Qui mieux que Manu Larcenet pouvait adapter avec une telle virtuosité La route, superbe roman post-apocalyptique et survivaliste de Cormac McCarthy ? Il caracole en tête des meilleures ventes, tous livres confondus.
L’apocalypse a laissé un paysage de désolation, couvert de cendres et jonché de cadavres. La nature est morte. Les villes sont désertes et abandonnées. Parmi les rares rescapés, un père et son jeune fils continuent à marcher vers le sud, en poussant un chariot de supermarché avec des couvertures, une arme et quelques vivres. Ils découvrent les quelques survivant, dont la plupart forment de terribles hordes de cannibales. Malgré l’adversité, ils vont tenter de survivre en conservant leur humanité…
Les romans de Cormac McCarthy (1933-2023) décrivent de sombres perspectives d’avenir, où les individus agissent souvent par instinct. La route, son célèbre roman post-apocalyptique, a obtenu en 2007 le Prix Pulitzer de la fiction. Il décrit, dans une société devenue barbare, une relation émouvante entre un père et son fils qui, au lieu de sombrer dans le désespoir, restent liés par une volonté inébranlable de survie tout en conservant leur droiture morale.
Le roman La route avait fait l’objet, en 2009, d’une adaptation cinématographique par John Hillcoat, avec Viggo Mortensen et Charlize Theron dans le rôle des parents. Comme le roman, le film n’explique pas ce qui a provoqué l’apocalypse. Mais il accentue la présence de la mère.
Il n’a pas été facile pour Claude de Saint-Vincent, président de Dargaud, d’obtenir le droit d’adapter en bande dessinée, pour le monde entier, ce célèbre roman. En Amérique en effet, on préfère que les œuvres américaines soient adaptées par des américains… Pour convaincre l’agent de Cormac McCarthy, il a fallu créer tout un dossier avec plusieurs planches et une lettre de motivation de Larcenet ! Ce dessinateur a obtenu le succès critique et public avec la série humoristique Le Retour à la terre, Le Combat ordinaire (prix du meilleur album à Angoulême en 2004), et les sombres albums Blast et Le Rapport de Brodeck.
Pour cette adaptation en bande dessinée, Manu Larcenet a su parfaitement retranscrire l’ambiance sombre du roman. Il raconte la survie d’un père et de son fils dans une Amérique où la civilisation a été balayée par une catastrophe. Face à eux, les rescapés, pour la plupart, ne cessent de se voler, de se tuer, et même de se dévorer. On n’est pas surpris d’apprendre que Larcenet souffre de phases dépressives depuis qu’il est enfant, se disant fasciné par « l’esthétique de la noirceur, du désarroi, du désespoir ».
Comment retranscrire cette atmosphère ? Comme dans le roman, il y a très peu de dialogues. Comme il l’avait promis à McCarthy avant sa mort, il a remplacé le texte descriptif par le dessin. Tout doit donc provenir du dessin, dont le choix du style est primordial. Larcenet avait conscience que le choix de la ligne claire, par sa beauté, n’aurait pas permis cette fidélité. Il s’est inspiré des gravures d’Albrecht Dürer et de Gustave Doré. On relève immédiatement l’importance du noir, qui renforce l’horreur et l’angoisse. Mais les illustrations sublimes, en gris coloré, adoucissent les scènes les plus dures. Chaque planche est ainsi emplie d’émotions.
Cette adaptation lui a demandé deux ans de travail : six mois de recherches graphiques et un an et demi de dessin, sur sa tablette numérique. Il révèle que chaque case des 150 pages a été refaite au moins trois ou quatre fois. Grâce à ce travail acharné, Larcenet est arrivé au sommet de son art.
La Route, 150 pages, 28,50 euros. Dargaud.
Kristol Séhec.
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3 réponses à “La route, roman post-apocalyptique et survivaliste adapté en bande dessinée.”
je prefere mad max 2
La Route est un roman très angoissant dans lequel les survivants de l’Apocalypse se dévorent entre eux. Une scène terrible est celle où la cave d’une maison est un garde manger : des personnes y sont retenues prisonnières afin d’être dévorées. Un roman à lire absolument et une BD qu’il faudra découvrir de la même façon.
Un peu de lecture autre que les âneries que l’on trouve aujourd’hui, pondues par des romanciers qui ne savent pas écrire, permettraient aux jeunes d’évoluer au lieu de se focaliser sur les écrans et les tablettes. Mais, c’est une autre question.
Merci pour cette découverte. Ce n’est pas du tout mon style favori, mais l’association d’un grand auteur avec un grand dessinateur sur un si profond sujet en fait un véritable chef d’oeuvre.