88 ANS et toutes ses dents… … à l’exception de quelques molaires qui me furent arrachées jadis du côté de Colomb-Béchar par un dentiste militaire…
Mes parents étaient « maîtres d’école » en ce temps-là… J’ai appris à lire, écrire, compter avec ma maman, mon père retenu en Allemagne, comme « P.G. » J’étais né au temps des grandes vancances de l’année bénite : celle des « congés payés »… C’est pourquoi, sans être fainéant, je suis plutôt partisan du moindre effort, de la sieste, et du bon rapport dépense-énergétique-minimum / résultat-optimal. Aussi, après le passage de Notre-Dame de Boulogne puis celui de la Guerre, ai-je suivi, quatre-vingts ans plus tard, les grandioses festivités célébrant l’époque où je n’avais pas dix ans. Huit, pour être précis… J’ai été emballé par les « vieux schnoques » qui avaient l’air de ce que serait devenu feu mon père… Ah là là ! Moi qui suis en chemin, j’ai l’impression d’être à la traîne.
Cela dit, je n’ai pas aimé — mais alors pas du tout — l’ « interprétation » débile (« hi-han ») du Chant des partisans, ainsi que les gesticulations (encore « hi-han ») des petits lascars tout juste sortis du bercail de l’Opéra-Comique… Est-il « comique » de lever les bras ? on se demande bien pourquoi ? Cela a même rendu perplexe le Président Biden qui n’avait pas encore lu le dernier livre de Renaud Camus… (tss !) où celui-ci fustige, avec raison, à tort et à travers. Sans doute que ces braves gens (des « cadres » Volques… Arécomiques ? hi hi ) estiment… que leur addiction aux éclatantes pattes en l’air sont de l’art. Le salut fasciste a de l’avenir… M. Lambert Wilson, Mme Charlotte Rampling et leurs camarades, « dont les noms m’échappent », ont été fort justes et bien allant. Les bouquets colorés tirés par l’Aviation ont fait oublier la terreur qu’ils répandaient dans nos campagnes de l’Ouest. J’ai entendu une dame (mon âge moins le quart) disant qu’elle frémissait jadis à chaque passage d’un aéronef … la paix revenue.
Avec tout ce qu’ont pris les Normands sur la tête, on se demande quand même pourquoi il n’y a pas plus que ça de « collabos » dans les départements. Rapport à Bayeux et à l’initiative du Général de lancer une administration responsable dans ces terrritoires glorieux ? Cela expliquerait sans doute la part de schizophrénie résiduelle dans les populations, mais pas plus. Encore un mystère : pourquoi tant de gens se prennent pour des clous et réclament un marteau ?
Parce qu’il n’y avait pas que le cinéma pour nous enfermer dans des terreurs indescriptibles. Il y avait aussi la guerre qui ne s’était pas résumée à deux exodes : une première, à presque l’âge de quatre ans, et la seconde alors que j’avais juste huit ans. De la première je me souviens être parti vers le patelin voisin, dans les collines, juché sur le porte-bagage de ma maman, fasciné par les flammes et le gros nuage de fumée noire venant des rives Nord de la Loire : le dépôt de pétrole (« de l’Ouest ») cramait terriblement… La seconde fois, j’étais un gamin curieux qui trottinait le long de la colonne des gens du village qui partaient vers le Sud, vers le Layon, poursuivi par l’odeur des cadavres… de chevaux. Les Allemands nous avaient ordonné de partir « à vingt kilomètres, au moins de la Loire », avait dit le maire…
Cela faisait plusieurs jours que nous dormions dans les caves… 10 août 1944 : le général George Patton, 59 ans, descendait de Normandie avec sa 3e armée. Il plongeait sur la Loire, au sud d’Angers, et commençait à bombarder la rive gauche, préoccupé par les trois kilomètres de ponts qui traversent les Ponts-de-Cé. Et que les Allemands firent sauter… Dans notre trou qui datait de Mathusalem et même avant ce bonhomme, nous avions sur le dos un morceau de falaise d’ardoises et la maison du curé. Seulement, l’ouverture était face au Nord, ce qui n’était pas un avantage étant donné les circonstances. Bien sûr, les vieux qui avaient fait la guerre en Quatorze, installèrent-ils une protection de troncs et de branchage… Les Allemands, qui nous chassèrent, perfectionnèrent la protection avec la pioche et la pelle et construisirent un rempart. Bon, ils y laissèrent même un cochon, mais n’allons pas trop vite…
Le temps s’est étiré. Incroyable… En vérifiant mes dires, je me suis aperçu que « ma » guerre n’avait duré qu’une effroyable quinzaine. Du 10 au 25 ou 26 août. Je venais d’avoir huit ans. La nuit, nous « dormions » sur un lit de « rouches » qui abondent dans les marécages des bords d’Aubance… C’est aussi une façon de parler du sommeil parce que je me souviens avoir « compté » fébrilement le temps qui sépare le départ de l’obus de son arrivée dans les environs. J’avais appris à me méfier des coups de 155. Ma science venait des anciens que j’écoutais toujours… Comme j’écoutais les orages, chez ma Bretonne de grand-mère. En comptant… Le jour, nous vacquions, prudents mais téméraires… Ainsi, ma petite soeur et ma tante furent « séparées » par un large éclat d’obus qui arriva en sifflant. Elles s’en souvinrent longtemps. Elles étaient assises dans l’herbe, dans une descente vers la Vallée…
Parmi les « attractions » dont je me souviens, il y a un « panzer » arrêté devant le café-épicerie, à deux pas de l’église et de son clocher où veillaient deux observateurs « boches ». Il y eut aussi un drôle de personnage qui fumait un drôle de tabac blond et qui était vêtu d’un drôle d’imperméable… Un Monsieur inattendu que l’un de nous, un « grand » qui savait l’anglais, identifia comme un « éclaireur américain ». Allez savoir pourquoi ?… Il avait passé la Loire, au Grand-Port… et nous l’avions trouvé plutôt sympa…
Quand nous rentrâmes, en septembre (les vacances, cette année-là, s’étaient prolongées), nous entrâmes dans un patelin dévasté. Les toits étaient par terre et des brèches s’étaient ouvertes. Les fils téléphoniques et les cables électriques faisaient des cerceaux sur la route traversière. C’est alors que nous découvrîmes un oubli des Allemands, un gros et gras cochon qui n’appartenait à personne et que l’ensemble des voisins immédiats débitèrent en saucisses, riauds, rillettes, jambons et « mignons », le sang transformé en « fressure »… Le cochon était devenu « porke », comme disait ma maman. Les grandes lessiveuses de chez le curé, d’immenses cuves maçonnées qui servaient jadis aux « buées » furent délaissées au profit d’une plus petite, en fonte… dans laquelle mijotèrent les premières lessives de la Libération… après les rillauds.
MORASSE
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2 réponses à “Mon Débarquement américain en Normandie…”
les américains entrent en guerre la dernière année, quand les ruskofs on perdu 25 millions de tués! (eux 185000) mais holliwood a fait du bon boulot, en décrétant qu’ils nous ont libéré
Eh bien Morasse, auteur de ce récit…88 ans « et toutes ses dents » (pas moi à 80)…Châpeau, quelle précision, quelle mémoire…Continuez à être en bonne santé et à nous ravir par votre expérience du vécu.