A Nantes, la vie politique locale est plus animée qu’à Rennes. Grâce en particulier à Pascal Bollo, un adjoint au maire particulièrement « actif ». Mais Johanna Rolland vient de réduire sa carte de visite ; il ne s’occupe plus de la sécurité
Avec Pascal Bolo (PS), on n’est jamais déçu. Prompt à s’exprimer sur Twitter, notre homme agrémente la vie politique nantaise de belle manière. Un « électron libre » disent les plus gentils, « franc-tireur » pour ses détracteurs (Presse Océan, samedi 31 décembre 2022) On le retrouve égal à lui-même lors de l’élection présidentielle de 2017 : « J’ai fait campagne pour Hamon, mais au dernier moment, j’ai voté pour Macron » (Ouest-France, Loire-Atlantique, lundi 24 avril 2017). Rappelons qu’à ce premier tour le candidat du Parti socialiste s’appelait Benoît Hamon. Mais Bolo – les sondages aidant – avait flairé que le résultat de « Ben » serait mauvais ; il court donc au secours de la victoire. Effectivement, ce dernier n’obtiendra que 10,98 % des suffrages exprimés à Nantes et 11,84 % à Saint-Renan (près de Brest), sa commune natale.
Toutes ces péripéties n’empêchent pas ce vieux crocodile socialiste – rescapé de l’époque Ayrault – de vivre une vie de cumulard : premier adjoint de Johanna Rolland, suppléant du député François de Rugy (EELV) dans la circonscription de Nantes-Orvault, conseiller départemental dans le canton de Nantes-6… Mais les élections municipales de 2020 montrent que son poids politique n’est plus ce qu’il était. Au sein de la municipalité, il est rétrogradé, devenant septième adjoint, tout en conservant des responsabilités stratégiques : sécurité et tranquillité publique d’un côté, finances de l’autre.
Arrivent les élections législatives de juin 2022. Si Johanna Rolland (PS) soutient l’accord Nupes, Bolo étrille la « Nouvelle union populaire écologique et sociale » ; sur les réseaux sociaux, il se déchaîne. Pour lui, il s’agit d’une « alternative mortifère ». Et d’attaquer le Nantais Christophe Clergeau (PS), conseiller régional, qui travaille en faveur de la Nupes : « Hé, c’est ta gauche, ça ? Franchement tu n’as pas honte ? Pour un poste de secrétaire national du PS ? Quelle dérision ». La colère de Bolo ne serait pas un sujet nantais : « Je n’ai pas de problèmes avec la diversité des convictions, ni avec les Insoumis, même si j’ai des désaccords importants. Ce qui me met en colère, c’est que les dirigeants de mon parti se soumettent à LFI ». A l’entendre, la Nupes « n’est qu’un accord électoral, qui ne survivra pas au-delà de quinze jours après les élections » Pour le reste, Pascal Bolo dit se « positionner très bien dans la majorité nantaise qui s’est réunie autour d’un projet construit ensemble et partagé » (Presse Océan, vendredi 10 juin 2022)
Le Sénat est une maison convoitée
Une carrière politique aussi riche mérite récompense. Un bâton de maréchal serait le bienvenu. Et comme les sénateurs de Loire-Atlantique sont renouvelables en septembre 2023, on a le droit de rêver au Palais du Luxembourg. Ce que fait Pascal Bolo ; il annonce son souhait de conduire « une liste de rassemblement de la gauche et des écologistes » aux élections sénatoriales. « Je me dis que si une dernière période d’engagement peut s’ouvrir avant un retrait complet de l’action publique, c’est, à 61 ans, maintenant ou jamais » Cette dernière période d’engagement, c’est « le mandat national, législatif », le « débouché naturel d’un parcours d’élu local comme le mien ». Et le Palais du Luxembourg est « une évidence » à ses yeux : « Après avoir beaucoup réfléchi, après avoir longtemps hésité à renoncer à l’action locale quotidienne pour un rôle infiniment moins opérationnel, je suis aujourd’hui déterminé à atteindre cet objectif » (Presse Océan, jeudi 16 mars 2023)
Tout cela et bel et bon, mais encore fallait-il que le conseil fédéral de Loire-Atlantique place Bolo en position éligible sur la liste socialiste, c’est-à-dire que Johanna Rolland impose ce choix. Il n’en fut rien. D’où une nouvelle colère de l’intéressé : « J’ai retiré ma candidature. Les dés étaient pipés. J’étais en quatrième position sur la liste proposée au conseil fédéral du PS. J’aurais été sorti de la liste finale, une fois les partenaires de gauche intégrés » (Presse Océan, vendredi 14 avril 2023). Il s’agit d’une première mouture avant la liste finale qui rassemblera les alliés de gauche. « En position éligible, le PS n’aura seulement que la tête de liste, Karine Daniel. Les socialistes se sont fait rouler dans la farine ! », dénonce Bolo (Ouest-France, Loire-Atlantique, vendredi 14 avril 2023). Vexé, il ajoute : « Comme disait Machiavel, l’ingratitude est une qualité du prince. C’est irrespectueux de mon parcours. Un deal a été passé avec l’écologiste Ronan Dantec pour constituer la liste finale » (Presse Océan, samedi 15 avril 2023).
