La fusion au sein d’une application qui rassemble toutes les solutions de transport en commun ou alternatives à la voiture de la TAN si connue des nantais ne fait couler que peu d’encre – les nantais qui s’entassent dans des bus ou des trams blindés, et d’autant plus le week-end qu’ils sont gratuits ont certainement d’autres soucis en tête. Cependant, pourquoi cette innovation – qui a le mérite, cela dit, d’avoir un nom breton, le Nao de Naolib renvoie à Naoned ?
Olivier Razemon explique ainsi, dans un blog consacré aux transports, que voyager en France, en utilisant les transports en commun, ce n’est pas simple, mais que ça va changer. Prenons l’exemple d’un valeureux voyageur qui veut relier le bourg de Blain à Allainville-aux-Bois, en pleine Beauce, aux confins de l’Ile-de-France et du Centre.
S’il veut se passer de sa voiture ou qu’il n’en a pas, il devra d’abord prendre un car régional Aleop à Blain, place Jollan de Clerville, qui le posera gare SNCF (côté sud) à Nantes, marcher 500 mètres, prendre un TGV pour Paris-Montparnasse, puis le métro ligne 4 jusqu’à Denfert, le RER B jusqu’à Massy – avec un ticket Ile-de-France, marcher 500 mètres de la gare de Massy à gare routière, tout au sud, prendre le bus 91-03 jusqu’à Dourdan, et ensuite finir son voyage par le bus de la ligne 22, à prendre à la gare de Dourdan. Soit six billets et autant d’opérateurs différents, à connaître puisque à part pour les trois derniers accessibles via Ile-de-France mobilités, aucune plateforme ne communique les correspondances entre bus, trains et autres modes de transports. Pareil, leurs horaires ne concordent pas toujours, ni les distributeurs, etc.
« Grâce à l’ouverture des données, à la coopération entre opérateurs, à l’ingéniosité des start-ups et à beaucoup d’ingénierie et de compromis, le voyageur pourra trouver, sur son smartphone, non seulement les horaires des différents moyens de transport, mais aussi leur disponibilité (à Paris, je vais prendre un Vélib’ ou une trottinette, le métro ou Uber si je suis chargé ?), les aléas (et si le TGV ne roule pas ?), les plans (le car, à Rennes, c’est où par rapport au TGV ?) et un ticket unique, payable en ligne, naturellement. Dès lors, le trajet en transports publics et consorts est aussi simple que celui que l’on effectue en voiture, pédale sous le pied, à l’abri dans son habitacle chauffé, et guidé par Waze ». Une solution qui existe déjà dans le bassin urbain d’Helsinki, où une application propose même aux automobilistes d’échanger leur voiture contre ce service, qui leur permettra de bénéficier d’une voiture à la demande, pour finir leur trajet.
Des solutions semblables existent à Mulhouse, sont mises en place en Ile-de-France, à Saint-Etienne… et donc à Nantes, où Naolib s’inscrit justement dans cette logique. Et on appelle ces nouvelles applications qui transforment la mobilité en service, promettant la même fluidité que la voiture, les MAAS (mobility as a service).
Cependant, nuance Olivier Razemon, « dans la vraie vie, les horaires de bus sont parfois illisibles, les RER en retard, les escalators en panne, le vélo anxiogène à cause de la circulation, etc. L’intermodalité serait plus efficace si elle fonctionnait dans la rue et pas seulement sur smartphone. Avant de trouver au client un itinéraire numérique, peut-être pourrait-on se préoccuper de son parcours réel ?
Surtout, cette « mobilité sans couture » constitue-t-elle vraiment la priorité des usagers ? Ceux-ci savent bien qu’ils ont intérêt à arriver un peu à l’avance pour être sûrs de monter dans le bus, que le RER ne les mène pas forcément à la gare ferroviaire, qu’ils devront changer de moyen de transport et marcher un peu, que l’arrêt du car sera peut-être inconfortable. Bref, les usagers connaissent les inconvénients des transports, que la super appli Maas ne leur permettra pas d’éviter »
Néanmoins les enjeux sont peut-être ailleurs. D’un côté, les réformes, les changements, les remplacements de signalétique, charte graphique etc. sont une façon pour les politiques de justifier le transfert de l’argent des poches des contribuables à celles du privé – c’est qu’il va falloir acheter des panneaux, changer les pelliculages des véhicules, les cartes de visite, la documentation interne, payer des développeurs, la maintenance etc… et se faire mousser dans la presse et les pots.
D’autre part, l’appauvrissement graduel de la « vieille Europe », que crise ukrainienne et la gestion catastrophique du Covid n’auront fait qu’accentuer, va pousser peu à peu une partie de la population à se passer de sa voiture, ou en limiter drastiquement l’usage. Sur un continent appauvri et en déclin – social, politique, intellectuel, démographique – l’existence d’une politique de transports en commun qui permette réellement de se passer de voiture partout sur les territoires va devenir indispensable. Mais tant que les décisions en matière de transports publics seront prise par des gens qui roulent en voiture, voire avec chauffeur, les usagers continueront de galérer.
Louis Moulin
Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2023, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine
Une réponse à “Naolib à Nantes : une idée à la MAAS ?”
J’adore la dernière phrase !