Le 6 janvier… peut-être. C’est en tout cas la date qui est retenue pour célébrer sa naissance, mais elle n’est pas certaine. Qu’importe, c’est-là un petit détail prétexte à remémorer qui était ce grandissime personnage de l’histoire. Une histoire que nul ne devrait ignorer tant elle est épique, incroyable, extraordinaire !
Car au-delà du mythe Jeanne d’Arc, au-delà de la légende qui entoure sa geste – lendemain inéluctable de toute œuvre mémorable – au-delà des témoignages et des chroniques qui peuvent parfois être impartiaux, nous conservons une source qui est indiscutable : les actes de son procès à Rouen. Trois copies des procès verbaux, du noir sur blanc. Contrairement à ce que l’on pense trop souvent, au Moyen-âge, l’arbitraire ne régnait pas : les procès devaient respecter le droit et étaient transcrits.
La personnalité de Jeanne se dessine au fil des interrogatoires. Elle y apparaît brillante, digne et non dépourvue de sens de l’humour. Son intelligence est tout à fait surprenante et… indéniable !
Jeanne, c’est une jeune-fille de dix-neuf ans, qui n’a jamais étudié et qui fait face, seule, à une assemblée de juristes, de théologiens et autres savants – jusqu’à cent vingt personnes ! – prêts à toutes les fourberies pour faire d’elle une sorcière. Mais elle ne se démonte pas. Pire, elle déjoue leurs pièges, un à un, incarnant un modèle d’insolence et de sang-froid. Pire encore, elle est tellement habile et drôle, qu’elle gagne l’hostile public… contraignant ses inquisiteurs à poursuivre les audiences en huit-clos !
Lorsque ces derniers l’interrogent : « Jeanne, croyez-vous être en état de grâce ? » – une question piège qui pouvait l’envoyer directement au bûcher, puisque si elle répondait par l’affirmative, elle commettait le péché d’orgueil, et par la négative, elle suggérait être inspirée non pas par Dieu mais par le Diable – celle-ci répond : « Si je n’y suis, Dieu veuille m’y mettre ; si j’y suis, Dieu veuille m’y tenir« . Imparable !
À la question « Dieu hait-il les Anglais ? », l’audacieuse s’exclame : « De l’amour ou de la haine que Dieu a pour les Anglais, je n’en sais rien ; mais je sais bien qu’ils seront tous boutés hors de France, excepté ceux qui y périront. »
« Que dites-vous de notre Sire le pape ? Lequel croyez-vous qui soit le vrai pape ?« , un « Est-ce qu’il y en a deux ? » fera office de réponse ! On ne saura probablement jamais si elle se moque ou si elle fait son innocente, mais le résultat y est.
La lettre, qu’elle dicta et envoya, quatre ans auparavant, aux Anglais lors du siège d’Orléans est citée et vaut le détour :
» Roi d’Angleterre, et vous, duc de Bedford, qui vous dites régent du royaume de France, vous, Guillaume de la Poule ; comte de Suffolk ; Jean, sire de Talbot ; et vous Thomas, sire de Scales, qui vous dites lieutenant dudit duc de Bedford, faites raison au Roi du Ciel. Rendez à la Pucelle, qui est ici envoyée de par Dieu, le Roi du Ciel, les clefs de toutes les bonnes villes que vous avez prises et violées en France. Elle est ici venue de par Dieu pour proclamer le sang royal. Elle est toute prête de faire paix, si vous lui voulez faire raison, pourvu que France vous rendiez, et payiez pour l’avoir tenue. Et entre vous, archers, compagnons de guerre, gentils et autres qui êtes devant la ville d’Orléans, allez-vous-en en votre pays, de par Dieu. Et si ainsi ne le faites, attendez les nouvelles de la Pucelle, qui vous ira voir brièvement, à vos bien grands dommages. Roi d’Angleterre, si ainsi ne le faites, je suis chef de guerre, et en quelque lieu que j’atteindrai vos gens en France, je les en ferai en aller, qu’ils le veuillent ou ne le veuillent ; et s’ils ne veulent obéir, je les ferai tous occire. Je suis ici envoyée de par Dieu, le Roi du Ciel, corps pour corps, pour vous bouter hors de toute France. Et s’ils veulent obéir, je les prendrai à