Du muscle, de la bagarre, des tatouages. Le calcio romano est un sport collectif ancien qui se refait une petite jeunesse en Italie. Il ressemble à s’y méprendre au calcio florentin dont nous vous avions entretenus ici, mais avec quelques différences. Pour en savoir plus, nous avons demander à un des athlètes de l’équipe CENTVRIA de Rome, le première ligne Vincenzo Sortino, de nous en dire un peu plus.
Breizh-Info.com : Bonjour Vincenzo, pourriez-vous nous décrire ce sport à mi chemin entre le foot et les sports de combats ? Quelles sont ses principales règles ?
V. S. : Le jeu de l’harpastum prend ses origines dans la Rome antique et a été largement inspiré par la sphéromachie des Grecs. Son nom, italianisé en Arpasto, vient du verbe qui signifie « déchirer, attraper, emporter par la force », suggérant déjà la nature dynamique du jeu. Les règles, bien que détaillées, peuvent devenir quelque peu confuses pendant la ferveur du match.
L’objectif principal reste de dépasser la ligne adverse, avec deux équipes de 15 joueurs chacune, chacun ayant un rôle spécifique.
Les premières lignes doivent obligatoirement avoir les mains bandées, laissant apparaître les articulations, pour être reconnaissables. Pour eux, les échanges de coups sont libres. Les coups de poing, les coups de pied circulaires sous la ceinture, les coups de genoux au corps et le take down sont autorisés sans restriction. Une fois au sol, il est permis de lutter pour obtenir une position favorable, mais interdit de frapper ou de soumettre l’adversaire avec des leviers ou des étranglements.
Les secondes lignes sont chargées d’ouvrir des espaces pour les porteurs de balle, à la fois en attaque et en défense. Ces derniers sont généralement agiles et rapides, provenant souvent du rugby, et doivent dépasser la ligne adverse.
Après chaque point marqué, vous changez de terrain et le pallaio lance la balle au centre, où les premières lignes reprennent le combat et les saltatori tentent de prendre possession de la balle. Le jeu se déroule sur un terrain de 60 x 25 mètres, en deux temps de 25 minutes chacun et un intervalle de 5 minutes.
Breizh-Info.com : Haspastum, tel est le nom qu’il revêtait dans la Rome antique. Quelle est son histoire ? Y’a t’il des différences entre ce que vous pratiquez aujourd’hui et celui de l’époque ? On peut encore aujourd’hui admirer des mosaïques représentant des femmes le pratiquant. Doit-on en juger qu’il est plus violent aujourd’hui d’alors ?
V. S. : Bien qu’il existe de nombreuses références antiques au jeu – présentes dans les écrits d’auteurs tels que Martial, Tacite et Antifane -, les informations sur le règlement restent rares. Certains prétendent que les règles ont pu être établies au cas par cas. Cependant, il reste certain que l’objectif principal était de porter une petite balle en chiffon au-delà de la ligne adverse. Il est évident qu’il s’agissait d’un sport violent, extrêmement populaire parmi les légionnaires et les gladiateurs, qui le pratiquaient non seulement pour se maintenir en forme, mais aussi pour d’autres raisons.
Le jeu avait des fans passionnés et était extrêmement aimé par la population romaine. Les joueurs étaient souvent décrits comme des demi-dieux. En outre, nous savons que ces matches pouvaient également résoudre des problèmes politiques. Par exemple, Tacite mentionne un match à Pompéi entre l’équipe à domicile et celle de Nocera, particulièrement important puisque Nocera avait été rétrogradée au statut de colonie, perdant ainsi certains droits agricoles au profit de Pompéi.
Personnellement, je pense qu’il est possible que les femmes puissent aussi avoir participé en formant des équipes féminines. Du point de vue social et sportif, l’époque romaine était à l’avant-garde de son temps, comme nous le savons déjà. Cependant, j’exclurais l’hypothèse que le jeu pouvait être moins dur qu’aujourd’hui, compte tenu de l’omniprésence de la guerre à cette époque.
Breizh-Info.com : Il semble y avoir actuellement un regain d’intérêt pour le calcio romain. Est-il présent sur tout le territoire ? Combien d’équipes s’affrontent ?
V. S. : À l’ère des relations numériques et des interactions à distance, se retrouver face à face avec quelqu’un sur un terrain souvent poussiéreux et boueux devient une véritable expérience d’auto-découverte. Une fois éprouvée, il est difficile d’abandonner, même pour ceux qui n’ont pas les capacités physiques nécessaires. C’est pour cette raison qu’en un peu moins de huit ans, de nombreuses équipes sont nées dans des régions telles que le Latium, la Lombardie et l’Émilie-Romagne.
Beaucoup de gens sentent encore un appel presque primitif à cette confrontation « belliqueuse », qui semble presque disparu de nos jours. Cependant, de nombreuses régions d’Italie restent encore sans équipe, principalement en raison des difficultés d’organisation et de gestion d’une équipe, ainsi que de l’entraînement physique.
Breizh-Info.com : Y’a t’il une dimension politique et même identitaire dans ce sport ?
V. S. : Comme je l’ai déjà mentionné, l’appel de la guerre est, en soi, une dimension politique puisqu’il unit des personnes vers un objectif commun. Il est rare de trouver des calcianti (c’est ainsi qu’on appelle les joueurs de cette discipline) qui n’aiment pas résoudre des problèmes ou qui se plient complètement à la pensée actuellement dominante.
Vivre et se battre pour sa ville et les couleurs de l’équipe, en croyant en son groupe et en son idéal, est déjà un acte révolutionnaire, et, à mon avis fortement identitaire.
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Une réponse à “Le calcio romain : un sport antique renaît dans la ville éternelle. Fragiles s’abstenir [interview]”
Merci Yann pour ce bel article.
Grazie a Vincenzo per le sue spiegazioni di questo antico sport.
« Semo regazzi fatti cor penello
E le regarde famo ‘nnamorà »
ROMA CAPUT MUNDI
😉