chansons, souvent empreintes de rébellion et de désillusion, résonnent avec leur propre expérience de jeunes issus de milieux ouvriers, en quête de reconnaissance et d’affirmation.
Les Casuals sont aussi liés à une forme particulière de supporterisme, parfois violente. Ils participent à une culture de l’affrontement entre groupes de supporters, une violence codifiée et ritualisée qui contribue à leur réputation ambivalente. Les Casuals se distinguent par leur refus des stéréotypes simplistes, revendiquant une culture du football fondée sur l’élégance, le style, et une certaine forme d’élitisme.
La convergence des influences : Une identité britannique complexe
L’histoire moderne de l’Angleterre ne peut être comprise sans tenir compte de ces influences croisées entre le rock, les Casuals, et le football. Ces mouvements, bien que distincts, se sont mutuellement influencés, contribuant à forger une identité culturelle complexe et riche.
Le rock, avec sa capacité à exprimer les sentiments et les aspirations de la jeunesse, a trouvé un écho dans les stades de football, où les supporters ont fait des chansons et des chants un élément central de leur culture. De leur côté, les Casuals ont redéfini les normes de la mode et du comportement dans les tribunes, influençant à leur tour la culture musicale et l’esthétique du rock britannique.
Aujourd’hui, ces éléments sont profondément ancrés dans l’imaginaire collectif britannique. Les chansons de rock continuent de résonner dans les stades, les vêtements des Casuals inspirent encore la mode urbaine, et le football reste un vecteur d’identité nationale et locale. Cette convergence des influences est le reflet d’une Angleterre moderne, où les frontières entre les classes, les cultures, et les passions se brouillent, créant une mosaïque complexe mais unifiée par un héritage commun.
12 groupes indissociables de la culture Casual
1. The Stone Roses
Originaires de Manchester, The Stone Roses ont été l’un des groupes les plus influents de la scène Madchester à la fin des années 1980. Leur mélange de rock psychédélique et de dance music a résonné fortement chez les Casuals, particulièrement avec leur album éponyme de 1989. Des titres comme “I Wanna Be Adored” et “She Bangs the Drums” sont emblématiques de cette période.
2. Oasis
Le groupe, mené par les frères Gallagher, est souvent associé à la culture des terraces, où se retrouvent de nombreux Casuals. Leur attitude rebelle et leur musique inspirée par les Beatles en font des icônes de cette sous-culture, notamment avec des albums comme “Definitely Maybe” (1994) et “What’s the Story Morning Glory?” (1995).
3. The Jam
Actif dans les années 1970 et 1980, The Jam, mené par Paul Weller, est souvent cité comme un précurseur du mouvement Casual. Leur musique, un mélange de punk, de mod revival, et de new wave, a capturé l’attention des jeunes de l’époque. Des chansons comme “Going Underground” et “Town Called Malice” sont devenues des hymnes pour une génération.
4. The Smiths
Le style sombre et lyrique de Morrissey, combiné aux mélodies de Johnny Marr, a trouvé un écho parmi les jeunes Casuals. Des morceaux comme “This Charming Man” et “There Is a Light That Never Goes Out” font partie de la bande-son de cette époque.
5. New Order
Né des cendres de Joy Division, New Order a su fusionner le post-punk avec les sonorités électroniques émergentes. Leur morceau emblématique “Blue Monday” est devenu un classique des clubs et des rassemblements Casuals. Le groupe a également été un pilier de la scène Madchester.
6. Blur
Célèbres pour leur rivalité avec Oasis, Blur est un autre groupe incontournable de la scène Britpop. Leur musique a trouvé un public fidèle parmi les Casuals, surtout avec des titres comme “Girls & Boys” et “Parklife.”
7. The Charlatans
Faisant également partie de la scène Madchester, The Charlatans ont mêlé rock psychédélique, indie, et dance music. Leur album “Some Friendly” (1990) a fait d’eux un groupe phare des années 1990, très apprécié des Casuals.
8. The Libertines
Au début des années 2000, The Libertines, mené par Pete Doherty et Carl Barât, est devenu l’un des groupes les plus influents du renouveau du rock britannique. Leur style désinvolte, presque chaotique, a séduit une nouvelle génération de Casuals.
9. The Verve
The Verve, connus pour leur hymne “Bitter Sweet Symphony”, ont mêlé rock psychédélique et britpop pour créer une musique à la fois mélodique et intense. Leur album “Urban Hymns” (1997) est un incontournable de la fin des années 1990.
10. Primal Scream
Primal Scream a capturé l’esprit de la rave culture avec leur album “Screamadelica” (1991), qui est devenu un classique instantané. Le groupe a su marier le rock, la house, et le psychédélisme.
