Cyclisme. Mathieu Van der Poel s’offre un nouveau monument sur Paris-Roubaix [Reportage]

Ce fût un dimanche 9 avril d’anthologie pour ceux qui ont eu la chance d’aller assister à ce qui restera un Paris-Roubaix historique.

Un week-end d’anthologie pourrait-on dire car il y avait aussi la course féminine la veille, sans Arenberg (mais avec le même money prize pour la gagnante, ce qui interroge..car la difficulté de la course n’est pas la même de fait). Des guerrières de la route qui se sont bagarrées, pour finir, ce qui est rare, avec un joli groupe qui s’est disputé la victoire sur le vélodrome.

Au final c’est la canadienne Jackson qui s’est imposée au terme d’une course où petit à petit, le public se positionnait en vue du lendemain. Cela n’enlève rien aux prouesses des filles, mais force est de constater que 80% des suiveurs attendent une chose et une seule : la course du dimanche, des hommes.

Van der Poel on fire

Dimanche 9 avril justement. Des milliers de fans en trans au bord des secteurs pavés….beaucoup venus de Flandre, des Pays-Bas, musique techno et danse à fond la caisse, bières coulant à flot, ambiance familiale, festive, bon enfant…Pour être bien placé, il faut arriver la veille, l’avant veille. Les Flamands sont les experts en la matière, tout en étant particulièrement accueillants lorsque vous allez à leur rencontre et que vous vous avérez au final être un amoureux (et un connaisseur) de ce sport si dur qu’est le cyclisme.

Et au final, côté sportif justement, une course qui a démarré rapidement, y compris depuis Compiègnes, les équipes de leaders se refusant, jusqu’à quelques kilomètres du premier secteur pavé (à Troiville), a accordé un quelconque bon de sortie.

Un premier secteur pavé fatal, image terrible, à Peter Sagan, ancien dompteur de pavés en chef…mais qui s’est retrouvé dans le fossé, contraint à l’abandon, dès la première séance de torture de la journée.

Car rouleur sur des pavés, c’est s’infliger une séance de torture. La météo était clémente cette année, quoi que la poussière devaut en étouffer certain.

Côté course, ça a été finalement assez calme….jusqu’au coup de force des Jumbo-Visma dans le secteur précédent celui de la trouée d’Arenberg. Panique générale dans le peloton, et arrivée pleine balle dans une trouée qui cette année encore, a fait des victimes en tous genres : vélos cassés, roues explosées, pneus crevés, chutes…que d’images terribles de ces véritables héros de la route, et cela qu’ils soient dans le top 10 ou bon dernier.

Le jour où un Vingegaard – qui vient de remporter le Tour du Pays Basque sans concurrence – aura fait un Paris-Roubaix en le terminant, là, on admettre que oui, c’est un champion. D’ici là…

D’ici là, on se satisfera de l’exceptionnel plateau du jour, et du fait de voir, entre la Trouée d’Arenberg et Pont Gibus, un groupe royal se former, avec Philipsen, Pedersen, Ganna, Küng, Van Aert, Van der Poel, Degenkolb, Walscheid…imaginez le gamin au bord de la route, des étoiles dans les yeux, en voyant passer tous ces champions ensemble…

Avant de voir arriver, quelques minutes plus tard, un Laporte malchanceux (crevaison après la trouée)..Et loin, bien plus loin, les premiers coureurs de chez Quickstep (Lampaert, Merlier, qui finiront 23 et 24ème). Une Quickstep Soudal en perdition cette année. La malchance des Sénéchal, Asgreen, comme celle d’Alaphilippe sur d’autres courses, n’est pas une excuse…c’est comme les opportunités, cela semble se fabriquer.

Et la fin de course dans tout cela ? Cela s’est joué au carrefour de l’arbre, avec un scénario digne d’une tragédie. Degenkolb d’abord, tassé sur le bord de la route par Philipsen et Van der Poel, et insistant pour passer sans en avoir la place. Tapis. Chute. Et fin du rêve de remporter une seconde fois ce monument du cyclisme. Il a commis une petite erreur et cela ne pardonne pas.

Et pendant ce temps, Van Aert accélère..seul Van der Poel peut le suivre. On imagine les deux se la régler au Vélodrome …au sprint, devant un public en folie…mais d’un coup Van der Poel dépasse le flamand….qui ne suit plus. C’est une crevaison ! Et une lenteur absolue pour changer la roue, plutôt que de donner un nouveau vélo. Mathieu Van der Poel file tout seul vers Roubaix, plus personne ne reviendra sur lui.

Il rentre dans le vélodrome, exultant lui aussi, et célébrant sa première victoire après Milan-San Remo il y a quelques semaines et une deuxième place sur le tour de Flandres. Vous avez dit champion ?

Derrière, Philipsen règle le petit groupe avec Van Aert, Pedersen, Küng, Ganna, tous cuits. Le malheureux Degenkolb arrive ensuite et s’effondre, en pleurs, conscient qu’il avait toute ses chances car il semblait être dans sa forme de l’année. Van Aert lui, semble abasourdi. Sa saison est pour le moment loupée, sans monument remporté. Il va devoir se relancer, et vite, pour retrouver une fraicheur mentale lui permettant de l’emporter. Il gagnera cette course, un jour, c’est certain. Mais comme le tour des Flandres, qu’il n’attende pas trop, au risque de finir très déçu.

Que se serait-il passé si il avait suivi Van Aert et Van der Poel se marquant mutuellement ? Et si Laporte, dixième, était resté aux côtés de Van Aert, changement de vélo immédiat…et autre destin de la course.

Vivement Paris-Roubaix 2024

Mais avec des si…on mettrait des Flamands dans leurs bouteilles de bière, dont un nombre sensationnel a été consommé en ce dimanche sur le bord de la route.

La saison des flandriennes est terminée. Place aux ardennaises. Bravo à tous les champions, à tous les chevaliers de la route. Ils font rêver. Ils donnent du bonheur à des gamins, à des gens de tous les âges, qui profitent, le temps d’une journée, d’un des derniers sports où l’on peut encore aller encourager gratuitement ses idoles sur le bord des routes. Des idoles qui pour la plupart ont des comportements irréprochables avec le public, avec leurs fans. Distribution de bidons, sourires, poignées de main…qu’elles sont loin les stars millionnaires (et pourtant il y a des millionnaires dans le cyclisme) inaeccessibles, hautaines, parfois méprisantes. Ces chevaliers de la route savent d’où ils viennent, et savent aussi que les champions de demain sont, possiblement, sur le bord des routes qu’ils parcourent à des allures démentielles en vibrant de tout leur corps sur les pavés (plutôt secs cette année).

Le soir arrive, la course se termine. Et avant même le lendemain, c’est déjà la gueule de bois. On refait la course, on voudrait que ça dure 300 bornes de plus (pas les coureurs). On se quitte les uns les autres, heureux de sa journée, mais tristes que ça soit la fin.

Et chaque spectateur n’a plus qu’une envie : se donner rendez-vous dans un an, sur les pavés, pour assister durant quelques heures à l’enfer du nord, qui porte bien son nom et qui restera à jamais une course de légende.

De notre envoyé spécial sur place

Crédit photo : Breizh-info.com (TDR)

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