06/02/2015- 08H00 Nantes (Breizh-info.com) – Le 10 décembre dernier à Nantes, était organisée une soirée de conférence et concert consacrée à Paul Ladmirault. C’est son petit fils Paolig qui devait présenter la vie et l’œuvre musicale de son grand père tandis que ses arrières petits enfants Florence, pianiste, Paul Ronan, hautboïste et Claire, flutiste, interprétèrent plusieurs de ses compositions. C’est la première fois depuis de nombreuses années qu’un tel hommage était rendu au compositeur breton dont le souvenir s’estompait au fil du temps.
Né à Nantes en 1877 dans une famille de la bourgeoisie d’ascendance morbihannaise et poitevine, Paul Ladmirault connut une enfance musicale. D’un talent précoce, il compose à onze ans sa première sonate pour piano et violon et quatre ans plus tard son premier opéra sur un thème inspiré de l’histoire de Bretagne Gilles de Retz représenté avec succès le 18 mai 1893 à Nantes. Elève du Grand lycée il y est le condisciple du futur écrivain Alphonse de Châteaubriant dont il demeurera l’ami et du futur graveur et peintre Emile Laboureur.
Mais dans la république des Arts, il faut être à Paris pour percer. En 1895 il est admis au conservatoire national où il devient un des élèves préférés de Gabriel Fauré. Il s y fait des amis qui connaitront aussi la renommée : Maurice Ravel, Florent Schmitt, Louis Aubert, Georges Enesco et le pianiste Alfred Cortot. Puis il s’inscrit à la Schola Cantorum de Vincent d’Indy avec son compatriote breton Paul Le Flem.
Une œuvre musicale foisonnante
En 1903, Ladmirault compose Le chœur des âmes dans la forêt dont Debussy fit l’éloge. En 1903 il donne la Suite bretonne, puis des pièces de piano à deux et quatre mains, des mélodies, des arrangements de chants populaires bretons. Il présente ensuite Brocéliande au matin prélude symphonique qui fera partie de son opéra Myrdhin (Merlin). Ladmirault consacrera plusieurs années de travail à ce drame lyrique en quatre actes qui ne sera jamais représenté. Le critique musical Pierre Lalo y voyait « un sentiment poétique d’une rare intensité ». En 1911 Florent Schmitt écrivait dans La France : « De tous les musiciens marquants de la génération qui monte, Paul Ladmirault est peut-être le plus doué, le plus original mais aussi le plus modeste, et, dans notre siècle d’arrivisme, la modestie a tort ». C’était bien là un des traits principaux de son caractère.
Mobilisé durant le premier conflit mondial, Ladmirault va vivre trois années dans les tranchées comme brancardier. Attaché au théâtre de la VIIIème armée il donnera en 1917 un ballet La Prêtresse de Korydwenn qui sera créé à l’opéra de Paris en 1926.
Démobilisé, il va quitter Paris pour vivre désormais entre Nantes et son manoir familial de Kerbili à Camoël dans le Morbihan. En 1920 à 43 ans il est nommé professeur de contrepoint, fugue et composition au Conservatoire de Nantes. En 1925 il compose la musique qui illustre le film La Brière de Léon Poirier tirée du roman éponyme de son ami Alphonse de Châteaubriant, le plus grand succès littéraire de l’entre deux guerres. Durant les années trente il continue à créer, ainsi le poème symphonique En forêt, une de ses meilleures œuvres. Il tourne son regard vers le XVIe siècle, la musique gaélique le séduit et l’amène à composer comme son Quatuor à corde qui rappelle la couleur de la musique écossaise. En 1935-36 il écrit plusieurs pièces pour piano Cadichon ou Les mémoires d’un âne inspirées par le roman de la Comtesse de Ségur. Plusieurs autres sonates verront aussi le jour dont sa dernière œuvre, la belle sonate pour clarinette et piano dédiée à deux de ses collègues du Conservatoire de Nantes.
Durant toute sa vie Paul Ladmirault fuira les mondanités et les honneurs. Les archives municipales de Nantes possèdent une étonnante correspondance de 1942 entre Gaétan Rondeau alors maire de Nantes et Alphonse de Châteaubriant directeur de l’hebdomadaire La Gerbe pour lui demander d’intervenir auprès du sulfureux ministre de l’Education et de la jeunesse, l’académicien Abel Bonnard, afin de faire attribuer la Légion d’honneur au compositeur breton. On ne sait pas s’il reçut cette distinction. Le 30 octobre 1944 Paul Ladmirault s’éteindra discrètement et quasi oublié dans son vieux logis de Camoël.
