La foule n’est pas légitime devant le Parlement !
Cette phrase m’a fait tressaillir. Je me posais depuis plusieurs semaines la question de la démocratie s’opposant à la souveraineté. Il y a quelques années, au cours d’un débat mettant en cause la nature de la Commission Européenne dont les membres ne sont pas élus, la notion de « démocratie transitive » avait été évoquée. Vieux souvenir de terminale, la transitivité était une des conditions de l’équivalence entre deux relations mathématiques.
Que le lecteur veuille bien me pardonner ces propos un peu abscons, que je vais tenter d’expliciter.
Prenons une relation simple : l’égalité entre deux nombres qui s’écrit: a = b.
La transitivité s’exprime ainsi : Si a = b et que b = c, alors a= c
Autrement dit, dès lors qu’il existe une personne élue démocratiquement, elle peut, au nom de la transitivité de la démocratie, étendre celle-ci à toute nomination de personne de son choix pour occuper n’importe quel poste ou fonction.
Ce qui est très significatif, c’est d’utiliser ce genre de raisonnement purement mathématique aux principes philosophiques qui nous permettent de vivre en société, même si le transhumanisme devient à la mode et que le GIEC (Groupe Intergouvernemental d’Etude du Climat) entend régler notre existence sur la foi de « modèles mathématiques » dont l’exactitude est souvent démentie par le temps. Les relations humaines ne sont ni prévisibles, ni quantifiables, malgré ce qu’en pensent certains dirigeants.
Une révolution et des manifestations illégitimes ?
Lorsqu’en juillet 1789, à Paris, une foule en colère s’est emparée de la Bastille pour la détruire, exécutant au passage le gouverneur Jourdan de Launay, il ne fait aucun doute que cette action n’avait rien de légitime. C’est pourtant devenu le symbole de la Révolution française dont on veut faire aujourd’hui le fondement de notre démocratie.
Dans l’histoire américaine, la révolte des colons contre l’Angleterre, qui naît le 16 décembre 1773, appelée depuis la « Boston tea party », est considérée également comme un acte fondateur de l’indépendance américaine. Au regard de la Loi, quelle légitimité a-t-elle ?
Plus récemment, les médias occidentaux ont salué comme une victoire de la démocratie les manifestations des Chinois qui protestaient contre les mesures sanitaires imposées par le gouvernement chinois. Étaient-elles légitimes ?
La Résistance était-elle légitime ?
A écouter notre président Emmanuel Macron, le gouvernement de Vichy, obtenu après le vote des pleins pouvoirs au maréchal Pétain, était parfaitement légitime, puisque résultant d’un vote parlementaire.
De ce fait, toutes les actions de résistances entreprises après, et ce jusqu’à la Libération étaient dès lors illégitimes. Le soulèvement de Paris en août 1944, n’était-il pas un mouvement de foule de gens aspirant à se débarrasser des occupants ?
Existe-t-il une seule révolte, voire un simple mouvement de foule, qui soit légitime ?
Et d’abord, pourquoi la légitimité ne saurait être contestée lorsqu’elle contrevient à l’aspiration d’une majorité ? Existe-t-il, oui ou non, une souveraineté populaire qui surplombe toute forme de légitimité ?
Quelque part, cela rejoint le « Je suis votre chef ! », argument définitif prononcé publiquement le 14 juillet 2017 à l’encontre du général de Villiers, alors Chef d’État-Major, lequel s’était simplement fait écho de la grogne des militaires devant le manque de moyens criant de nos armées.
Emmanuel Macron avait été élu à peine deux mois plus tôt et comment ne pas se remettre en mémoire les célèbres vers de Victor Hugo, tirés des « Feuilles d’Automne » ? « Et du premier consul, déjà par maint endroit, Le front de l’empereur brisait le masque étroit. »
Aveu d’impuissance ou mépris du peuple ?
Évoquer la légitimité ou l’ordre hiérarchique en place est-il une justification ou un aveu d’impuissance. Lorsque ces choses-là remplacent tout autre argument, où est le dialogue nécessaire ?
Que reste-t-il de l’élection présidentielle, vue par de Gaulle, faut-il le rappeler, comme une « rencontre entre un homme et un peuple » lorsque l’élu veut imposer ses décisions au nom de la légitimité ?
Comment le peuple qui, lui, pense que sa colère est justifiée, pourrait-il y voir autre chose que du mépris, et cette inflexibilité au nom de l’ordre établi n’est-elle pas la négation même de la volonté populaire ?
