Au Parlement, les séances de questions au Gouvernement permettent aux « petits » d’exister pendant un court moment et de voir leur nom figurer au Journal officiel – c’est leur jour de gloire. C’est ce moment de bonheur qu’a connu Andy Kerbrat (LFI), député de Nantes-centre, mardi 19 décembre, alors que l’Assemblée nationale s’apprêtait à voter le soir même le projet de loi portant sur l’immigration. Tout fier, Kerbrat interroge Elisabeth Borne, la Première ministre : « Où est passé le barrage républicain, avec un projet de loi écrit par Le Pen et copié par Ciotti ? ». Mais il se fait sèchement renvoyé dans les cordes par Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur : « Où était votre bonne morale quand vous avez dragué les voix du RN pour la motion de rejet ? » (Ouest-France, mercredi 20 décembre 2023)
A coup sûr, Kerbrat a tort de s’inquiéter, tout finira par s’arranger dans le sens voulu par le lobby immigrationniste (associations vivant de l’immigration, patronat pleurnichant à propos des métiers « en tension », hommes politiques élus grâce aux immigrés en Seine-Saint-Denis et ailleurs). On peut prendre l’exemple du regroupement familial que la loi adoptée par le Parlement veut « durcir » (allongement des délais pour bénéficier du regroupement familial). Au départ, on trouve le « décret n° 76-383 du 29 avril 1976 relatif aux conditions d’entrée et de séjour en France des membres des familles des étrangers autorisés à résider en France » – décret signé par un homme « de droite », à savoir Jacques Chirac, à l’époque Premier ministre (Valéry Giscard d’Estaing étant président de la République). Pour la suite, nous nous reporterons aux explications fournies par Frédéric Rouvillois, professeur de droit public à l’Université Paris-Cité : « Le principe du “regroupement familial“ consacré par le Conseil d’Etat en 1978 comme un “principe général du droit“, réaffirmé par une directive européenne de 2003 et rattaché depuis, par le Conseil constitutionnel, au “droit de mener une vie familiale normale“ et au “droit à la vie privée“, ce qui lui confère une valeur constitutionnelle se trouve désormais tout au sommet de la pyramide. Ce qui signifie que, pour le supprimer ou le restreindre de façon significative, un décret ou même une loi seraient insuffisants et se heurteraient au Conseil d’Etat et au Conseil constitutionnel. L’unique solution politiquement et juridiquement pertinente consisterait donc à engager une révision constitutionnelle sur le fondement de l’article 89.al 2, afin d’introduire le nouveau principe dans la Constitution (…) Une fois cette procédure achevée, le texte se trouverait hors d’atteinte des juridictions françaises, mais aussi européennes. » (Eléments, août-septembre 2023). Mais il faut également compter avec la Cour européenne des droits de l’homme (Strasbourg) et la Cour de justice de l’Union européenne (Luxembourg) que les avocats spécialisés dans le « business » de l’immigration saisiront. De toute manière, le ministre de l’Intérieur – Darmanin ou un autre – s’empressera de signer des circulaires afin d’envisager tous les cas particuliers, ce qui permettra de restreindre la portée de telle ou telle disposition de la récente loi sur l’immigration – le Gouvernement ne peut rien refuser au Medef.
Pour toutes ces raisons, Andy Kerbrat a tort de s’inquiéter. En effet on doit s’attendre à ce que le texte voté par les deux chambres soit détricoté par le Conseil constitutionnel. Un exemple : les « Sages » ne manqueront pas de se référer à l’article 1er de la Constitution qui pose le principe d’égalité devant la loi ; or il y a « rupture du principe d’égalité » dans plusieurs mesures. Seule une révision constitutionnelle permettrait d’anéantir la jurisprudence des « juges ». En attendant, la question de l’immigration demeure un sujet tabou appuyé par un lobby puissant et actif (médias, Medef, Université…). La VIe République que Kerbrat et ses amis veulent instaurer aura aussi besoin d’une profonde révision constitutionnelle…
Bernard Morvan
Illustration : DR
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4 réponses à “Nantes : il faut rassurer Andy Kerbrat (LFI)”
Tout va bien à bord, le bateau coule normalement….
très bien dit
Est ce que les députés gauchos sont conscient qu’il est préférable d’avoir une loi stricte pour éviter d’avoir une immigration incontrôlée qui va déclencher une guerre ethnique et religieuse.
Depuis les émeutes des citoyens veulent que la situation change.
Ils ont ras le bol de la présence des indésirables.
Va-t-on vers une grosse surprise aux prochaines élections.
À défaut d’efficacité il faut reconnaitre à Darmanin un certain sens de la répartie. Par ailleurs, cette loi dite ‘immigration’ devrait s’appeler la loi ‘soufflet’ tant elle va bientôt se dégonfler.