En fin d’année, il est d’usage au sein de la rédaction de la revue Decanter de faire la recension des meilleurs vins dégustés par chaque correspondant à travers le monde. L’occasion de reprendre à notre compte cette tradition, et de vous livrer les plus beaux souvenirs de dégustation de l’année 2023.
Notre sélection vous donnera peut-être quelques envies d’achat pour conclure ce millésime avec panache, bien que ces vins ne soient pour certains, disponibles en quantité ultra limitée… Une note personnelle sur 100 est attribuée à chacun, conformément au barème en vigueur dans le monde, depuis que la Revue du Vin de France s’est résolue à abandonner sa notation sur 20.
Alice et Olivier de Moor, Chablis, coteau de Rosette 2020 : 97/100 Prix indicatif 60€, disponible sur le site de Vinibee.
C’est incontestablement le vin qui laissera un souvenir impérissable sur tout le panel de jolis flacons bus en 2023. Pourtant le couple De Moor œuvre discrètement au sein du Chablis et la notoriété étouffante des grands noms (Dauvissat , Raveneau, Long Depaquit, William Fèvre) de l’appellation a tendance à mettre sous le boisseau cette catégorie de vignerons artisanaux qui travaillent à une toute petite échelle.
Au surplus, le couple a essuyé une succession de millésimes chaotiques aux rendements faméliques en raison du cortège habituel de calamités climatiques qui frappent le vignoble de Chablis : grêle et gels tardifs. Le coteau de Rosette correspond à une situation de premier cru et comme son nom l’indique, la cuvée isole le fruit d’un seul coteau, autant dire que l’on est dans la rareté de la rareté.
Ce chablis se démarque par son incroyable acidité, d’une insigne élégance, presque douce, totalement insérée dans le vin, elle donne l’impression d’avoir puisée les sucs de la roche-mère constituée de ce substrat d’huitres fossilisées remontant au kimmeridgien. Plus le vin s’ouvre, plus il devient sapide et le sentiment de toucher à une sorte de perfection minérale rend ce chablis tout simplement irrésistible. Grand plaidoyer du vin de terroir et d’auteur ! Le prix pourra choquer le lecteur mais dans le cas de ce chablis d’exception, il se comprend aisément par la parcimonie de la production et ce rare privilège de goûter à la magnificence du terroir.
Domaine Vincendeau, Anjou blanc, le carré du Puits,96/100, prix approximatif 45 euros, contactez la propriété. Peut se déguster au restaurant l’Orangerie sur Pornic au prix de 75 euros.
Autre choc, le chenin de Liv Vincendeau, nouvelle vigneronne d’origine allemande installée récemment dans le secteur de Rochefort sur Loire. Cette micro-propriété possède un joyau dont la vendange est isolée du reste de la production pour donner naissance à une cuvée ultra confidentielle de 700 cols.
À l’âge vénérable des vignes (80 ans en moyenne), s’ajoute une sélection massale originelle qui avait permis de reproduire le meilleur du matériel végétal sur cette parcelle antédiluvienne née en 1941. Depuis lors, la sélection a été complétée d’une autre sélection massale pour remplacer les « manquants » par des complants issus des meilleurs pieds-mères. Il en résulte des grappes de chenin aux rendements dérisoires, gorgés d’un jus doré et débordant de saveurs…
Autant dire que ce chenin appartient à l’élite de la Loire et qu’il délivre toutes les qualités du cépage avec son fruité intense couplé à une acidité maitrisée qui lui donne éclat et vivacité. Trop souvent rattrapé par son excès de richesse qui peut lui donner un tour fatiguant, ici le chenin de Vincendeau contourne l’écueil par une insondable énergie sous-jacente parée d’une extraordinaire allonge. Le mode d’obturation avec la capsule à vis contribue indéniablement à entretenir ce formidable allant du chenin, même s’il imprègne dans le vin une légère réduction sur les premiers verres. Sans doute aussi que ce mode de fermeture encourage l’expression des notes légèrement pétrolées qui le ferait presque confondre avec un riesling de la Nahe. Mais cette dimension fumée, loin d’être dérangeante, ajoute un cachet supplémentaire à ce monstre de la Loire !
Domaine Lucas Salmon, le Fief Cognard, Folle Blanche, 94/100, prix estimatif 19 euros, cavistes de Nantes et sur les bonnes tables nantaises.
À l ’égal d’un Jérôme Bretaudeau devenu en peu d’années le pape du muscadet haute couture. Mickael Salmon devrait gagner en réputation dans les années à venir et se faire une place dans le panthéon des grands noms du vignoble nantais.
Mickael Salmon incarne sa génération par une ouverture culturelle et une expérience forgée dans la Mecque du sauvignon néo-zélandais : le vignoble de Marlborough. Disons-le d’emblée, la dégustation de son ébouriffante folle blanche m’a laissé bouche bée ! Fils d’un pilier de l’appellation Château Thébaud, Dominique Salmon, qui porte haut les couleurs du cru, Mickael parvient à repousser les limites du raffinement dans l’expression de ses vins par le biais d’une gamme aboutie de micro-cuvées éblouissantes, faisant l’objet de vinifications et d’élevages en œuf d’argile.
