On la sentait inquiète : « Dans trois semaines, la France peut être gouvernée par l’extrême droite (…) C’est la raison pour laquelle je veux mettre toute mon énergie au service de l’union de la gauche, sous la bannière du Front populaire. Une gauche rassemblée, solidaire, unie par des racines et des valeurs communes. L’urgence démocratique l’exige (…) Alors mobilisons-nous, soutenons et faisons élire les candidats qui porteront cet espoir les 30 juin et 7 juillet prochains. » (Ouest-France, Rennes, jeudi 13 juin 2024). Ainsi, deux semaines avant le premier tour des élections législatives, Nathalie Appéré (PS), maire de Rennes, sonnait le tocsin. Et, comme elle est également présidente de Rennes Métropole, elle se préoccupait du devenir de son petit royaume. Finalement, tout s’est bien passé puisque les quatre circonscriptions qui la concernent directement ont été enlevées par le Nouveau Front populaire : Rennes-Bruz (Marie Mesmeur, LFI), Rennes-Cesson-Sévigné (Tristan Lahais, Génération.s), Rennes-Montfort-sur-Meu (Claudia Rouaux, PS), Rennes-Saint-Jacques-de-la-Lande (Mickaël Bouloux, PS).
Il est certain que ce beau discours était imposé par les circonstances – communistes, insoumis, écologistes et socialistes cherchaient d’abord à survivre face à la poussée du Rassemblement national – d’où la création du NFP, simple alliance électorale. Mais les belles paroles de Nathalie Appéré ne semblent plus d’actualité, c’est ce qui ressort de récents propos sortis au cours d’une réunion en petit comité par Olivier Faure, premier secrétaire du PS : « Entre la France insoumise et nous, c’est maintenant une lutte à mort. Mélenchon veut nous détruire mais il ne faut pas tomber dans le piège, et construire un rapport de force. Et ce d’autant que les écolos sont aux côté de LFI, et ça se verra aux municipales. » (Le Canard enchaîné, 31 juillet 2024)
Bon connaisseur des arrière-cuisines de la gauche, Rémi Lefebvre, professeur de sciences politiques à l’université de Lille, résume ainsi la question : « On voit que l’alliance à gauche ne fonctionne que quand elle est défensive. La Nouvelle Union populaire, écologique et sociale et le NFP ont été conclus très rapidement pour lutter contre le Rassemblement national et, surtout, sauver les circonscriptions et les groupes parlementaires. » (Le Monde, dimanche 21-lundi 22 juillet 2024). Effectivement, insoumis et socialistes se sont toujours détestés. On verra ce que cela donnera aux élections municipales de 2026 à Brest, Nantes, Rennes et Saint-Nazaire : assisterons-nous à un affrontement direct entre une liste socialiste et une liste insoumise ? Ou bien, une nouvelle fois, nécessité faisant loi, les frères ennemis formeront-ils une liste « union de la gauche » ?
En attendant, Lucie Castets, directrice des finances et des achats de la Ville de Paris, désignée première-ministrable par la gauche, nous explique que « c’est le Premier ministre qui compose le gouvernement. Cette composition tiendra compte de toutes les sensibilités du NFP ». Mais elle se réserve une porte de sortie afin de pouvoir disposer d’une majorité : « Nous irons chercher des compromis avec les autres groupes, à l’exception du Rassemblement national. Avec eux, jamais. Néanmoins, je ne serai pas responsable de leurs votes. S’ils veulent abroger la réforme des retraites ou améliorer les services publics, je ne peux pas les en empêcher » (La Tribune Dimanche, 28 juillet 2024). Pour diriger l’hôtel de Matignon, une bonne forme physique est recommandée, aussi Lucie Castets a-t-elle posé des congés « jusqu’au 31 août prochain »… (Le Canard enchaîné, 31 juillet 2024)
Bernard Morvan
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