Anne Le Hénanff (Horizons) ne sait pas sur quel pied danser

Au premier tour, la députée sortante Anne Le Hénanff dénonce les « extrêmes », au second tour, elle remercie Anne Gallo qui représentait, selon elle, « l’extrême gauche »

Aux législatives de 2022, Anne Le Hénanff se fait élire dans la circonscription de Vannes en battant le maire de Séné, Luc Foucault (Nupes-PS) ; à l’époque elle arbore fièrement son appartenance à la majorité présidentielle (Ensemble). En 2024, toujours au second tour, elle l’emporte facilement sur le candidat du Rassemblement national Joseph Martin (71,65 %/28,35 %) ; cette fois, plus question de faire référence à la majorité présidentielle – elle se contente du patronage du maire du Havre, Edouard Philippe, et du parti dont il est le président, Horizons. Pourtant la circonscription de Vannes a été attribuée à Horizons lors des négociations avec les autres partis de la majorité présidentielle (Modem et Renaissance) ; elle est donc bien la candidate du camp macroniste…

Avant le premier tour, évidemment, elle appelle « à l’unité de la droite et du centre » face au Rassemblement national. Mais elle se dresse plus largement en rempart contre « les deux extrêmes » ; et là, elle vise Anne Gallo (divers gauche), maire de Saint-Avé, vice-présidente du conseil régional de Bretagne, qui représente le Nouveau Front populaire : « Cette candidature n’a rien de social-démocrate, c’est l’extrême gauche. Quoi qu’en dise Anne Gallo, le Nouveau Front populaire, c’est comme la Nupes : c’est la France insoumise qui contrôle tout. » (Ouest-France, Vannes, lundi 24 juin 2024) Mais les résultats du premier tour l’obligent à mettre de l’eau dans son vin : Anne Le Hénanff (35 627 voix – 42,13 %), Anne Gallo (23 884 voix – 28,24 %) et Joseph Martin (21 454 voix – 25,37 %). Certes elle commence par pleurnicher : « Ce qui me choque le plus ce soir, c’est de voir que ceux qui ont voté pour le RN pour les Européennes ont confirmé pour les Législatives. On a un taux extrêmement élevé à Vannes. C’est nouveau pour le territoire. » (Le Télégramme, Vannes, lundi 1^er juillet 2024). Mais son désespoir sera de courte durée car Anne Gallo vient à son secours. Cette dernière est « abasourdie par le score du RN » ; elle pourrait l’être également par le mauvais résultat obtenu dans la commune dont elle est le maire, Saint-Avé : Anne Le Hénanff (35,81 %), Anne Gallo (33,49 %) et Joseph Martin (26,13 %). Une bonne nouvelle pour Anne Le Hénanff arrive sans tarder : « Je décide de ne pas maintenir ma candidature au second tour. C’est évidemment un crève-cœur. Mais l’élection d’un député d’extrême droite serait pire : ce serait pour moi un échec impardonnable. En responsabilité, j’appelle donc à faire barrage au Rassemblement national en utilisant le bulletin d’Anne Le Hénanff », déclare Anne Gallo (Ouest-France, Morbihan, mardi 2 juillet 2024). La messe est dite. Une fois sa réélection obtenue (de 35 627 voix au premier tour, elle passe à 57 609 voix au second), il ne reste plus à Anne Le Hénanff qu’à remercier la candidate de « l’extrême gauche » qui n’a « rien de social-démocrate » : « Je lui suis reconnaissante d’avoir mobilisé ses troupes et ses électeurs. Cela prouve qu’il y a eu une volonté de faire barrage au Rassemblement national. » (Le Télégramme, Vannes, lundi 8 juillet 2024)

Où se cache la « nouvelle majorité parlementaire » d’Anne Le Hénanff ?

En examinant les professions de foi d’Anne Le Hénanff du premier et du second tour, on découvre une affirmation curieuse ; elle veut « travailler avec tous les démocrates (…) pour construire une nouvelle majorité parlementaire pour la France ». Si on comprend bien, ce qui constituait alors la majorité présidentielle de l’Assemblée nationale (Renaissance, MoDem et Horizons) ne lui convient plus : « Je travaillerai en bonne intelligence avec toutes celles et tous ceux qui restent attaché à nos valeurs républicaines », écrit-elle également. Cette grande stratège développe donc une idée formidable sur le papier : « Je suis vraiment fan de l’idée qu’on puisse avoir un gouvernement pluriel c’est-à-dire qu’on aille de l’aile gauche – la social-démocratie – jusqu’aux Républicains. Je plaiderai pour ça. » (Le Télégramme, Vannes, lundi 8 juillet 2024). Tant que les députés seront élus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, cette « troisième force » – on n’est plus sous la IV^e République – apparaît illusoire. Seule une élection au scrutin de liste à la proportionnelle donnera la possibilité aux socialistes d’échapper aux contraintes du Nouveau Front populaire (alliance électorale efficace), c’est-à-dire la « cohabitation » pesante avec LFI et Mélenchon. En effet, sans changement de la loi électorale, le PS ne peut songer à la légère à une redistribution des cartes ; en effet il a des députés, un groupe parlementaire, des assistants parlementaires et le financement public à sauver. Anne Le Hénanff perd de vue que les cinq députés PS de Bretagne sont élus grâce aux suffrages des communistes, des socialistes, des écologistes, mais aussi des partisans de La France insoumise ; c’est le cas de Mélanie Thomin (Carhaix), Claudia Rouaux (Rennes-Montfort-sur-Meu), Mickaël Bouloux (Rennes-Saint-Jacques-de-la-Lande), Karim Benbrahim (Nantes-Orvault), Fabrice Roussel (Nantes-Carquefou). Les récentes élections européennes ont montré ce que pouvait donner un scrutin de liste à la proportionnelle : la fin de l’hégémonie de LFI à gauche et les mains libres pour le PS.

Bernard Morvan

Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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