C’est tout le danger de ce qui apparaît aujourd’hui comme une sorte de « psycho-rigidité » qui peut murer un esprit dans sa propre certitude, lui interdisant ainsi toute relativisation des choses, quelque fois au prix d’une révolte dont les exactions risquent d’être beaucoup plus coûteuses que ce que l’on veut à tout prix préserver.
Jean Goychman
Précision : les points de vue exposés n’engagent que l’auteur de ce texte et nullement notre rédaction. Média alternatif, Breizh-info.com est avant tout attaché à la liberté d’expression. Ce qui implique tout naturellement que des opinions diverses, voire opposées, puissent y trouver leur place.
Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2023, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine
18 réponses à “La souveraineté l’emporte sur la légitimité [L’Agora]”
Il me semble irresponsable de voter pour quelqu’un qui a un programme et de lui demander ensuite de ne pas le respecter !
La démocratie c’est des élections libres et l’application des promesses électorales jusqu’aux prochaines élection.
Chère Mary, le problème est justement qu’il n’y avait pas de programme annoncé.
Cela rappelle peut-être une conférence de de Gaulle sur l’intégration européenne, dans laquelle il déplorait une absence de politique d’un éventuel fédérateur, en concluant de la façon suivante:
« Mais il se pourrait qu’il y ait un fédérateur qui ne soit pas européen et qui, lui, aurait une politique, et cela serait une toute autre histoire! »
Cette affaire est très révélatrice sur la forme, plus que sur le fond, car comment peut-on connaître à l’avance ce que seront les emplois des gens, ne serait-ce que dans 10 ans, en quantité comme en qualité?
Le monde connait actuellement un bouleversement sans précédent qui amènera très probablement la fin de la domination américaine et tout ce qui la caractérise,
Vouloir s’arc-bouter aujourd’hui sur quelque chose d’aussi « volatile » parait pour le moins inapproprié.
Ce qui est légitime, n’est pas forcement juste dans les faits, mais comme toute personne qui a gagné une élection avec un programme….il applique son programme. Quoi de plus normal. Doit-on déjà oublier que les gens ont voté pour lui….et son programme sur les retraites ?
La réponse est simple :
1 les électeurs ne lisent pas les programmes
2 Macron a été élu par défaut pour faire barrage au RN
Tout le reste n’est que ratiocinage.
Rappelez nous avec quel pourcentage il a été élu ?
quelle légitimité pour macron élu avec 38% des inscrits ??? ; il est théoriquement le président de tous et à ce titre doit tenir compte de ce que pensent tous les citoyens , même ceux qui n’ont pas voté ; dans ces conditions , il n’a pas à appliquer aveuglement un programme , dans lequel il apparait être en contradiction avec ce qu’il a déclaré auparavant ….courant chez lui …
Ce n’est pas un raisonnement mathématique qui est utilisé par nos gouvernants, mais un sophisme dont on sait qu’il est faux, le syllogisme :
« Tous les parlementaires représentent peuple. Or je suis un parlementaire, donc je suis le peuple. »
« Une foule en colère » pour attaquer la Bastille? Vous plaisantez, il s’agissait d’émeutiers armés qui avaient dévalisé une armurerie. Un groupe d’assassins, si vous préférez. Il suffit de voir la suite de la Révolution française, dont la liste des crimes s’est allongée indéfiniment.
D’après mes sources, c’est surtout le fait que les canonniers aient rejoint les émeutiers qui a fait basculer l’affaire. C’étaient peut-être des assassins, mais leur crime est devenu un haut fait d’armes que nous commémorons chaque année par notre fête nationale…
« Que nous commémorons » ? Moi, non, et tous les Amis royalistes de France et de Bretagne non plus. Notre véritable Fête Nationale est le 15 août, fête de l’Assomption de Notre-Dame. N’oublions pas l’acte de consécration signé par le roi Louis XIII.
Il y a du vrai dans tous les exemples que vous citez. Mais pas seulement du vrai. Vous illustrez le concept de transitivité en passant subrepticement de la « foule » au « peuple ». Déjà, ça n’est pas la même chose ! Mais c’est surtout sur le concept de « légitimité » que vous devriez vous interroger. Vous citez des exemples de « légitimité » en les considérant apparemment comme allant de soi. Mais cette légitimité a été acquise a posteriori, jamais le jour même. En quoi l’émeute du 14 juillet 1789 était-elle plus « légitime » que celle du 6 février 1934 ? En ce qu’elle a abouti à un renversement de « ce qu’on appelle légitimité ». Mais cette légitimité n’est pas dans la foule en soi : elle est dans le nouveau régime issu des événements. « La force prime le droit », comme disait, paraît-il, Bismarck, mais il faut ajouter : « dans la mesure où la force l’emporte ».
