Machiavel. Une biographie de Jean-Yves Boriaud

Les éditions Perrin ont publié fin février une biographie de Machiavel, rédigée par Jean-Yves Boriaud, professeur de langue et littérature latines à l’université de Nantes, spécialiste de la Rome renaissante. Il a notamment traduit par le passé « l’Art de la guerre » ou encore « Le Prince ».

Synonyme de cynisme compliqué de rouerie, le « machiavélisme » a éclipsé Niccolò Machiavelli, Italien de la classe moyenne devenu diplomate, qui courut les routes d’Europe pour le compte de Florence : il connut la cour française de Louis XII, l’Allemagne de Maximilien Ier et la Rome des Borgia, qui lui apprit tant de choses sur les ressorts les plus sombres de l’âme humaine.

Cela pour la défense de sa patrie, qu’il aimait, dit-il, « plus que tout », cité opulente, mais si petite qu’il lui fallut toute sa dialectique afin d’assurer sa survie au milieu des guerres d’Italie.

Ce républicain, que les Médicis emprisonnèrent, torturèrent et exilèrent, écrivit en 1513, une fois chassé du pouvoir, le bref traité du Prince où, pour la première fois dans l’histoire de la pensée politique occidentale, l’efficacité prenait le pas sur la morale.
Sans oublier un Art de la guerre qui renouvelait la doctrine militaire du temps et le commentaire de Tite-Live où les jeunes États-Unis vinrent chercher les fondements de leur Constitution.

Pour ses contemporains, il fut aussi un auteur de théâtre à succès, un bon vivant grand ami des actrices, avant qu’une légende noire, forgée à la toute fin de sa vie, n’assombrît définitivement l’image de ce penseur libre venu apprendre au monde, qui ne le lui pardonna pas, que l’homme, foncièrement, est mauvais.

Un livre indispensable pour découvrir Machiavel, sa vie, et la période historique qui l’a conduite à écrire l’ouvrage classique « Le Prince ».

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Machiavel – Jean-Yves Boriaud – Perrin – 22,90€

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2 réponses à “Machiavel. Une biographie de Jean-Yves Boriaud”

  1. François Arondel dit :

     »Le
    Prince » est sans aucun doute l’ouvrage le plus connu de Machiavel mais ce ne
    fut ni le dernier ni le plus important. Le dernier de ses livres, commencé
    avant la rédaction du  »Prince » et terminé après sa publication, est intitulé
     »Discours sur la première décade de Tite Live »; c’est le testament
    philosophique de Machiavel tandis que  »Le Prince » est un ouvrage de
    circonstances dans lequel le Florentin, mis à l’écart par tous les gens
    importants, a tenté de renouer avec les Médicis en rédigeant un livre de conseils.
    Sa rédaction a eu lieu après la chute du régime républicain à Florence et
    Machiavel, inspiré par les auteurs antiques (théories des successions des
    régimes) pensait que le rétablissement du régime qui avait ses faveurs imposait
    le passage par une transition monarchique.  »Le Prince » est un livre de
    conseils adressé au Médicis en qui Machiavel voyait le meilleur candidat possible
    au titre de  »Prince » de Florence. Ceci dit, cette transition monarchique ne
    répond nullement aux aspirations du philosophe qui souhaite ardemment le
    rétablissement de la république. Les  »Discours » sont, de ce point

    de vue, très clairs : pour Machiavel le meilleur des régimes est la république.

    Ce sont les ennemis de
    Machiavel (notamment l’Eglise Catholique qui n’a jamais apprécié le refus
    machiavélien des prétentions hégémoniques du Vatican et

    l’admiration que Machiavel vouait à la religion civique des Romains) qui ont

    réduit la pensée machiavélienne au machiavélisme lequel ne résume pas du tout

    le message de ce brillant philosophe que nos  »républicains » de 1789/1793 ont

    totalement ignoré (ces derniers sont passés à côté de l’idée centrale du
    républicanisme, l’idée de liberté comme non-domination; en fait, l’anticomanie
    qui a sévi pendant cette révolution est un trompe l’oeil, les révolutionnaires
    ne connaissaient pas la philosophie républicaniste romaine. C’est ce qui
    explique qu’ils ont adhéré à la version libérale de l’idée de liberté, la
    liberté comme non-interférence, et que l’inspiration de la révolution française
    est fondamentalement libérale comme l’ont souligné Karl Marx et Claude
    Nicolet).