Un engagement constant pour sa patrie charnelle, la Bretagne
Le celtisme, la Bretagne mais aussi la nature furent des sources permanentes de l’inspiration de Paul Ladmirault. Ayant appris dans sa jeunesse le breton, il est très tôt admis comme dans la Gorsedd, fraternité des druides, bardes et ovates de Bretagne sous le nom d’Oriaw. Il créera ensuite la Société des compositeurs bretons avec Louis Villemain, Paul Le Flem, Guy Ropartz… Cette association, surnommée « Les huit » ou « La Cohorte bretonne » veut concilier l’art savant et la musique du peuple là où toute la musique prend sa source. Fier de ses racines bretonnes, Ladmirault avait compris comme Grieg en Norvège, Smetana et Janacek en Tchéquie, Granados et De Falla en Espagne, Bartok en Hongrie qu’il faut « partir de ses racines ethniques afin d’atteindre à l’universalité du Grand Art. Seul ce chemin n’est pas soumis à la sclérose des artifices mondains et nihiliste, car il puise sans cesse à la source éternellement vivifiante de l’âme du peuple de chaque peuple, de tous les peuples » écrit Yves Penhent dans la revue bretonne War Raok.
Fondateur en 1929 du Cercle celtique de Nantes dont il dirigera la chorale, Paul Ladmirault va militer pour une autonomie culturelle de la Bretagne face au centralisme parisien. Dans la préface qu’il donne en 1932 à un recueil des œuvres du sculpteur Georges Robin, âme du groupe artistique des Seiz Breur, il résume bien sa pensée : « si l’idée d’une autonomie politique de la Bretagne a pu susciter certaines bruyantes et intéressées, en revanche son autonomie artistique ne saurait nulle part rencontrer d’adversaires. Tout concourt, dans ce pays puissamment original, à faire vivre un art mieux que régional, national : la langue, le folklore, la musique populaire, les monuments et jusqu’à l’atmosphère qui est uniquement bretonne ». C’est dans cette logique que ce breton mystique et animé d’une profonde foi catholique va rejoindre pour un temps, comme Alphonse de Châteaubriant, le PNB, parti national breton fondé en août 1931.
L’œuvre de Paul Ladmirault connait aujourd’hui un relatif oubli. Quoique admiré par Jean-Louis Jossic, leader du groupe Tri Yann, celui-ci n’a guère œuvré pour la mémoire du compositeur breton durant les années où il fut en charge de la politique culturelle de la municipalité nantaise. René Martin créateur et animateur talentueux de la Folle journée de Nantes en consacrera t-il une dans les prochaines années aux compositeurs de musique en Bretagne ? Ce serait l’occasion de rendre hommage à ceux qui, dans la musique populaire ou traditionnelle ont illustré les mythes fondateurs de la culture bretonne et, au premier rang d’entre eux, Paul Ladmirault.
Claude Bily
Discographie
Chansons écossaises, chœurs profanes
Intégrale des sonates
Intégrale pour piano
Les mémoires d’un âne & Le Carnaval des animaux
Piano 4 mains
Piano 4 mains (Rhapsodie gaëlique)
Piano 4 mains (Variations sur des airs de biniou)
Poèmes symphoniques – En Forêt, Valse triste, Brocéliande au matin, La Brière
Quatuors, Fantaisie pour violon & piano, Chevauché Fantaisie sur des « réels » écossais pour piano trio, Romance pour quatuor, Trio « Le Fleuve » pour violon, violoncelle & piano
Sonates pour clarinette et piano
Suites.
Photos : DR
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2 réponses à “Paul Ladmirault, un compositeur breton à redécouvrir”
On rêve bien sûr d’une Folle Journée consacrée à la Bretagne où l’on entendrait Ladmirault, Le Flem, Dan ar Braz, etc. Le problème risque d’être le faible nombre de formations de haut niveau capables d’exécuter ces oeuvres. En revanche, une Folle Journée interceltique serait aisément envisageable.
Vu son intérêt commercial (elle permettrait d’attirer des touristes d’outre-Iroise), on s’étonne même que René Martin ne l’ait pas encore organisée. Mais on imagine la réaction de certains amis qui lui veulent du bien (des amis ligériens par exemple) : « Songe à tes subventions, mon petit René… »
« Alfonse de … » comme dit Jank, Châteaubriant pour le nommer, était un écrivain majeur qui a rédigéplusieurs chefs d’oeuvre.avant de sombrer dans une collaboration délirante. Si ses éditoriaux de La Gerbe étaient souvent fumeux et parfois illisibles, son hebdomadaire fut néanmoins un succès éditorial,vendant durant ces années noires 140 0000 exemplaires par semaine. Il le devait aux signatures talentueuses qu’il sûty attirer. J’en citerai quelques uns : Colette, Montherlant,Cocteau, Marcel Aymé, Jean Anouilh, Paul Morand, La Varende,Sacha Guitry, Jean Giono,Serge Lifar,Jean Rostand,Jean-louis Barrault … en oubliant bien d’autres qui ne firent certainement pas « gerber » nombre de gens « honnêtes et sensés » de cette époque.