En ces temps d’unanimité républicaine, d’exaltation des « principes immortels » qui fondent la république, liberté, égalité, fraternité, risquons-nous à écorner ce bel élan du 11 janvier. La République française est bien placée pour affronter les terroristes de tous poils puisqu’elle-même vécut et survécut grâce à la Terreur qu’elle institua le 5 septembre 1793.
Ce jour-là, sous la pression d’émeutiers ayant envahi la salle des séances, la Convention nationale mit « la Terreur à l’ordre du jour ». La Terreur votée, il n’y eut plus qu’à la mettre en place. Elle fut le mode ordinaire de fonctionnement du gouvernement révolutionnaire. Lorsque Robespierre eut éliminé ses rivaux (Hébert, Danton), ce fut la Grande Terreur, jusqu’à sa chute, le 9 thermidor de l’an II (27 juillet 1794).
Un historien de qualité, Edgar Quinet (1803-1875), républicain mais libéral comme on l’entendait au XIXème siècle, parlait du « système de Robespierre ». Il voyait l’Incorruptible animé par un « fanatisme de rhétorique » qui « colorait ses passions les plus mauvaises ». Ce complotiste découvrait des ennemis de la République dans tous les recoins. A force de vouloir les anéantir, il en produisait toujours plus. Il se perdit de la sorte lorsque tous se voyant menacés s’unirent pour le renverser.
Mais la Terreur ne se réduit pas à Robespierre. On lira, pour s’en convaincre, le bel article de François Furet (Dictionnaire de la Révolution française, 1992). La politique de terreur fut partagée par toutes les factions révolutionnaires qui à force de surenchère, s’éliminèrent les unes après les autres. Justice expéditive (loi du 22 prairial, an II), terre brûlée et massacres, noyades et fusillades par centaines (Carrier à Nantes, Fouché à Lyon), tout fut mis en œuvre pour plier les Français récalcitrants. Le bilan est accablant : un demi-million d’arrestations au moins, 30 à 40 000 victimes d’exécutions sommaires, autour de 200 000 morts pour l’Ouest insurgé, chiffres qu’il faut rapporter à la population, 30 millions d’habitants. Un bain de sang, des temps de délation, d’infamie qu’Anatole France a magnifiquement évoqué dans « Les dieux ont soif ».
Les « principes immortels » ont bon dos. Une fois proclamée, louangés, vénérés dans une communion nationale aussi sincère que candide (en tout cas, pour les simples manifestants), ils incitent aux pires débordements. Le 14 juillet 1790, jour de la Fête de la Fédération, 200 000 Français (au moins) fêtèrent la Révolution finie autour d’un roi redevenu le meilleur des pères. L’illusion fut complète. Le 31 juillet 1914, le président du Conseil, le socialiste Viviani, rallia tout le pays à une guerre juste, courte et fraîche… Attendons les lendemains du 11 janvier 2015.
Jean Heurtin
Photo : DR
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Une réponse à “[Histoire] Quand république rimait avec terreur”
Pourquoi le passé, l’imparfait ? La République française est toujours un régime de terreur. N’entendez-vous pas Peillon et consorts faire l’éloge des massacreurs en 2015 ? La terreur est aujourd’hui plus insidieuse et se fait par des voies détournées. Mais elle est toujours là. Elle terrorise les religieux, les nationaux, les provinciaux et cette terreur se fait par les armées composées de minorités invisibles vindicatives et qui exigent une soumission des autres. Nous sommes dans le même régime depuis plus de deux cents ans.