Dans les années 1990, le Portugal a été confronté à une épidémie de drogue de très grande ampleur. Du genre qui remet en cause la survie d’un pays. En 1995, l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT), indiquait que 12,4 % des adultes portugais avaient consommé du cannabis au moins une fois dans leur vie, tandis que 1,5 % déclarait avoir consommé de l’héroïne. Chez les jeunes de 15 à 24 ans, la consommation de cannabis était encore plus répandue, 27,7% d’entre eux déclarant en avoir consommé au cours de leur vie. Le nombre de décès liés à la drogue au Pays Bleu a même atteint un pic de 369 décès en 1999. Soit un taux de 3,5 décès pour 100 000 habitants, l’un des plus élevés d’Europe à l’époque.
Cependant, au lieu de poursuivre les politiques traditionnelles de lutte contre la drogue, telles que la prohibition, la stigmatisation et les sanctions pénales qui ont le succès que tout un chacun peut constater en se promenant dans n’importe quelle grande ville, le Portugal a mis en œuvre à partir de 2001 une approche originale axée sur la réduction des risques et le traitement plutôt que sur la punition. Cette nouvelle politique, même si elle n’a pas été le succès total présenté par les thuriféraires de la dépénalisation, a permis de réduire drastiquement l’usage et les méfaits de la drogue au pays de la morue sous toutes ses formes.
En premier lieu, le Portugal a changé sa vision des consommateurs de drogues. Ils ne sont plus considérés comme des criminels mais comme des malades. Ce qu’ils sont. C’est ce changement de prisme qui a justifié de décriminaliser la consommation et la possession de drogues pour usage personnel. Dans le cadre de cette politique, les personnes prises en possession de petites quantités de drogue sont renvoyées devant une « commission de dissuasion » plutôt que devant un juge. La commission est composée d’un expert juridique, d’un professionnel de la santé et d’un travailleur social, qui évaluent la situation de la personne et lui fournissent des informations et un soutien, y compris l’accès à des services de traitement si nécessaire. L’objectif est de s’attaquer aux causes profondes de la consommation de drogue, plutôt que de punir les individus pour leur consommation.
Dans les faits, cette politique a permis de réduire les dégâts de la drogue au Portugal. Selon l’OEDT, les overdoses mortelles ont chuté à 30 décès par million d’habitants en 2019, soit l’un des taux les plus bas d’Europe. De plus, cela permet d’éviter des scènes semblant sorties de films de zombis comme on peut en voir actuellement aux Etats-Unis où la crise des opiacée est en grande partie responsable de la chute de l’espérance de vie de ces dernières années dans le pays le plus puissant du monde.
Ensuite, le Portugal a également mis en œuvre une série de mesures de réduction des risques visant à atténuer les conséquences négatives de la consommation de drogues. Ces mesures comprennent la fourniture d’aiguilles et de seringues propres, le traitement de substitution aux opiacés et l’accès aux services de traitement de la toxicomanie. Ainsi, La Lusitanie a pu réduire la transmission du VIH et d’autres maladies transmises par le sang, ainsi que les dommages causés par la consommation de drogues injectables.
Enfin, le Portugal a mis l’accent sur la prévention et l’éducation. Des programmes visant à prévenir la consommation de drogues chez les jeunes ont notamment été déployés en milieu scolaire. Ceci a permis une sensibilisation des jeunes et des initiatives de prévention communautaires. La drogue est désormais considérée comme un symptôme et non une cause. La lutte contre la pauvreté, l’exclusion sociale, le manque d’éducation et de possibilités d’emploi pour les jeunes a endigué une consommation de drogues qui détruisait les forces vitales de la nation portugaise.
Les chiffres sont clairs. Selon l’OEDT, le pays des Œillets a l’un des taux de consommation de drogue les plus bas d’Europe, avec 7,5 % des adultes déclarant avoir consommé des drogues illicites au cours de l’année écoulée. Ce chiffre est nettement inférieur à la moyenne européenne de 14,3 %. En outre, le Portugal présente des taux de séquelles liés à la drogue, notamment les décès, la transmission du VIH, hépatite B et C et la criminalité liée à la drogue, inférieurs à ceux de nombreux autres pays européens. Dans les faits, le budget de lutte contre la drogue a été considérablement augmenté en passant de 18 millions d’euros en 1995 à 87 millions en 2019 mais cela libère du temps aux policiers pour qu’ils fassent autre chose, et allège les couts de santé et permet le retour au travail d’ex toxicomanes. Bref, les portugais sont gagnants sur toute la ligne.
Tout n’est pas totalement rose pour autant, et comme partout, la consommation de drogue reste encore très importante. 7,5 % des adultes portugais déclare avoir consommé une drogue illicite au cours de l’année précédente. Le cannabis est la drogue la plus couramment utilisée, avec 6,6 % des adultes, suivi par la cocaïne (1,1 %) et la MDMA/ecstasy (0,9 %).
Chez les jeunes de 15 à 24 ans, la consommation de cannabis reste la plus répandue, 17,2 % d’entre eux déclarent encore en avoir consommé au cours de l’année écoulée. Cependant, on observe une baisse significative de la consommation d’héroïne dans cette tranche d’âge, passant d’un pic de 3,1 % en 2001 à 0,3 % en 2019.
Pour ce qui est de la cocaïne, 3,3% des jeunes adultes âgés de 15 à 34 ans déclarent en avoir consommé au cours de l’année écoulée.
De plus, cette dépénalisation n’empêche pas le commerce même si les dealers sont toujours pourchassés et les mafias peuvent donc continuer à faire leur beurre sur la santé des consommateurs.
C’est donc un succès en demi-teinte pour le Portugal. Mais dans ce domaine comme dans d’autres, une petite victoire ne vaut-elle pas mieux qu’une grande défaite ?
Woland
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