11. Kasabian
Originaire de Leicester, Kasabian a rapidement gagné en popularité dans les années 2000 avec un son mêlant rock, électro, et une touche de psychédélisme. Leur style dynamique et leurs performances scéniques captivantes en font un favori parmi les Casuals. Des titres comme “Club Foot” et “Fire” sont devenus des hymnes pour la jeunesse britannique, ancrés dans l’énergie brute des stades et des festivals.
12. Arctic Monkeys
Les Arctic Monkeys, menés par Alex Turner, ont marqué le début des années 2000 avec un style indie rock qui résonnait avec les jeunes Casuals. Leur premier album, “Whatever People Say I Am, That’s What I’m Not” (2006), a été un énorme succès, porté par des titres comme “I Bet You Look Good on the Dancefloor”.
Casuals et Brit rock : une bibliographie (in English)
Livres en anglais :
- “Casuals: Football, Fighting & Fashion: The Story of a Terrace Cult” par Phil Thornton (2003)
- Un livre emblématique qui explore la naissance et l’évolution du mouvement Casual, du football aux tendances mode.
- “Spirit of ’69: A Skinhead Bible” par George Marshall (1991)
- Une référence pour comprendre la culture Skinhead, ses origines et son évolution.
- “Mod: A Very British Style” par Richard Weight (2013)
- Un ouvrage détaillé sur l’histoire des Mods, leur influence culturelle et leur impact sur la société britannique.
- “England’s Dreaming: The Sex Pistols and Punk Rock” par Jon Savage (1992)
- Une des références majeures sur le mouvement punk, centré autour des Sex Pistols et de l’explosion du punk en Angleterre.
- “Britpop! Cool Britannia and the Spectacular Demise of English Rock” par John Harris (2004)
- Un récit approfondi de la montée et de la chute du mouvement Britpop, avec des portraits des groupes clés comme Oasis et Blur.
- “The Fashion of Football: From Best to Beckham, From Mod to Label Slave” par Paolo Hewitt et Mark Baxter (2004)
- Ce livre examine l’intersection entre la mode et le football, y compris l’influence des Casuals et d’autres sous-cultures.
- “Rip it Up and Start Again: Postpunk 1978-1984” par Simon Reynolds (2005)
- Une exploration du mouvement post-punk, qui a suivi le punk et influencé de nombreux groupes de la scène britannique.
- “The Story of the Streets” par Mike Skinner (2012)
- L’autobiographie du leader de The Streets, un groupe influent dans la culture urbaine britannique moderne, lié à la culture Casual et au grime.
- “A Scene In Between: Tripping Through the Fashions of UK Indie Music 1980-1988” par Sam Knee (2013)
- Une rétrospective visuelle et narrative de la scène indie britannique, y compris les influences culturelles des années 1980.
Casuals, Skinheads, Mods, Hooligans…une filmographie (non exhaustive)
- “Quadrophenia” (1979) – Réalisé par Franc Roddam
- Ce film est une représentation culte du mouvement Mod des années 1960, basé sur l’album rock-opéra des Who. Il suit l’histoire de Jimmy, un jeune Mod en quête d’identité et d’appartenance, à travers des conflits avec les Rockers, une autre sous-culture de l’époque.
- “Absolute Beginners” (1986) – Réalisé par Julien Temple
- Adapté du roman de Colin MacInnes, ce film musical se déroule à Londres à la fin des années 1950, explorant les débuts de la culture Mod en plein essor.
- “The Filth and the Fury” (2000) – Réalisé par Julien Temple
- Un documentaire essentiel sur les Sex Pistols, retraçant l’histoire du groupe punk le plus célèbre du Royaume-Uni et son influence sur la culture punk mondiale
- “This Is England” (2006) – Réalisé par Shane Meadows
- Ce film poignant explore l’évolution du mouvement Skinhead dans l’Angleterre des années 1980.
- “The Football Factory” (2004) – Réalisé par Nick Love
- Adapté du roman de John King, ce film plonge dans la culture hooligan des années 1990 en Angleterre, en suivant Tommy, un hooligan londonien.
- “ID” (1995) – Réalisé par Phil Davis
- Ce film britannique raconte l’histoire de policiers infiltrés dans le monde des hooligans.
- “Control” (2007) – Réalisé par Anton Corbijn
- Ce biopic sur Ian Curtis, chanteur de Joy Division, explore l’intersection du post-punk et de la culture britannique à la fin des années 1970.
- “Made in Britain” (1982) – Réalisé par Alan Clarke
- Ce téléfilm met en scène un jeune skinhead interprété par Tim Roth, et explore les thèmes de l’aliénation et de la colère dans la société britannique.
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