Appliqué à la « folle blanche » sobriquet plus élégant en regard du péjoratif « gros pet » du passé, le parti de l’argile fait merveille en polissant une acidité saillante propre au cépage, qui fait ressortir un registre « petrichor » de pierre mouillée. Savoureuse en diable, cette folle blanche s’impose en « must » et franchit un cap supplémentaire dans la transcendance aromatique et texturale de ce mal-aimé du pays nantais, jusqu’à nous faire délaisser les belles cuvées de Luneau Papin et de Marc Pesnot, c’est dire qu’il y a du niveau…
Le bon Pasteur 2018, Pomerol ,96/100, prix 85 euros environ.
L’ancien propriétaire du Bon Pasteur n’est autre que le célèbre « flying winemaker » Michel Rolland qui a essaimé son art de la vinification dans tous les recoins du globe. Au début des années 2000, Jonathan Nossiter lui avait taillé un costard de chimiste cynique du vin dans son film au combien déshonnête et manichéen : Mondovino.
En cuistre du vin, Jonathan Nossiter s’était complu à dépeindre le style Michel Rolland comme la traduction du goût « parkerisé » : adepte de fruit hypertrophié et désireux d’accentuer la concentration par des élevages ostentatoires. Pures fadaises que contredisent les vins des propriétés détenues en propre par cet œnologue de renom qui ont toujours su démontrer une élégance intrinsèque, centrée sur un équilibre souverain des saveurs et une structure droite et ferme, autant chez Fontenil sur Fronsac que chez le bon Pasteur sur Pomerol.
Pour ce qui concerne ce dernier, les snobs attachés au lustre de l’étiquette pourront le voir comme le Pétrus du pauvre, quant à ceux qui voudront goûter à l’excellence de ce terroir, ils pourront y trouver un vrai bon plan !
Lorsque les notes de champignon et d’humus affleurent dès le deuxième verre, sous l’action de l’aération, comment ne pas y voir le marqueur suprême de ce qui fait l’apanage des plus grands pomerols ? Grand potentiel de garde !
Cahors, château de Chambert, 2016, 93/100, 15 euros.
Le château de Chambert est une vibrante illustration du renouveau de cette appellation qui a rénové profondément son image en allant conquérir des standards de qualité rarement rencontrés dans le Sud-Ouest.
Sous les préceptes de la biodynamie, le domaine a bénéficié de lourds investissements pour son chai et ses 30 hectares et réussit le tour de force à sortir des cahors de gros calibre à moins de 20 euros.
Taillés pour une garde au long cours sous les effets de leur passage sous-bois de 12 mois en fût de chêne neuf, les cahors de Chambert s’érigent en modèles du genre pour leur appellation. Peut être parce qu’ils sont à la croisée entre le style nature et délié d’un Fabien Jouves et la luxuriance traditionnelle d’un Lagrézette.
Quoi qu’il en soit, le cahors de Chambert délivre un fruit profond et vivace, d’une belle noirceur qui digère surtout avec brio son élevage dans une fusion quasi parfaite. Une grosse affaire !
Raphno
Crédit photos : DR
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7 réponses à “Les 5 meilleurs vins dégustés en 2023”
Du Chablis, de l’Anjou, du Pomerols ou du Cahors à des prix de sommelier parisien ? Il y a nettement mieux et moins cher plus au sud ou sud ouest. Perso le Cahors je ne m’en servirais même pas pour nettoyer les jantes de bagnole de peur d’abimer la peinture.
Commentaire parfaitement stupide d’un pseudo amateur qui croit connaître le vin et ne fait que le mépriser. Cahors est un terroir historique au sein duquel de grands vignerons font des merveilles.
Des très bons vins, on en trouve partout… Là il s’agit d’un chroniqueur qui nous fait part de son expérience personnelle pour l’année 2023. Sur le cahors, il se trouve que j’ai eu l’occasion de goûter ce vin : il est exceptionnel. Mais chacun ses goûts…
Comme Hadrien, je pense que certains vins du sud ( Corbières, Minervois, Côte du Rhône, Pic St Lou et autres Chateauneuf du Pape ou vins du Roussillon ) procurent un réel plaisir sans vider complètement le porte monaie…..ou la carte bleue !
Je suis dans le métier du vin. Je couvre quatre continents à l’export (L’Afrique, bien que j’y suis né, je ne veux plus y mettre les pieds). Une fois de plus, je rejoins Hadrien Lemur dans son jugement, même si je lui trouve une certaine exagérations.
Bonne et Grande Année à vous tous !
La, au point de vue des prix on est dans le délire complet. Il y a dans toute les régions des pépites abordables y compris en Bourgogne ou dans le Bordelais. Quant à l’ineptie à propos du Cahors autant en rire.
J’ai deux chouchous la Landotte en Médoc le Givry du Domaine Dufour Bassot avec en prime les cuvée des Champagnes Pierre Mignon ces trois délices vendus à des rapports qualité prix très raisonnables.
Le Four Bassot est un excellent domaine et une très bonne valeur du Givry, je souscris totalement! Quant aux prix , libre à chacun de s’interdire de goûter à l’excellence au nom d’ un plafond moral tarifaire, c’est une disposition d’esprit qui caractérise beaucoups d’amateurs de vins.Justifiée en partie sur les vins de spéculation, cette indignation empêche toutefois de connaître quelques grands frissons…surtout qu’ils restent de l’ordre de l’exceptionnel.