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Lettonie. A Riga, le musée des occupations ouvre grand les yeux sur les conséquences du communisme et du nazisme

Il y a des séjours scolaires qui devraient être organisés à destination des pays baltes, ou de la Hongrie, ou de la Pologne, pour faire ouvrir les yeux dès le plus jeune âge sur les conséquences du communisme lorsqu’il est appliqué quelque part. Le musée des occupations, qui à Riga, témoigne des invasions et occupations successives, soviétiques, puis nazie, puis de nouveau soviétiques, est d’ailleurs l’outil parfait pour ouvrir grand les yeux sur ce drame du 20e siècle.

La Lettonie de 1939 à 1991, entre occupations communiste et nazie

L’histoire de la Lettonie au XXe siècle est marquée par des périodes d’occupations successives, d’abord soviétique, puis nazie, et de nouveau soviétique, chacune laissant des cicatrices profondes et des conséquences durables sur le pays et sa population.

L’Occupation Soviétique Initiale (1939-1941)

En juin 1940, l’Union soviétique a envahi la Lettonie, ainsi que d’autres pays baltes, dans le cadre de son expansion territoriale en Europe de l’Est. Cette occupation militaire s’est déroulée conformément aux accords secrets du Pacte Molotov-Ribbentrop, signé en 1939 entre l’Allemagne nazie et l’URSS. Durant cette période, la Lettonie a subi d’importantes transformations politiques et sociales sous l’influence soviétique. Les autorités soviétiques ont mis en place des politiques de russification et de collectivisation, affectant profondément la société lettone. De plus, cette occupation a été marquée par des répressions politiques sévères, notamment des déportations massives et des exécutions.

L’Occupation Nazie (1941-1944)

Le 22 Juin 1941, à 4 heures du matin, l’aviation allemande survole Ventspils et Liepāja : c’est le volet letton de l’Opération Barbarossa, par laquelle l’Allemagne nazie se retourne contre son allié de circonstance soviétique. Le Groupe d’Armée nord, commandé par le Maréchal Wilhelm Ritter von Leeb, a pour objectif Leningrad (aujourd’hui Saint Petersburg) à travers les Pays baltes. Riga (où aucune bataille sérieuse n’a lieu) tombe le 1er Juillet, et le 8 Juillet 1941 l’armée allemande occupe déjà tout le territoire de la Lettonie.

Dans leur retraite, les unités russes du NKVD font sauter la vieille ville de Riga, et le Commissaire aux affaires intérieures, Semjon Sustin, donne l’ordre de fusiller tous les prisonniers politiques. Ces derniers crimes, s’ajoutant à l’«Année de Terreur» que viennent de vivre les Lettons, expliquent pourquoi les unités allemandes sont, en beaucoup d’endroits, accueillies en libératrices de la tyrannie soviétique. Il est vraisemblable que les Allemands, vus pendant des siècles comme des oppresseurs à travers les barons germano-baltes, n’auraient pas reçu un tel accueil s’il n’y avait eu entre temps les exactions soviétiques.

Après l’invasion de l’Union soviétique par l’Allemagne nazie, la Lettonie est tombée sous le contrôle nazi et a été intégrée dans le Reichskommissariat Ostland. Cette occupation a été marquée par des politiques brutales de persécution contre la population juive et contre les communistes et ceux qui étaient suspectés d’avoir collaboré avec le régime soviétique. De Juin 1941 à 1945, 40000 Juifs de Lettonie seront assassinés par ces derniers. Mais aussi 18000 Lettons, 2000 Tziganes et 2271 malades mentaux.

La Seconde Occupation Soviétique (1944-1991)

La seconde occupation soviétique de la Lettonie, qui s’étend de 1944 à 1991, marque une période prolongée d’intégration forcée dans l’Union soviétique. L’armée rouge se comporte en Lettonie comme en territoire ennemi, pillant et violant. Au printemps 1945, 40000 Lettons sont déjà déportés. Une nouvelle occupation commençait. Elle allait durer 47 ans.

Une deuxième déportation de masse d’environ 42125 personnes est dirigée contre les agriculteurs lettons et les partisans de la Lettonie, qui ne veulent pas collectiviser. Des familles entières sont déportées «à vie», la plupart d’entre elles, dans les régions sibériennes de Omsk, Tomsk, et Krasnoïarsk. Après la mort de Staline en 1953, beaucoup de familles sont autorisées à revenir en Lettonie, mais sont stigmatisées, parfois exclues pour la vie. Une vague de collectivisation a eu lieu, mais les fermes collectives sont inefficaces, et les pénuries alimentaires deviennent courantes. La déportation a réduit considérablement les activités partisanes nationales.

