12/02/2015 – 08H00 Quimper (Breizh-info.com) ‑ Vendredi 16 janvier 2015. Le président de la République promulgue la loi relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. Dès le démarrage de la discussion au Parlement, on savait que la réunification de la Bretagne serait refusée par le gouvernement, c’était clair depuis le dépôt du projet de loi sur le bureau du Sénat (18 juin 2014). L’article 1er indiquait en effet que la nouvelle région « Bretagne » serait formée par l’ancienne région « Bretagne ».
Donc rien de changé depuis la création des circonscriptions d’action régionale, issues du décret du 2 juin 1960, portant harmonisation des circonscriptions administratives. A la manoeuvre, on trouvait un certain Michel Debré, Premier ministre ; tout au long de la navette parlementaire, les ministres bloqueront les tentatives des uns et des autres visant à obtenir la réunification. Encore heureux que le poids politique de Jean-Yves le Drian ait empêché le projet de loi d’imposer la fusion de la Bretagne et des Pays de la Loire.
L’échec de la réunification étant total et définitif lors de la discussion au Parlement, restait à gagner le deuxième round concernant le droit d’option. C’est-à-dire la possibilité pour un département – la Loire-Atlantique en l’espèce – de quitter les Pays de la Loire et de réintégrer la Bretagne. Obtenir un assouplissement du dispositif existant aurait permis de laisser la porte entrouverte et d’espérer en des jours meilleurs. Là encore, échec total et définitif.
A la vérité, on attendait beaucoup, sur cette question, Jean-Jacques Urvoas (PS), député de Quimper et surtout président de la commission des lois à l’Assemblée nationale. Un homme clé du dispositif gouvernemental. On devinait qu’il s’était réservé pour l’article 3 du projet de loi – celui qui concerne le droit d’option. On allait voir ce qu’on allait voir …
En première lecture, M. Urvoas fait le service minimum : « Je voulais moi aussi essayer de convaincre le rapporteur de l’assouplissement du droit d’option». Quant aux règle de majorité : « faut-il qu’elle soit des trois cinquièmes ? Peut-être qu’une majorité qualifiée ou une majorité simple suffiraient» (Première séance du 18 juillet 2014). C’est peu et on n’entendra plus M. Urvoas pendant la suite des débats concernant cet article 3.
En deuxième lecture, le président de la commission des lois se réveille. Cette fois, il se mouille; A coup sûr de la bonne volonté, de l’habileté dans le propos, et beaucoup de prudence. « Brillant» s’exclame même un député de l’opposition. « Cette deuxième lecture est attendue car plusieurs aspects du texte vont encore évoluer. C’est la raison pour laquelle je voudrais consacrer ces quelques minutes à vous convaincre de manifester de la souplesse sur le fameux droit d’option. » Sans prononcer les mots Bretagne, Loire-Atlantique et Pays de la Loire, M. Urvoas développe son argumentation :
« Le droit d’option n’est qu’une virtualité, y compris dans la rédaction issue des travaux de la commission. Il est improbable qu’un département puisse quitter sa région d’origine dans un consensus général. Celle-ci le vivra toujours au mieux comme une manifestation d’ingratitude, au pire comme une forme de violence. Il est donc vain de croire qu’elle ne tentera pas par tous les moyens de s’y opposer. Lui donner en conséquence une faculté de vote revient en réalité à verrouiller à l’excès le droit d’option. Peut-être d’ailleurs serait-ce même contraire au principe de non-tutelle d’une collectivité sur une autre qui figure dans la Constitution. Je crois que la solution la plus satisfaisante serait de prendre la décision à la majorité simple du département et de la région d’arrivée, la région de départ n’étant consultée que pour avis » (Première séance, 18 novembre 2014).
