La chambre régionale des comptes a analysé la gestion de la commune de Locminé. En voici la synthèse ci-dessous pour les années 2016 et suivantes.
La commune de Locminé est située au centre du département du Morbihan, au croisement de la route nationale 24, qui relie Rennes à Lorient, et de la route départementale 767, qui relie Vannes à Pontivy. Comptant 4 674 habitants en 2020, la commune est fortement marquée par son activité industrielle prospère et sa situation de ville-centre du territoire. Elle offre à sa population, peu aisée et comportant une forte proportion d’ouvriers, un bon niveau d’équipements publics, dont l’entretien et l’amélioration représentent une part importante de la gestion communale.
Une forte culture du développement économique, aujourd’hui entachée d’illégalités et de conflits d’intérêts
Locminé accueille un tissu économique dense, comptant plusieurs industries agroalimentaires. Son intervention directe est désormais limitée par le rôle prépondérant de Centre Morbihan Communauté dans ce domaine. La commune n’en a pourtant pas tiré toutes les conséquences puisqu’elle conserve la gestion de trois des sept zones d’activités de son territoire, en méconnaissance de la loi. En particulier, le maire pilote seul la reconversion de la friche industrielle Doux, située dans la zone de Kersorn, alors que ce site de 7,5 hectares est stratégique pour le territoire. Le conseil municipal doit se réapproprier ce projet, qu’il est seul compétent pour arrêter, et y associer Centre Morbihan Communauté, qui élabore actuellement un plan local d’urbanisme intercommunal soumis à l’enjeu de la sobriété foncière
Depuis dix ans, la commune de Locminé a choisi de favoriser les projets de production et de distribution d’énergies renouvelables (LIGER, C.). La chambre a pu constater le succès de ceux qui ont vu le jour et l’atout qu’ils constituent pour le territoire, dans un contexte de volatilité des prix de l’énergie. Toutefois, elle observe également que ces projets ont été conduits dans des conditions peu transparentes, entachées d’illégalités et de conflits d’intérêts. Le centre énergétique LIGER en particulier doit être repris en main par la commune, dans le cadre d’une délégation de service public, préservant les intérêts patrimoniaux de la collectivité et organisant la transparence de la gestion du service public de production et de distribution de chaleur et d’énergie renouvelable. La chambre a en effet constaté une large méconnaissance des règles et des principes de bonne gestion, ainsi que de nombreux conflits d’intérêts et un risque de démantèlement du service public, dans l’intérêt personnel de dirigeants de la commune et de la société LIGER, alors que les installations ont été financées à 90 % par les acteurs publics1 .
Un service public de traitement des eaux usées avantageux pour les industriels et peu tourné vers la préservation de la ressource en eau
L’activité industrielle détermine fortement les modalités de traitement des eaux usées, puisque la station d’épuration municipale, calibrée dans les années 1970 pour recevoir les effluents de l’équivalent de 90 000 habitants, traite 80 % d’eaux rejetées par les industriels, dont certains sont raccordés depuis les communes voisines. L’exploitation du service est assurée par un exploitant privé, la société Saur, titulaire d’une délégation de service public. La commune pratique une politique tarifaire différenciée entre les usagers domestiques et les équipements publics d’une part, et les industriels d’autre part. Elle applique aux usagers domestiques une tarification incitant à modérer la consommation et les rejets d’eaux, et dont elle a accru la progressivité en 2019. En revanche, les industriels bénéficient de tarifs dérogatoires, déterminés de façon peu transparente, négociés de gré à gré, fortement dégressifs et qui pour certains neutralisent la facturation des rejets les plus polluants. Cette politique tarifaire est contradictoire avec l’objectif de préservation de la ressource en eau puisqu’elle ne les incite pas à limiter leurs rejets, qui ont progressé de 34 % en dix ans. Par ailleurs, le conseil municipal n’est pas en mesure de piloter le service dans des conditions satisfaisantes puisque les rapports annuels de la Saur sont incomplets et pas toujours exploitables, le rapport sur la qualité du service ne lui est pas présenté et certains avenants au contrat de délégation de service public ne sont pas soumis à son approbation. Ces anomalies devront être corrigées par Centre Morbihan Communauté, qui est désormais compétente pour le traitement des eaux usées.
Une situation financière confortable mais un fonctionnement interne qui présente des risques
La commune de Locminé présente une situation financière confortable alors même qu’elle supporte des charges spécifiques liées à son statut de ville-centre du territoire. Sa prospérité économique contribue à abonder ses recettes fiscales et elle a consenti un réel effort de maîtrise de ses dépenses de fonctionnement. Sa section de fonctionnement présente une situation plus favorable que 90 % des communes bretonnes comparables et, fin 2021, Locminé était l’une des rares communes bretonnes à avoir intégralement remboursé sa dette, sans pour autant négliger ses investissements. Pour les années à venir, ses perspectives financières sont satisfaisantes, dans les deux scénarios d’inflation testés par la chambre : selon les hypothèses retenues, la commune conserverait des performances financières solides et stables et son programme d’investissement serait largement soutenable. La gestion interne présente cependant deux zones de risques sur lesquelles la chambre appelle la commune à la vigilance. D’une part, le pilotage très rigoureux de la masse salariale, notamment par les effectifs, ne doit pas aboutir à une trop grande mise en tension des services, au risque de dégrader la qualité de la gestion communale. D’autre part, la commune dispose d’une faible culture des règles de la commande publique (publicité, mise en concurrence et archivage) et pratique un certain localisme dans le choix de ses fournisseurs. Les nombreuses anomalies relevées sont sources d’inefficacité et de risques juridiques non négligeables. La chambre recommande à la commune de porter une attention particulière à la conformité de ses achats, à commencer par ceux répondant à des besoins récurrents (voirie, restauration scolaire et espaces verts). Pour remédier à ces risques, la commune gagnerait à mutualiser davantage ses fonctions support avec Centre Morbihan Communauté.
Les recommandations de la CRC
Recommandation n° 1. : Procéder aux achats communaux dans le respect des règles fixées par le code de la commande publique. Recommandation n° 2. : Mettre en œuvre le dispositif de prévention des conflits d’intérêts prévu par le décret n°2014-90 du 31 janvier 2014. Recommandation n° 3. : Compléter le rapport d’orientations budgétaires d’un programme pluriannuel d’investissement. Recommandation n° 4. : Comptabiliser en charges de personnel les dépenses relatives aux services techniques mutualisés. Recommandation n° 5. : Dénoncer sans délai la promesse de vente de l’ancien site Doux signée le 7 mars 2022. Recommandation n° 6. : Rétablir les droits de place facturés aux exposants du marché hebdomadaire Recommandation n° 7. : Présenter chaque année au conseil municipal le rapport de gestion et les comptes annuels certifiés de la SAS LIGER. Recommandation n° 8. : Contractualiser sans délai la mission de service public que la SAS LIGER exécute pour le compte de la commune de Locminé. Recommandation n° 9. : Elaborer un schéma directeur du réseau de chaleur et délimiter ses zones de développement prioritaires.
2 réponses à “Locminé. La chambre régionale des comptes pointe « Une forte culture du développement économique, aujourd’hui entachée d’illégalités et de conflits d’intérêts »”
Vive la subsidiarité, seule solution vable !
magouilles financières… le cochon de payant et les gamellards!