Cette période a été marquée par une politique de russification et une répression des cultures nationales. Les Communistes Soviétiques ont mené des campagnes de répression politique, incluant des déportations massives de Lettons vers des camps de travail en Sibérie. Malgré la répression, des mouvements de résistance anti-soviétiques ont persisté en Lettonie, cherchant à restaurer l’indépendance nationale.

Conséquences

Les occupations successives ont eu des effets dévastateurs sur la Lettonie. La population a été profondément traumatisée, la structure sociale et économique bouleversée, et la culture nationale réprimée. L’indépendance retrouvée en 1991 a laissé un pays aux prises avec un lourd héritage d’oppression et de division.

Bibliographie pour aller plus loin

  • Histoire de la Lettonie au 20eme siècle, éditions Jumava, 2006
  • Latvia during the Second World War, Nacionālais Apgāds, 2007
  • Les trois occupations de la Lettonie, 1940-1991, Association du musee de l’occupation (OMB), 2013

Un site Internet en français intéressant sur la question : https://gillesenlettonie.blogspot.com/2010/08/les-trois-occupations-de-la-lettonie_20.html

Héritage et Mémoire : le musée de l’Occupation de Riga

La gestion de ce douloureux passé en Lettonie reste complexe dans un pays qui aspire aujourd’hui à vivre en paix, et de manière totalement indépendante.

Le musée de l’occupation de la Lettonie (Latvijas Okupācijas muzejs) a été créé en 1993 pour exposer des objets, des documents d’archives et instruire le public sur la période de 51 ans au 20e siècle pendant laquelle la Lettonie a été successivement occupée par l’URSS communiste en 1940-1941, puis par l’Allemagne nazie en 1941-1944, et à nouveau par l’URSS communiste en 1944-1991.

Le musée est dans un bâtiment dans le plus pur style architectural soviétique.. il a en effet été érigé (le bâtiment, pas le musée) en 1971, pour célébrer… le centenaire de la naissance de Lénine.

Le musée quant à lui a été créé en 1993 après que Paulis Lazda, professeur d’histoire à l’université du Wisconsin-Eau Claire, a proposé au ministère de la Culture de la République de Lettonie de créer un musée couvrant la période d’occupation de la Lettonie, de 1940 à 1991. Cette idée a conduit à la création de la Fondation du musée de l’occupation (OMF), devenue aujourd’hui l’Association du musée de l’occupation (OMB), au printemps 1993. L’OMF était composée de 11 personnes qui avaient pour objectif de créer, d’administrer et de financer le musée.

La première exposition du musée a été inaugurée le 1er juillet 1993. Elle couvrait la période de la première occupation soviétique de la Lettonie, de 1940 à 1941. Le musée a été agrandi au cours des années suivantes pour couvrir toute la période d’occupation.

La mission déclarée du musée est de :

  • Montrer ce qui s’est passé en Lettonie, sa terre et son peuple sous deux régimes totalitaires d’occupation de 1940 à 1991. Rappeler au monde les crimes commis par des puissances étrangères contre l’État et le peuple lettons;
  • Se souvenir des victimes de l’occupation : ceux qui ont péri, ont été persécutés, ont été déportés de force ou ont fui la terreur des régimes d’occupation.

Lorsque le musée a été créé, il a commencé à collecter des objets relatifs aux périodes d’occupation. Au début de l’année 2017, la collection comptait près de 60000 pièces enregistrées. La collection comprend également des archives audiovisuelles contenant plus de 2300 témoignages vidéo de déportés, de réfugiés et d’autres personnes affectées par les occupations de la Lettonie. Le département audiovisuel a également réalisé 10 films documentaires.

Le bâtiment principal du musée a été construit par les Soviétiques en 1971 pour célébrer ce qui aurait été le 100e anniversaire de Lénine, et jusqu’en 1991, il a servi de musée commémorant les gardes rouges lettons.

La nouvelle exposition du musée propose un voyage dans le labyrinthe de l’histoire lettone de 1940 à 1991. Dans une vaste exposition moderne et interactive, vous découvrirez l’histoire de la Lettonie et des Lettons lors des deux occupations du XXe siècle : celle de l’Union soviétique et celle de l’Allemagne nazie. Les jeunes visiteurs découvriront les événements historiques à l’aide d’un compagnon interactif, Miks l’ours en peluche.

Il s’agit d’une visite indispensable si vous vous rendez en Lettonie et particulièrement à Riga, pour comprendre la mémoire de ce peuple letton oppressé durant plusieurs décennies et pour ne jamais oublier ces témoignages sur l’histoire du pays et du peuple letton, occupé durant 51 ans. À travers ce musée, hommage aux victimes de ces décennies de persécutions, c’est aussi un appel à ne jamais oublier, ce qui peut être fait à un peuple par des gens qui prétendent imposer un idéal égalitaire à l’ensemble d’une société.