    Reprenant à son compte
    le message cicéronien concernant l’idée de liberté comme non-domination, qu’il
    a complétée et illustrée, Machiavel, loin de faire l’apologie d’une dictature
    personnelle et machiavélique fait l’apologie du régime populaire. Pour lui, ce
    qui valait le plus c’était l’avenir du peuple florentin dans son ensemble mais
    ce peuple (comme tous les peuples) était divisé entre les riches et les
    pauvres; la lutte entre ces deux factions était à son avis perpétuelle et les
    pauvres (de loin les plus nombreux) étaient ceux qui étaient naturellement favorables
    à la liberté (au rejet de la domination),

    non pas parce qu’ils auraient été titulaires d’une essence ou d’une moralité
    supérieure mais parce qu’ils étaient victimes de la domination exercée par les riches
    tandis que ces derniers,

    évidemment,
    en bénéficiaient.

    Contrairement à ce que
    disait mon professeur de philosophie gauchiste (qui ne connaissait que  »Le
    Prince ») quand j’étais en classe terminale, Machiavel n’est pas un auteur  »de
    droite » (entendons par là, un auteur qui aurait été au service des classes
    possédantes et hostile au régime républicain) mais un républicain réaliste et
    un fin observateur des hommes qui ne se faisait aucune illusion sur le
    comportement humain lequel a des côtés lumineux mais aussi des côtés beaucoup
    plus sombres (ceci dit, il ne pensait pas, contrairement à Hobbes, que les hommes
    étaient pure méchanceté, ce qui est indéfendable parce que l’altruisme est une
    qualité que la grande majorité des humains partagent). Son idée d’une lutte
    perpétuelle des classes sociales fait de lui un philosophe original qui avait
    le patriotisme chevillé au corps mais, et c’est là que réside une grande partie
    de son génie, il a compris qu’une communauté patriotique, aussi homogène soit-elle,
    est traversée par des conflits sociaux. C’est précisément le rôle du

    politique de trouver des solutions pour sortir de ces conflits  »par le haut » de
    façon à maintenir la cohésion de la communauté. Contrairement à la droite patriote
    moderne qui voue aux gémonies toute forme de lutte des classes et plaide en
    faveur d’une unité nationale aussi irénique qu’imaginaire (elle n’existe qu’en
    période de grand danger ou de guerre), Machiavel a écrit que la lutte entre
    dominants et dominés est à l’origine des institutions les plus importantes;
    ainsi de la création du tribunat de la plèbe à Rome (dont il pensait que
    c’était la plus importante des institutions romaines) qui a résulté

    d’une négociation entre la plèbe (qui faisait alors la grève de la guerre) et le
    Sénat.

    Pour comprendre la très riche pensée de Machiavel, il ne faut pas en rester au

     »Prince », il faut lire les  »Discours ».