Après un court intermède portant sur l’Alsace et Strasbourg, Jean-Jacques Urvoas reprend la parole pour affirmer sa préférence pour « une région Bretagne élargie au département de la Loire-Atlantique, mais compte tenu du postulat gouvernemental que j’ai accepté, il m a semblé logique de soutenir cette carte. La Bretagne à cinq départements a une cohérence, une raison historique et aussi et surtout économique. C’est en tout cas celle que nous croyons porteuse de développement. Il y a, c’est légitime, des tensions, des frustrations, dans tous les territoires concernés par la modification de la carte. C’était inévitable, mais il ne faut ni les surestimer, ni les sous-estimer, seulement les traiter. A cet effet, il y a le droit d’option. Ce sujet justifie que j’intervienne, ce que je n’ai pas fais depuis la discussion générale. »
Après quoi, il ne lui reste plus qu’à essayer de faire peur à son ami Manuel Valls : « Je suis donc partisan d’un droit d’option, et, je le dis au gouvernement en toute clarté ; je voterai tous les amendements favorables à son assouplissement parce que ma discipline par rapport à la carte ne peut se comprendre que si le droit d’option ne demeure pas virtuel mais devient une réalité. Le mécanisme est à l’heure actuelle verrouillé. Il faut l’assouplir.» (Première séance, jeudi 20 novembre 2014).
Arrive alors un amendement défendu par Paul Molac (EELV, Ploërmel) qui « propose de remplacer la majorité qualifiée des trois cinquièmes par une majorité simple, non seulement pour le département concerné et la région d’accueil mais aussi pour la région de départ ». Si la commission soutient cet amendement, le groupe SRC (socialiste) y est hostile …« en cohérence avec ce que j’ai dit ce matin, je voterai naturellement pour cet amendement » annonce M. Urvoas. Ce sera son seul acte de rébéllion : « tous ceux qui ont étudié avec bonne foi les modalités d’exercice du droit d’option ont convenu que sa mise en place était, si ce n’est totalement verrouillée, au moins parfaitement hypothétique » (deuxième lecture, 20 novembre 2014).
Evidemment, l’amendement Molac fut rejeté et l’article 3 adopté. La conclusion de cet épisode parlementaire revient à Marc le Fur (UMP, Loudéac) : « ça y’est, tout est cadenassé ».
Les dés sont jetés. Bien sûr, en nouvelle lecture, Paul Molac défendra un autre amendement visant à « réintégrer la Loire-Atlantique à la Bretagne et à fusionner le reste des Pays de la Loire avec la région Centre. Ces deux nouvelles régions seraient ainsi plus cohérentes.» Mais M. Urvoas appuie sur le frein : « Je ne voterai pas l’amendement de Paul Molac qui propose le rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne, alors qu’il répond à une conviction profonde. Une grande partie de mon engagement politique est porté par la certitude que la Bretagne est faite de cinq départements (…). Le groupe auquel j’appartiens a fait un choix, celui de conserver la Bretagne à quatre départements. Le Président Le Roux a très justement rappelé que cela ne correspondait pas au sentiment dominant du groupe socialiste ; s’il y avait eu un vote au sein du groupe, la Bretagne serait rattachée à la région Pays de la Loire.
Le groupe socialiste n’a pas défendu cette position car nous avons su convaincre qu’il fallait, dans un premier temps, garder la Bretagne à quatre départements, les Pays de la Loire et le Centre. Mais demain, il est évident que la carte doit évoluer. C’est la raison pour laquelle je me suis engagé sur le droit d’option ». Le numéro d’équilibriste de M. Urvoas se poursuit : « parce que j’appartiens à une majorité qui m’a soutenu, je ne voterai pas cet amendement. Mais je me battrai sur le droit d’option » (8 décembre 2014).
Bien entendu, l’amendement Molac fût rejeté.
Lorsqu’arriva la lecture définitive, Jean-Jacques Urvoas a totalement disparu des écrans radar. Seuls Isabelle Le Callennec, François de Rugy, Paul Molac se font entendre. (17 décembre 2014).
Jean-Jacques Urvoas a donc échoué sur toute la ligne et porte donc une grande part de responsabilité dans la nouvelle rédaction de l’article L 4122-11 du Code général des collectivités territoriales : « un département et deux régions contiguës peuvent demander, par délibérations concordantes de leurs assemblées délibérantes, adoptées à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, une modification des limites régionales visant à inclure le département dans le territoire d’une région qui lui est limitrophe ». Obtenir 60% des exprimés au conseil régional des Pays de la Loire en faveur du départ de la Loire-Atlantique ? Cela ressemble fort à Mission Impossible…
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Une réponse à “Réunification. Jean-Jacques Urvoas a préféré le PS à la Bretagne”
Ce depute PS doit s’executer face a la nomenclatura Socialiste comme les autres, la Bretagne forte est le cadet de ses soucis!