Le « bon soldat » part en guerre
Bien entendu, Pascal Bolo est capable de développer davantage sa pensée. On peut lui faire confiance : « Les dés étaient pipés. Le seul poste masculin éligible est réservé à Ronan Dantec (écologiste). Je n’avais donc aucune chance, pas plus que quiconque étant né de sexe masculin et n’envisageant pas de le renier. » Et d’ajouter : « A quoi va servir un troisième mandat du sénateur Ronan Dantec. A garantir le rassemblement de la gauche aux prochaines municipales à Nantes ? Douteux ! A assurer la victoire finale de la gauche rassemblée, y compris, pourquoi pas avec nos amis locaux de la Nupes ? Non, bien sûr. A part assurer à Ronan un niveau de vie convenable et une retraite heureuse, cela ne va servir à rien. En tout cas pas pour contribuer à replacer le Parti socialiste au centre de la gauche. » Il est clair que Bolo est fâché avec Rolland : « On peut demander des sacrifices aux bons soldats, les humilier n’est pas une bonne idée. Or, c’est ce que je ressens. » (Presse océan, lundi 17 avril 2023). Conséquence de ces mauvaises relations : « Ce n’est pas le grand soleil. Je vais lever le pied à la mairie », prévient Bolo (Presse Océan, samedi 15 avril 2023)
On comprend que celui qui rêvait de devenir sénateur en a gros sur la patate. Evidemment, Johanna Rolland a préféré favoriser une « copine » qui ressemble fort à une employée au détriment d’un « mâle de plus de cinquante ans » qui lui complique souvent la vie – et qui, surtout, « l’ouvre » facilement. Héritière de la circonscription de Nantes-Saint-Herblain – fief de Jean-Marc Ayrault pendant trente ans – en 2016, Karine Daniel est éliminée dès le premier tour aux élections législatives de juin 2017. Comme il faut bien l’aider à manger et à payer son loyer, Mme Rolland lui avait donné des lots de consolation : présidente du fonds de dotation de l’Arbre aux hérons, présidente de la Maison de l’Europe à Nantes et présidente de la Fédération française des maisons de l’Europe. Mais la fusion de la liste Dantec et de la liste socialiste lui permet de figurer en deuxième position, derrière le sortant, et d’être élue sénateur.
Après ces élections sénatoriales, Pascal Bolo y va évidemment de son commentaire. Sur Twitter, il nous apprend qu’il a voté pour « la seule liste permettant de garder deux sénateurs socialistes en Loire-Atlantique ». Et de se féliciter que « les manoeuvres d’appareil ne payent plus » (Presse Océan, jeudi 28 septembre 2023). Si on fait une bonne traduction de ces propos, on en déduit qu’il a voté pour la liste conduite par Philippe Grosvalet (ex-PS), ancien président du conseil départemental de Loire-Atlantique. Selon Bolo, nous avons donc un sénateur socialiste (Karine Daniel) qui figurait sur la liste « officielle » présentée par le PS et un second sénateur socialiste (Philippe Grosvalet) qui dirigeait une liste dissidente baptisée « divers gauche ».
Un limogeage agréablement présenté
Tout ce mic-mac ne pouvait pas demeurer sans conséquences. Au cours d’une conférence de presse, Johanna Rolland annonce que Pascal Bolo est déchargé de sa délégation à la sécurité publique et à la tranquillité publique : « Il a émis le souhait de se concentrer sur les autres délégations qui sont les siennes, notamment les transports à la métropole. Il continuera à assurer la dimension sécurité civile, et notamment les liens avec le Sdis (Service départemental d’incendie et de secours), mais passe le relais sur les questions de sécurité au sens strict du terme. C’est une décision conjointe.» Avec Bolo, on a souvent droit à des explications emberlificotées : « Il faut avoir la lucidité de la perception des signaux de sa propre obsolescence. J’ai considéré, après trois ans de cette lourde charge, qu’il était plus raisonnable, à partir du moment où c’est la priorité du mandat, que le premier adjoint prenne en charge cette délégation. » (Ouest-France, Nantes, vendredi 29 septembre 2023). Pour autant, Bolo conserve de quoi s’occuper puisqu’il garde la main sur les occupations du domaine public, la protection des populations, la salubrité, la lutte contre le bruit et – surtout – les finances. Un ballet bien mené que cette opération de passage de témoin : il ne fallait pas humilier Bollo et montrer que c’était une « décision conjointe » (sic). La politique politicienne sait parfois se montrer habile et élégante… même lorsqu’on a affaire à ce qui peut ressembler à un désaveu.
Le premier adjoint Bassem Asseh (PS) a donc hérité de la sécurité et de la tranquillité publique. Vaste programme pour celui qui était en charge de la proximité, du dialogue citoyen, de la politique de la Ville, du monde économique et de l’emploi – des domaines pépères. Johanna Rolland a certainement fait un bon choix : un immigré est mieux placé qu’un Breton pour s’occuper de la délinquance dans les « quartiers ». On fait confiance à Asseh…
Bernard Morvan
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6 réponses à “Nantes : un Libanais remplace un Breton”
Pascal Bolo aurait eu plus d’un titre à succéder à Jean-Marc Ayrault à la mairie de Nantes. Il connaissait les rouages de la vie municipale autrement mieux que Johanna Rolland ! Sans doute garde-t-il à celle-ci un chien de sa chienne… Et à présent, elle lui refuse le Sénat ! C’est un jeu dangereux, car en tant que maître des finances, présent dans la plupart des domaines à gros budget (construction, transports publics…), il connaît surement des secrets explosifs.
la pieuvre étend ses tentacules sournoisement !
et pendant ce temps là ,l’araignée continue de tisser sa toile !!
Article passionnant sur la vie politique nantaise, écrit dans un style vif. On dirait du Joël Bonnemaison, l’ancien « patron » du FN à l’époque des années 80.
Ce n’est que le début…
Continuez à voter PS, Nupes ou en marche (renaissance)
. Elu. Pourtant une seule personne compte : lui. Il a toujours raison. Breton il a voté contre la consultation demandée par 105 000 habitants et portée à l’attention du conseil départemental de Loire-Atlantique fin 2018 et mis au vote en 2029.
Un libanais musulman, puisqu’on est Nantes.