Derrière les branches feuillues, sous les rochers moussus, à couvert de la canopée de nos futaies s’abrite tout un peuple de légende : nymphes, dames blanches et fantômes, lutins de tout acabit, vouivres, sorciers et sorcières ou encore veneurs noirs… Fabuleuses forêts de France (Cernnunos) livre signé Claudine Glot (et superbement illustré par Amélie Rétorré), invite à un voyage dans les forêts de France à la rencontre de leur magie et leurs mystères.
Pour vous mettre l’eau à la bouche, nous avons interviewé Claudine Glot.
Breizh-info.com : Dans « Fabuleuses forêts de France », vous vous penchez sur les légendes et les mythes de diverses forêts françaises. Pourriez-vous expliquer comment ces histoires ont façonné les cultures locales ?
Claudine Glot : Je crois que ce sont plutôt les cultures locales qui ont façonné ces histoires, à partir d’un fonds commun très ancien, d’une mémoire partagée par une grande partie de l’Europe, et parfois au-delà. C’était d’ailleurs une des difficultés de cet ouvrage : on s’aperçoit très vite de la répétition des contes, légendes, traditions d’une région et d’une forêt à l’autre. Certains de ces thèmes étaient si généralement présents que j’ai choisi de leur consacrer des doubles pages, et de ne citer, dans les textes consacrés aux forêts elles-mêmes, qu’une version, particulièrement intéressante, de ces contes-types. J’en ai fait de même avec les personnages clés de la mythologie française, Mélusine, Gargantua, la Vouivre…
Breizh-info.com : Votre livre est richement illustré. Comment avez-vous choisi les images et les illustrations qui accompagnent le texte ?
Claudine Glot : La recherche des images a été effectuée par mon éditrice, Amélie Rétorré. Elle m’envoyait à mesure le fruit de ses recherches, et les prémaquettes. Parfois, j’envoyais à mon tour une illustration que je souhaitais voir figurer dans l’ouvrage. Le but était bien de montrer la beauté et la force d’inspiration que porte de la forêt, sans faire un quantième livre illustré de fées, korrigans et trolls.
Breizh-info.com : Quelle est la forêt décrite dans votre livre qui a le plus d’importance pour vous, et pourquoi ?
Claudine Glot : Je n’étonnerai personne en citant Brocéliande, mais immédiatement après je parlerai de la forêt d’Ardenne, magnifique, immense et au légendaire presque aussi riche que celui de la Bretagne.
Breizh-info.com : Le livre aborde les aspects historiques de ces forêts. Pouvez-vous citer un exemple de fait historique particulièrement surprenant que vous avez découvert au cours de vos recherches ?
Claudine Glot : Un des faits qui m’a frappé n’est pas un événement historique en soi, mais la façon dont à plusieurs reprises la forêt, en France, a failli disparaître par un usage abusif et irraisonné. AU XIVe siècle, la forêt est en grand danger, et il faut statuer sur sa préservation. Ainsi Louis XIV et Colbert, trouvant les forêts en piteux état, réorganisent le corps des eaux et forêts régénéré la forêt pour en conserver l’usage et les avantages. Mais la forêt, surexploitée, est extrêmement réduite à la veille de la Révolution ; pendant celle-ci, les bois, rendus à tous par l’abolition des usages d’Ancien Régime, ont été, dans certaines régions, littéralement ravagés. On pourrait trouver d’autres exemples. L’amour de la forêt n’est pas inné, semble-t-il. Mais si on ne ressent pas ce lien entre la forêt et nous, au moins faudrait-il être assez prudent pour la ménager afin d’en conserver l’usage et les bienfaits. Je ne crois pas qu’on soit en en train d’y parvenir…
Breizh-info.com : Compte tenu des préoccupations environnementales actuelles, comment pensez-vous que les légendes et l’histoire de ces forêts peuvent être utilisées pour promouvoir leur conservation ?
Claudine Glot : Pour parler du lien qui se fait spontanément entre la forêt et les légendes, je vais rappeler l’émotion qu’avait suscitée l’incendie de Brocéliande en 1990. A côté du mouvement fortement médiatique des sauveteurs de la forêt (hommes politiques, chefs d’entreprises, chasseurs, Rotary-Club etc.), il y avait la foule des donateurs anonymes et modestes. Et ceux-là étaient infiniment nombreux à poser la même question : « Si la forêt brûle, où s’abriteront les légendes ? » Plus récemment, nous avons participé à un échange avec des jeunes gens du Gabon, effrayés par ce que devenait leur forêt aux mains des marchands de bois du monde entier (légalement ou non), et qui voulaient montrer qu’on peut vivre de la forêt sans la tuer. L‘exemple du Centre Arthurien leur avait été fournie par les services culturels de l’Ambassade de France à Libreville. Là encore, les légendes, le conte, une approche sensible, artistique, mémorielle pouvait aider à voir la forêt autrement que comme une ressource presque inépuisable de planchers et de poutres… Il n’en est pas autrement chez nous.
Breizh-info.com : Vous mélangez harmonieusement le folklore et l’histoire factuelle. Pouvez-vous décrire votre approche pour maintenir l’équilibre entre les deux ?
Claudine Glot : Je transmettais un héritage, ancien et récent. Les forêts nous sont livrées avec chacune un passé différent, donc je n’ai pas cherché à mesurer l’espace ou l’importance impartis au folklore et à l’histoire. Les deux se sont équilibrées sur l’ensemble de l’ouvrage. Cela s’est fait d’autant plus facilement que l’histoire – qui n’est pas une science exacte – se transforme, se mythifie à mesure que nous la racontons, en s’éloignant des époques évoquées ; et que nous adaptons les légendes anciennes à nos façons plus récentes de dire le monde. J’ai aussi essayé de rappeler, au moins un peu, la botanique et la géologie… même si ce ne sont pas mes spécialités, il fallait donner ce ressenti essentiel de la forêt physique : le légendaire de certaines forêts doit tout à ses roches ou ses eaux comme le Sidobre ou la forêt de Païolive.
Breizh-info.com : Qu’espérez-vous que les lecteurs retiendront de « Fabuleuses forêts de France » ?
Claudine Glot : La curiosité de la redécouverte de leurs forêts, le goût de ne pas en faire seulement un lieu de « bien-être » — randonnée contée, méditation ou sylvothéraphie, par exemple. Bref je souhaiterais qu’on essaie d’aimer la forêt pour elle-même et non pour l’usage que nous en faisons.
Propos recueillis par YV
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