En politique, le « déshonneur » est souvent efficace

Les militants du PCF d’Ille-et-Vilaine se disent « fiers et soulagés de ne voir aucun siège tomber entre les mains de l’’extrême droite en Bretagne ». Néanmoins, ils constatent que « malgré cette mobilisation républicaine, le Rassemblement national progresse et demeure un grave danger pour la République » (Ouest-France, Ille-et-Vilaine,  jeudi 11 juillet 2024). Après le premier tour, Gilles Pennelle  (patron du RN en Bretagne) faisait la même constatation: « Le score obtenu en Bretagne par les candidats du Rassemblement national ce 30 juin est exceptionnel ! Partout la progression est spectaculaire » (Ouest-France, Ille –et-Vilaine, mardi 2 juillet 2024). Effectivement les chiffres parlent.  Dans les 37 circonscriptions bretonnes, les candidats du RN obtiennent  248 367 voix  au premier tour des élections législatives de juin 2022. Ils passent à 699 387 voix au premier tour de juin 2024. Soit un bond de 451 020 suffrages. Mais, si on prend en compte les 35 circonscriptions – Nantes centre et Rennes-Saint-Jacques-de-la-Lande ont été pourvues dès le premier tour – dans lesquelles les candidats du RN sont présents dans les deux tours de 2024, on s’aperçoit que la situation n’est pas brillante. Si le 30 juin, le RN y totalise 710 343 suffrages, il ne séduit que 729 320 électeurs le 7 juillet ; c’est-à-dire une modeste progression de 18 977 voix. Tout à fait insuffisant pour obtenir des députés ; l’absence de réserves nuit grandement au RN.

En une seule phrase, Jérôme  Jaffré résume la question : « Les électeurs n’ont pas voté pour choisir un gouvernement mais pour barrer la route au RN » (Le Point, 11 juillet 2024). Il faut reconnaître également qu’en Bretagne, les candidats du RN ne sont pas des « vedettes », incapables qu’ils sont d’apporter de la valeur ajoutée. «Parler à leur clientèle, ça ne les intéresse pas, laquelle est préoccupée par les déserts médicaux, les hôpitaux, le logement, les transports, les salaires… Evoquer la question de la revalorisation des salaires des auxiliaires de vie scolaire et des employés qui aident les personnes âgées isolées dans les villages, ça ne leur traverse pas l’esprit. Ils préfèrent discourir sur des  « grands sujets » dont se foutent leurs électeurs»  constate un observateur politique. « Notre électorat existe mais on a encore lavé le cerveau du peuple. La France est en marche pour un état stalinien et une république islamique, avec la complicité du gouvernement », annonce Joseph Martin qui était candidat à Vannes (Ouest-France, Morbihan, lundi 8 juillet 2024). « Nous n’avons aucun élu dans le département à cause de l’alliance du déshonneur de l’extrême gauche et des macronistes, qui se sont ligués contre le RN », déplore Odile de Mellon qui était candidate à Loudéac (Ouest-France, Côtes-d’Armor, lundi 8 juillet 2024). « Il a fallu cinq partis politiques à monsieur Raux [EELV-NFP] pour faire 40 %. Alors que moi, avec le RN, j’arrive à 35 %. Mais ce n’est que partie remise. Au vu de l’état de l’Assemble nationale, ce ne sera pas longtemps gouvernable », analyse finement le parachuté Julio Pichon candidat à Châteaubriant (Ouest-France, Loire-Atlantique, lundi 8 juillet 2024).

Le plafond de verre

Et puis n’oublions pas que le vote RN est essentiellement un vote de classe nourri par les classes populaires. Si Nolwenn Fer doit se contenter 13,73 % des exprimés dans la circonscription de Nantes centre au premier tour, Nathalie Guihot-Vieira  grimpe à 34,69 % à Gourin-Hennebont. La base sociologique n’est pas la même… D’une manière générale, l’électeur de droite du premier tour – libéral, conservateur, européiste – évite de se reporter sur le candidat RN au second tour – ce n’est pas sa tasse de thé !  « Ces élections nous montrent que la droite classique a toujours peur du populisme du Rassemblement national et notamment de son programme économique. Sans compter un reste de mépris de classe. Quant au centre, il demeure chez ses électeurs une sorte de culpabilité, presque un fantôme de la démocratie chrétienne, qui lui interdit de vote RN », note Camille Pascal, l’ancienne plume de Nicolas Sarkozy et de Jean Castex  (Le Nouvel obs, 11 juillet 2024).

Bernard Morvan