merci. Et n’ayez point d’autre opinion, car vous ne tiendrez point le royaume de France de Dieu, le Roi du Ciel, fils de sainte Marie ; mais le tiendra le Roi Charles, vrai héritier ; car Dieu, le Roi du Ciel le veut, et cela lui est révélé par la Pucelle, et il entrera à Paris à bonne compagnie. Si vous ne voulez croire les nouvelles, de par Dieu et la Pucelle, en quelque lieu que vous trouverons, nous frapperons dedans et ferons un si grand « hahay » qu’il y a bien mille ans qu’en France il n ‘en fut un si grand, si vous ne faites raison. Et croyez fermement que le Roi du Ciel enverra plus de force à la Pucelle que vous ne lui en sauriez mener avec tous assauts, à elle et à ses bonnes gens d’armes ; et aux horions on verra qui aura meilleur droit de Dieu du Ciel. Vous, duc de Bedford, la Pucelle vous prie et vous requiert que vous ne fassiez plus détruire. Si vous lui faites raison, vous pourrez venir en sa compagnie, où les Français feront le plus beau fait qui oncques fut fait pour la chrétienté. Et faites réponse si vous voulez faire paix en la cité d’Orléans ; et si ainsi ne le faites, de vos biens grands dommages qu’il vous souvienne brièvement. Écrit le mardi, semaine sainte. «
« Reconnaissez-vous cette lettre ? » lui demande l’Évêque inquisiteur. Mais Jeanne semble le voir arriver et anticipe : « Oui, excepté trois mots : à savoir là où il est dit : Rendez à la Pucelle, où on doit mettre : Rendez au Roi. Là où il est dit chef de guerre, et troisièmement, où on a mis corps pour corps, il n’y a rien de cela dans la lettre que j’ai envoyée. Jamais aucun seigneur n’a dicté cette lettre : mais moi-même les ai dictées avant de les envoyer. »
Elle ne se laisse jamais faire, et à la lecture de chaque acte, elle nie ou renvoie à ses réponses originales, elle est précise et formelle. Et ça, ce n’est ni légende, ni mythe, ni interprétation. Bref, c’est tout le procès qu’il faudrait relire tant la jeune-fille est perspicace, adroite, subtile ! Et du spectaculaire procès en sorcellerie que ses détracteurs espéraient, il fallut se limiter à des chefs d’accusation minables, tel le port d’habits masculins, ou de s’en être remise directement au jugement de Dieu plutôt qu’à l’autorité ecclésiastique terrestre.
Quelque mois plus tard, elle serait brûlée vive. Mais, son génie nous illumine encore : elle est la personnalité la plus étudiée et mise en scène de tout le Moyen-âge, notre plus longue période historique. Enfin, un peu de justice !
Pour approfondir :
Jeanne d’Arc, Vérités et Légendes, Colette Beaune, Tempus, 2008
Jeanne d’Arc, Le procès de Rouen, lu et commenté par Jacques Trémolet de Villers, Les Belles Lettres, 2016
Les audacieuses, héroines d’hier pour jeunes filles d’aujourd’hui, Audrey Stéphanie et Aude Benoit, L’étoffe des héros, 2019
Audrey D’Aguanno
Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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5 réponses à “Le 6 janvier 1412, naissait une des plus grandes héroïnes de l’Histoire. Au-delà de la légende, la véritable Jeanne d’Arc”
Superbe ! Merci
Sainte Jeanne d’Arc, priez pour la France ; Que les Français se tournent à nouveau vers Messire Dieu ! Ainsi soit-il
Regine Pernoud a publié les minutes du proces de Jeanne d Arc. Je ne me souviens pas du titre.
En livre de poche.
Jeanne d’Arc et les fake news (1/6) par Marcel Gay
Non, Jeanne d’Arc n’était pas bergère, non elle n’est pas morte sur un grand bûcher à Rouen, non elle ne s’appelait pas d’Arc, mais Jeanne la Pucelle. Pour en finir avec les fake news du 15ème siècle reprises depuis sans discernement par nos historiens.
L’Affaire Jeanne d’Arc a été publiée en 2007 aux éditions Florent Massot (DR)écrit par Roger senzig- marcel gay
il est intéressant de lire ce livre on s’aperçoit que la légende de Jeanne d’arc n’est pas du tout de ce l’on nous a appris.
Jeanne, qu’attends-tu de nous ?