Maurice Leblanc n’avait jamais précisé les origines d’Arsène Lupin, son héros gentleman-cambrioleur. Une nouvelle bande dessinée imagine sa jeunesse en Bretagne.
1888. A l’âge de 12 ans, le jeune orphelin Arsène assiste à l’assassinat de Théophraste Lupin, professeur de savate qui l’avait recueilli. Les juges décident de l’envoyer à la Haute Boulogne, sinistre maison de redressement à Belle-Île-en-Mer. Malgré les conditions extrêmement difficiles, cet adolescent généreux et courageux ne se laisse pas envahir par le désespoir. C’est dans ce bagne pour jeunes garçons que débutent les aventures d’Arsène Lupin. Des rumeurs d’étranges disparitions planent sur ce bagne : vingt gamins sont disparus en trois ans, soi-disant en mer ! Un journaliste vient enquêter sur les sévices fréquents infligés aux adolescents ainsi que sur les étranges disparitions. Arsène tente de s’évader pendant une échauffourée entre les pensionnaires et les policiers. Rattrapé, il est enfermé dans une cellule. Mais sur le port de Vannes, le Comte Perceval de la Marche, survivant de la bataille de Camerone, apprend les conditions de détention des jeunes. Arsène est libéré grâce à l’intervention du Comte, qui lui assurera la formation rigoureuse d’un gentleman ainsi que les sports de combat. Celui-ci place tous ses espoirs en Arsène pour reprendre la lutte que sa noble famille mène depuis des années contre la Confrérie des Lombards, qui gouverne le monde en coulisses…
Les scénaristes Pierre Deschodt et Benoît Abtey imaginent l’adolescence d’Arsène Lupin. Ils montrent que les valeurs qui feront d’Arsène un gentleman cambrioleur sont déjà bien ancrées en lui. Benoît Abtey explique que « d’Artagnan et Lupin sont deux visages de la France. Ces héros représentent notre pays. Avec Astérix, nous n’avons pas d’autres figures qui portent mieux nos couleurs jusqu’au bout du monde. Ils incarnent des valeurs nationales : l’audace et la liberté, l’indépendance et la témérité. Ils ont encore dans leurs attitudes, leurs poses, une certaine grandiloquence, qui est du lyrisme en action… J’aime l’idée de ces héros positifs qui pratiquent l’ironie et demeurent élégants en toutes circonstances. Ils ont du style. Ils aiment en faire trop, ils affectionnent la bravade, le coup de pique, ils sont irrévérencieux, insolents et frondeurs. Je crois que ce sont ces caractéristiques qui les rendent si attachants, si populaires et qui fondent la marque de fabrique du génie tricolore : un mélange de profondeur et de légèreté, un dynamisme sanguin, un côté sabre au clair et en même temps désillusionné ».
Les scénaristes ont également soigné les dialogues. Le Comte n’utilise ainsi qu’un vieux français distingué.
Cette bande dessinée présente également l’intérêt de rappeler l’ancien bagne des enfants de Belle-Ile. En juin 1848, le Génie militaire construit les bâtiments de Haute-Boulogne, jouxtant la citadelle, pour y recevoir des détenus politiques. L’Etat français y crée, en 1880, une colonie pénitentiaire d’éducation surveillée. Ces bâtiments rassemblent des réfectoires, une buanderie, des ateliers, une chapelle, un quartier disciplinaire de vingt cellules et les dortoirs. Cette colonie à vocation navale accueille de jeunes détenus. La discipline est extrêmement sévère. Brimades, corvées et violences y sont courantes. Un soir d’août 1934, un des enfants ayant été roué de coups pour avoir mordu dans un morceau de fromage avant de manger sa soupe, une émeute éclate, suivie de l’évasion de 55 pensionnaires. L’année 1940 marque la fin officielle des « bagnes d’enfants ». La colonie de Belle-Île devient alors un Institut public d’éducation surveillée qui fonctionnera encore quelques années. En 1945, l’institut est évacué. Mais Haute-Boulogne est réouvert pour accueillir des mineurs coupables d’avoir appartenu à la Milice sous l’Occupation. Transformé en internat de formation professionnelle pour garçons de 14 à 16 ans, l’établissement a été fermé définitivement au milieu des années 1980.
Le dessin réaliste et très expressif de Christophe Gaultier, au trait nerveux et énergique, met en valeur l’enfance difficile d’Arsène Lupin. La colorisation de Marion Galopin est également soignée.
Arsène Lupin, Les origines, tome 1 Les disparus, 13,50 euros, Editions Rue de Sèvres.
Photo : DR
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