  2. François Arondel dit :

     »Le Prince » est sans aucun doute l’ouvrage le plus connu de Machiavel mais ce ne fut ni le dernier ni le plus important. Le dernier de ses livres, commencé avant la rédaction du  »Prince » et terminé après sa publication, est intitulé  »Discours sur la première décade de Tite Live »; c’est le testament philosophique de Machiavel tandis que  »Le Prince » est un ouvrage de circonstances dans lequel le Florentin, mis à l’écart par tous les gens importants, a tenté de renouer avec les Médicis en rédigeant un livre de conseils.
    Sa rédaction a eu lieu après la chute du régime républicain à Florence et Machiavel, inspiré par les auteurs antiques (théories des successions des régimes) pensait que le rétablissement du régime qui avait ses faveurs imposait le passage par une transition monarchique.  »Le Prince » est un livre de
    conseils adressé au Médicis en qui Machiavel voyait le meilleur candidat possible au titre de  »Prince » de Florence. Ceci dit, cette transition monarchique ne répond nullement aux aspirations du philosophe qui souhaite ardemment le rétablissement de la république. Les  »Discours » sont, de ce point de vue, très clairs : pour Machiavel le meilleur des régimes est la république.
    Ce sont les ennemis de Machiavel (notamment l’Eglise Catholique qui n’a jamais apprécié le refus
    machiavélien des prétentions hégémoniques du Vatican et l’admiration que Machiavel vouait à la religion civique des Romains) qui ont réduit la pensée machiavélienne au machiavélisme lequel ne résume pas du tout le message de ce brillant philosophe que nos  »républicains » de 1789/1793 onttotalement ignoré (ces derniers sont passés à côté de l’idée centrale du républicanisme, l’idée de liberté comme non-domination; en fait, l’anticomanie qui a sévi pendant cette révolution est un trompe l’oeil, les révolutionnaires
    ne connaissaient pas la philosophie républicaniste romaine. C’est ce qui explique qu’ils ont adhéré à la version libérale de l’idée de liberté, la liberté comme non-interférence, et que l’inspiration de la révolution française est fondamentalement libérale comme l’ont souligné Karl Marx et Claude Nicolet).
    Reprenant à son compte le message cicéronien concernant l’idée de liberté comme non-domination, qu’il
    a complétée et illustrée, Machiavel, loin de faire l’apologie d’une dictature personnelle et machiavélique fait l’apologie du régime populaire. Pour lui, ce qui valait le plus c’était l’avenir du peuple florentin dans son ensemble mais ce peuple (comme tous les peuples) était divisé entre les riches et les
    pauvres; la lutte entre ces deux factions était à son avis perpétuelle et les pauvres (de loin les plus nombreux) étaient ceux qui étaient naturellement favorables à la liberté (au rejet de la domination),
    non pas parce qu’ils auraient été titulaires d’une essence ou d’une moralité supérieure mais parce qu’ils étaient victimes de la domination exercée par les riches tandis que ces derniers, évidemment, en bénéficiaient.
    Contrairement à ce que disait mon professeur de philosophie gauchiste (qui ne connaissait que  »Le
    Prince ») quand j’étais en classe terminale, Machiavel n’est pas un auteur  »de droite » (entendons par là, un auteur qui aurait été au service des classes possédantes et hostile au régime républicain) mais un républicain réaliste et un fin observateur des hommes qui ne se faisait aucune illusion sur le
    comportement humain lequel a des côtés lumineux mais aussi des côtés beaucoup plus sombres (ceci dit, il ne pensait pas, contrairement à Hobbes, que les hommes étaient pure méchanceté, ce qui est indéfendable parce que l’altruisme est une qualité que la grande majorité des humains partagent). Son idée d’une lutte perpétuelle des classes sociales fait de lui un philosophe original qui avait
    le patriotisme chevillé au corps mais, et c’est là que réside une grande partie de son génie, il a compris qu’une communauté patriotique, aussi homogène soit-elle, est traversée par des conflits sociaux. C’est précisément le rôle du politique de trouver des solutions pour sortir de ces conflits  »par le haut » de
    façon à maintenir la cohésion de la communauté. Contrairement à la droite patriote
    moderne qui voue aux gémonies toute forme de lutte des classes et plaide en faveur d’une unité nationale aussi irénique qu’imaginaire (elle n’existe qu’en période de grand danger ou de guerre), Machiavel a écrit que la lutte entre dominants et dominés est à l’origine des institutions les plus importantes;
    ainsi de la création du tribunat de la plèbe à Rome (dont il pensait que c’était la plus importante des institutions romaines) qui a résultéd’une négociation entre la plèbe (qui faisait alors la grève de la guerre) et leSénat.
    Pour comprendre la très riche pensée de Machiavel, il ne faut pas en rester au  »Prince », il faut lire les  »Discours ».

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