YV

Gints Apals : «Il y a une mythologie communiste dans les pays qui n’ont pas été occupés par les communistes»

À l’occasion de notre visite au musée de l’occupation, nous avons eu l’honneur d’être guidés par le Professeur Gint Apals, l’un des principaux artisans de la création et de la bonne tenue de ce musée. Gints Apals, docteur en philosophie, est né à Riga, en Lettonie, le 11 juin 1965. Il a étudié l’histoire moderne à l’université de Lettonie et s’est rendu au Centre d’études baltes de l’université de Stockholm en tant que chercheur invité. En 1990, M. Apals a rejoint l’Institut d’histoire de la Lettonie et a obtenu un doctorat en histoire moderne en 1994. Sa thèse portait sur le développement du nationalisme et du libéralisme lettons. De 1995 à 1996, M. Apals a étudié la diplomatie au Foreign Service Programme de l’Université d’Oxford.

Depuis 1994, M. Apals est employé par le service extérieur de la Lettonie, spécialisé dans la planification des politiques, les affaires européennes et la politique de sécurité. Il a également été chargé des questions relatives aux relations transatlantiques et aux relations bilatérales entre la Lettonie et l’Europe occidentale. De 2004 à 2010, M. Apals a travaillé pour le Secrétariat général du Conseil de l’UE, assumant les responsabilités de conseiller politique auprès du représentant spécial de l’UE pour l’Asie centrale. En 2010, il a été nommé représentant permanent de la Lettonie auprès de l’OSCE, de l’ONU et d’autres organisations internationales à Vienne. En 2013, M. Apals est devenu ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de Lettonie en Irlande, poste qu’il a quitté en 2017. Les intérêts académiques actuels de l’ambassadeur Apals comprennent la géopolitique et la politique de sécurité dans un contexte historique plus large, la politique de sécurité et de défense commune de l’UE et les questions de sécurité militaire au sens large. La coopération sous-régionale en Europe et l’impact de la mondialisation constituent un aspect important de ses activités de recherche.

Alors qu’il nous faisait visiter le musée de l’occupation, ce dernier nous a confié tout d’abord que ce musée était majoritairement financé par des ONG, et en complément par les autorités de Lettonie. ll insistait sur le travail de mémoire nécessaire à faire en Lettonie et sur le rôle de ce musée pour que les générations à venir n’oublient pas ce qu’il s’est passé au 20ème siècle en Lettonie. Il soulignait par ailleurs l’éminent rôle, en Occident, d’historien comme Stéphane Courtois, auteur du livre noir du communisme, en matière de travail autour de la mémoire historique. Quand on lui a demandé comment il percevait ces jeunes et moins jeunes qui, en France, se revendiquaient communistes, ou portaient des symboles à l’effigie de l’Union Soviétique, sa réponse est martiale : « Ces gens n’ont pas vécu le communisme. Ils n’ont pas été occupés par les communistes. Ils ne savent tout simplement pas ce qu’était la société soviétique ». 

Il est vrai qu’un aller retour express dans ce musée pour tous les nostalgiques de Lénine, Staline, et autres leaders communistes soviétiques, ne ferait pas de mal.

Crédit photo : DR

[cc] Breizh-info.com, 2023, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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3 réponses à “Lettonie. A Riga, le musée des occupations ouvre grand les yeux sur les conséquences du communisme et du nazisme”

  1. zblob dit :

    Le musée devait initialement être un musée DE L’occupation. Il est devenu musée DES occupations pour limiter la fureur des Russes mais il est évidemment très inégalitaire. D’abord pour une raison chronologiques évidente : trois ans d’occupation de guerre ne pèsent pas le même poids qu’un demi-siècle d’occupation impérialiste très dure et de négation de l’identité lettone. Ensuite et surtout pour des raisons de sentiment national : l’occupation allemande a en fait été vécue comme une libération, et environ 10 % de la population lettone s’est engagée dans la Waffen SS, ce qui est colossal. La Lettonie est le seul pays au monde où ait lieu chaque année, le 16 mars, un défilé officiel des anciens SS, ce qui horripile la minorité russe locale. Celle-ci les considère comme des néo-nazis et non des anciens combattants. A les écouter, on comprend pourquoi les Lettons ne sont pas pressés d’être recolonisés au sein de la « Grande Russie » façon Poutine !

  2. Bergeron dit :

    Il y a aussi un musée trés bien fait à Budapest sur le martyre subi par le peuple hongrois. A voir. Il y a souvent la queue pour le visiter, et le public est trés jeune. Ils veulent savoir ce qui a coûté la liberté et souvent la vie à leurs parents, grands-parents et anc^tres plus lointains.

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