23/10/2013 – 08H00 Nantes (Breizh-info.com) – Nicole Bricq, la ministre du Commerce extérieur, a donné le 8 octobre dernier la composition du « Comité stratégique sur l’accord de partenariat stratégique entre l’Union Européenne et les Etats-Unis ». Figure entre autre dans cette liste – composée uniquement de chauds partisans du « libre-échangisme » et de la mondialisation – le sénateur socialiste de Loire-Atlantique Yannick Vaugrenard (photo), un proche de Jean-Marc Ayrault. Bruxelles peut se réjouir, l’ordre règne à Paris.
La Commission européenne avait annoncé, le 12 mars dernier, le démarrage des discussions concernant la création d’un espace économique transatlantique comprenant l’Union Européenne et les Etats-Unis. Ce projet était dans l’air depuis de nombreuses années. Le 26 mars 2009, une résolution avait été prise par le Parlement de Strasbourg en sa faveur. Ce dernier justifiait sa position à l’aide de trois arguments : les poids sensiblement égaux des économies européenne et américaine; la nature libérale de ces économies et la convergence de vues en matière de politique étrangère et de défense, notamment à l’égard du terrorisme.
Le premier argument n’en est pas un. Le second affirme l’alignement de notre économie sur le modèle américain, ce qui ne va pas de soi parce qu’il n’est pas certain que ce modèle – très contesté dans certains pays dont la France – le demeure très longtemps en Europe. Enfin le troisième argument entérine l’alignement de l’Europe sur la politique étrangère américaine, ce qui est lourd de conséquences potentielles, notamment quant aux relations de l’Europe avec la Russie qui dispose d’une immense quantité de richesses naturelles et qui pourrait être notre principal partenaire.
Ce projet, mené au pas de charge par E. Barroso – dont certains mauvais esprits disent qu’il va y gagner un fauteuil confortable au secrétariat général de l’OTAN quand son mandat européen aura pris fin – est soutenu par la Chancelière allemande et Barack Obama mais aussi par toute la classe politique libérale – libertaire dont les socialistes qui ont, selon Jacques Sapir (Blog RussEurop), une responsabilité écrasante dans la dérive ultra-libérale de l’Union Européenne.
Le Comité stratégique sur l’accord de partenariat stratégique entre l’Union Européenne et les Etats-Unis nommé par Nicole Bricq est une parfaite illustration de la collusion qui existe entre libéraux « de gauche » et libéraux « de droite » qui a été si finement analysée par le philosophe Jean-Claude Michéa. On y trouve en effet aussi bien des élus de gauche – l’ancien trotskiste Henri Weber (PS), Simon Sutour (PS), Seybah Dagoma (PS), Estelle Grellier (PS) Yannick Jadot (EELV) – que de droite – l’atlantiste Pierre Lellouche (UMP), Marielle de Sarnez (Modem), Nora Bera (UMP). On y trouve aussi un sénateur socialiste de Loire-Atlantique proche de Jean-Marc Ayrault, Yannick Vaugrenard et le propagandiste français le plus zélé de la religion néo-libérale, l’économiste Elie Cohen.
Les partisans de cet accord affirment qu’il permettra à terme un accroissement du PIB des deux côtés de l’Atlantique -119 milliards de dollars pour l’UE et 95 milliards pour les USA – ce qui reste à démontrer. Ce sont les mêmes qui nous avaient vanté les mérites immenses de la monnaie unique. Nous savons maintenant qu’ils nous ont menés en bateau.
Le journaliste économiste Jean-Michel Quatrepoint, interrogé sur ce sujet le 21 Juin dernier, a répondu que ces chiffres étaient purement fantaisistes et que la France avait tout à perdre dans cette affaire. L’efficacité du libre-échange a été démentie par l’étude Linkage de 2005 qui a permis de constater que celui-ci a des effets beaucoup plus limités que ce qui se disait auparavant. Quoiqu’il en soit, il y aura dans cette affaire des gagnants et des perdants ; nous savons que ce ne sont pas les peuples dans leur ensemble qui profitent des bénéfices limités du libre-échange mais les transnationales, leurs dirigeants et leurs actionnaires. Les peuples européens ont tout à perdre de cette nouvelle phase de la mondialisation.
Dans son numéro du 26 Février 2013 Der Spiegel faisait état des problèmes soulevés par le projet de marché transatlantique et soulignait que celui-ci allait cristalliser la fureur des paysans qui y voient, à juste titre, une sérieuse menace pour l’avenir de l’agriculture. Si cet accord était finalisé, celle-ci subirait de plein fouet la concurrence de l’agro-business américain.
Un des buts essentiels de cet accord est en effet de permettre aux USA de pénétrer le marché agro-alimentaire européen. L’agriculture européenne, jusqu’à présent protégée de la concurrence des viandes bovines aux hormones et des viandes de volailles chlorées – l’essentiel du bétail élevé outre atlantique étant de surcroît nourri avec des végétaux OGM – grâce à une réglementation sanitaire protectrice, pourrait bien disparaître. Un naufrage dont Monsieur Vaugrenard, pourrait être tenu – avec quelques autres – pour responsable.
Photo : Clément Bucco-Lechat/Wikimedia (cc)
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