Légitimité est comme liberté, égalité et fraternité : un concept abstrait, utilisé par les plus forts pour se donner bonne conscience, mais qu’un exercice intellectuel simple permet de tordre dans tous les sens.
Bonjour Pschitt
« En quoi l’émeute du 14 juillet 1789 était-elle plus “légitime” que celle du 6 février 1934 ? »
Rien au départ, mais l’histoire est toujours écrite par les vainqueurs, quelquefois longtemps après.
Le 6 février 1934, les manifestants n’ont pas voulu franchir le pont au-dessus de la Seine qui les aurait conduit à la Chambre des Députés, peut-être pour un nouveau 18 brumaire?
La conséquence à été le front populaire, et le 6 février 34 est entré dans l’Histoire comme une heureuse défaite de l’extrême-droite, diabolisée à jamais.
Oui, vous avez raison. Il y avait des militants nationalistes dans la rue, le 6 février 1934, mais aussi des communistes. Mais c’est la Gauche qui écrit l’histoire.
Est légitime toute révolte qui réussit. C’est sa réussite dans les faits, sa stabilité victorieuse dans le temps puis sa transformation en régime légal par l’adoption d’une constitution qui est la preuve qu’elle était légitime même si elle était illégale nécessairement à la base. Un peuple souverain possède de façon innée le pouvoir constituant originaire (droit des peuples à disposer d’eux mêmes). Mais si la constitution l’empêche d’exercer ce pouvoir en révisant ou en remplaçant la Constitution , le peuple se retrouve légitimé à entrer en rébellion pour récupérer l’exercice de son pouvoir. De la même manière, si le gouvernement en place empêche le peuple souverain (article 3/1958) d’exercer son droit de s’exprimer par referendum, il est privé du droit d’exercer son droit inné, alors la révolte devient légitime sinon légale puisqu’elle s’appuie sur la souveraineté du peuple qui elle légitime la constitution. La souveraineté du peuple est antérieure à la constitution qui n’est que l’outil juridique permettant aux citoyens d’organiser le pouvoir dans l’Etat.
Pourquoi pas?
Mais vous oubliez qu’il ne s’agit pas d’un dyptique (souveraineté / légitimité) mais d’un tryptique= souveraineté / légitimité / légalité.
Ce qui est légitime peut devenir illégitime en ne devenant que légal.
La loi du plus fort est toujours la meilleure. Si la foule parvient à tordre le bras du pouvoir, bizarrement elle devient le peuple souverain, toute notre histoire repose là dessus. Ce qui est vraiment étrange c’est que pour la première fois, le sale type qui nous sert de président a fait la distinction entre les deux, repris comme il se doit à l’unisson par les médias aux ordres. Il nous parle de légitimité des élus sans jamais leur donner la parole en usant de tous les subterfuges pour passer en force. Dans son bunker eliséen il se pense à l’abri de cette foule qu’il honnit. Il devrait pourtant se souvenir de Nicolae Ceaușescu qui lui aussi se croyait intouchable avec son épouse et qui on finis comme l’on sait en 1989, le jour de noël. Manu, Brigitte, vérifiez-bien le plein de l’hélicoptère, vous risquez d’en avoir besoin sous peu….
la démocratie , c’est l’expression du pouvoir par le peuple et pour le peuple ; les institutions sont là pour mettre en oeuvre ce principe ; le peuple sera toujours légitime devant ces institutions manipulées par les zélites .
Le niveau d’abstention à cette élection ne le rend pas si légitime que ca notre Jupiter de pacotille ! Aditionnons les votes des groupes politiques aux extrêmes des centros/ godillots et on se rend compte qu’il n’est pas si majoritaire que cela. Ce constat , vaut aussi pour beaucoup des élus , qui font et votent des réformes et des lois sans qu’eux mêmes n’est toutes la légitimité populaire pour le faire . Oui le peuple est souverain ! Et oui son droit à l’expression est légitime ! Quand on voit les petites magouilles , tambouilles , reniements en tous genres dans les deux hemycles, on ne peut qu’être dubitatif sur la sincérité de tous ces représentants qui se disent du peuples .