Défendre les intérêts de la Bretagne ne signifie pas défendre les intérêts des puissants de l’agroalimentaire. Mais il y a des élus qui ne l’ont pas compris ou qui ne veulent pas le comprendre.
Le « modèle agricole breton » a fait couler beaucoup de salive lors de la session du conseil régional de Bretagne du 7 avril ; il est vrai que l’ouvrage de Nicolas Legendre (« Silence dans les champs ») a réchauffé le sujet. Tout le monde sait que les algues vertes constituent un des volets de cette affaire – on pourrait même dire que les algues vertes sont la conséquence du « modèle agricole breton ». On les trouve plus particulièrement dans la baie de la Fresnaye, dans celle de Saint-Brieuc, dans celle de la Lieue de Grève, dans celle du Douron, dans celle de L’Horn-Guillec, dans celle de Quillimadec, dans celle de Douarnenez (Le Télégramme, Bretagne, vendredi 24 mars 2023). Mais également dans la baie de La Forêt-Fouesnant (Le Télégramme, mercredi 10 février 2021), à Larmor-Plage, à Erdeven, dans les vasières du golfe du Morbihan, dans la ria d’Etel, etc.etc.etc. La Loire-Atlantique n’est pas épargnée ; c’est le cas des plages de Pont-Mahé à Assérac. « Les algues vertes menacent la salubrité des plages ; le ramassage, le convoyage et le traitement coûtent à la commune entre 20 000 euros et 40 000 euros par an (suivant les années plus ou moins chargées d’algues). S’ajoutent l’achat d’une nouvelle remorque pour 32 000 euros, car l’ancienne était rongée par le sel, et le temps passé par nos agents techniques. Tout cela impacte fortement le budget de notre commune », explique Joseph David, le maire d’Assérac (Ouest-France, Saint-Nazaire, mercredi 19 octobre 2022).
« Ces apports, à plus de 90 % d’origine agricole, proviennent des épandages de fertilisants – de synthèse et surtout organiques, notamment le lisier de porc -, mais aussi d’intrants plus anciens stockés dans les nappes souterraines. » (Le Monde, mercredi 13 octobre 2021). Et la situation ne va pas en s’arrangeant. Ainsi, à Binic-Etables-sur-Mer, on a collecté 750 tonnes d’algues vertes à l’été 2021, contre 185 en 2020. Le meilleur connaisseur de l’agriculture bretonne, André Pochon, a évidement son avis sur la question : « L’arrivée des algues vertes en Bretagne coïncide avec le développement de l’élevage industriel hors sol et l’arrivée du maïs fourrage en remplacement de l’herbe pour nourrir les bovins. De 2 mg de nitrates par litre d’eau dans les années 60, nous sommes passés à 50-100 mg par litre d’eau, dans les années 70-80. » Voilà le constat, reste à faire des propositions, ce que André Pochon fait volontiers : « Avec un système fourrager herbager, des porcs élevés sur litière, des élevages de volailles en plein air, la Bretagne sera l’une des régions les plus riches de France avec des paysans nombreux et prospères, et des rivages sans algues vertes. Il s’agit d’un changement en profondeur de notre système de production. La réforme de la Pac, avec le soutien de l’opinion via les médias, peut promouvoir cette révolution » (Le Télégramme, jeudi 15 juillet 2021). A Loïg Chesnais-Girard, président du conseil régional de Bretagne, de faire le nécessaire… Il est le mieux placé pour prendre ce dossier à bras le corps.
Nicolas Legendre est fils de paysans
Mais tout le monde n’est pas de cet avis. Pendant cette session du conseil régional, on a pu entendre Gilles Pennelle, le président du groupe Rassemblement national, se faire le défenseur du « modèle agricole breton » : « Un journal militant comme Le Monde, relayé ici par ceux qui n’aiment pas nos agriculteurs, s’attaque à notre agriculture (…) On se laisse taper dessus par un journaliste du Monde. Il y a un moment où il faut réagir à ce genre de choses […] Subir pendant une semaine une série de papiers à charge contre la Bretagne, non merci ! ». Tout cela est bien gentil mais Monsieur Pennelle, mauvais journaliste, « oublie » de nous indiquer si ce qu’écrit Legendre est exact ou inexact – c’est pourtant la seule chose qui compte.
Nous sommes obligés de déduire de ces propos que ce dernier aime les algues vertes, les plages fermées au public – comme c’est souvent le cas à Hillion -, les odeurs nauséabondes en de nombreux secteurs et les « plans de lutte contre la prolifération des algues vertes » (PLAV).
Rappelons au conseiller régional Gilles Pennelle le coût de ces plans : l’Etat apporte 43 % des financements et l’agence de l’eau Loire-Bretagne 27 %. « Les engagements de ces deux bailleurs ajoutés à ceux de la Région, des départements, de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise d’énergie et des chambres d’agriculture se sont élevés à 150 millions d’euros, pour des dépenses réelles de 109 millions. » (Le Monde, mercredi 12 mai 2021). Soit 72,7 millions d’euros pour le PLAV n°1 (2011-2015) et 35,7 millions d’euros pour le PLAV n°2 (2017-2021). Voir le rapport définitif de la chambre régionale des comptes (20 avril 2021). Des sommes « dérisoires si on les compare au montant des aides du premier pilier de la PAC [politique agricole commune] en Bretagne », notent les magistrats financiers ; en effet ces montants se situaient entre 435 et 614 millions d’euros par an pour ces six dernières années.
Mais tout n’est pas négatif pour Gilles Pennelle puisque chez lui, en Normandie, après un combat de trente ans, le lobby industriel laitier a subi une rude défaite ; en effet il s’est vu interdire par le Conseil d’Etat d’utiliser la mention « camembert de Normandie » (décision du 22 juillet 2022). « Seul le « camembert de Normandie » reconnu en appellation d‘origine protégée (AOP), donc au lait cru issu de vaches pâturant sur le Bocage normand, est habilité par la loi française et les règlements européens, à utiliser le nom de la région. Les textes sont clairs, n’est normand que ce qui est certifié normand. » (Marianne, 8 septembre 2022). Les industriels (Lactalis, Isigny Sainte Mère…) pensaient pouvoir contourner la difficulté en utilisant la mention « fabriqué en Normandie » qui « signifie que l’usine où le fromage est produit se situe dans l’un des cinq départements de la région, mais ne garantit en aucun cas la provenance du lait, qui plus est pasteurisé ou thermisé, entrant dans la composition des plâtres type Président, Cœur de lion, Le Rustique, Lanquetot ou Lepetit. » (Marianne, 8 septembre 2022). Mais c’est raté. Voilà qui aura réjoui l’ancien conseil régional de Normandie. A moins que dans sa région d’origine, il ne fasse la même chose qu’en Bretagne : défendre la cause du lobby agroalimentaire.
B. Morvan
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Une réponse à “Gilles Pennelle, FNSEA, coopératives, industriels, même combat”
« « Ces apports, à plus de 90 % d’origine agricole, proviennent des épandages de fertilisants »
pourquoi ne pas les disséquer , mettre en sac et les vendre à des agriculteurs qui se passeraient donc d’engrais chimiques? trop difficile? impossible est devenu français!