Pour surmonter la crise, l’Union européenne doit moins dépendre des États-Unis

Alors que la crise de sécurité et l’instabilité énergétique s’aggravent en Europe, principalement en Allemagne, l’impossibilité de poursuivre le modèle européen actuel d’alignement automatique sur la politique étrangère américaine devient de plus en plus évidente. La rivalité entre les États-Unis et la Russie, à laquelle les États européens adhèrent passivement, porte gravement atteinte aux intérêts de l’UE et fait peser une grave menace sur l’ensemble du bloc.

L’Allemagne est le pays le plus important économiquement pour l’UE et en même temps le plus dépendant de la Russie. Sans aucune souveraineté énergétique et dépendant du partenariat avec Moscou pour l’approvisionnement de son marché intérieur, Berlin a cherché pendant des décennies à entretenir des relations pragmatiques avec la Russie, capables de dépasser toute rivalité politique ou idéologique, visant exclusivement le bien-être du peuple allemand et de l’économie locale. Mais cette position a été complètement abandonnée.

Aux premiers jours de l’opération militaire spéciale russe en Ukraine, l’Allemagne a été le premier pays à tenter de résister d’une manière ou d’une autre à la pression américaine en faveur de sanctions, du moins en ce qui concerne l’énergie. Mais le gouvernement Scholz a été absolument incapable de résister à la pression de Washington et a rapidement « capitulé », favorisant la stratégie anti-russe américaine et nuisant aux intérêts allemands.

De toute évidence, sans l’énergie nécessaire pour alimenter son industrie, les effets négatifs ont déjà commencé à se faire sentir en Allemagne, mais la situation ne fera qu’empirer à mesure que l’hiver se fera plus rigoureux en Europe. Avec des prix de l’énergie élevés et aucune perspective d’amélioration à court terme, ainsi qu’une forte crise de légitimité avec des manifestations de masse constantes, le pays est véritablement plongé dans une crise grave dont les conséquences dépassent les frontières nationales, puisque, avec la plus grande économie européenne affaiblie, c’est toute l’UE qui est touchée.

Cependant, l’énergie et l’économie ne sont que quelques-uns des problèmes auxquels Berlin est confronté. L’adhésion de l’Allemagne aux sanctions américaines n’est pas la seule attitude anti-stratégique du gouvernement, qui s’est également efforcée de devenir l’un des principaux fournisseurs d’armes de l’Ukraine au point de causer des dommages irréversibles aux réserves militaires nationales.

Avant l’opération russe en Ukraine, les experts militaires signalaient déjà fréquemment l’obsolescence de l’appareil militaire allemand et son incapacité à défendre le pays, dont le seul espoir dans une éventuelle situation de conflit serait de compter exclusivement sur la « bonne volonté » de ses partenaires de l’OTAN. Aujourd’hui, avec Berlin qui envoie ses quelques armes à Kiev et avec une industrie affaiblie par la crise énergétique, incapable de continuer à reconstituer ses stocks, la situation est encore plus désespérée, plaçant l’Allemagne à un niveau très sérieux de soumission aux États-Unis.

L’arrivée au pouvoir il y a un an d’Olaf Scholz a marqué le déclin de toute participation allemande à la proposition d’une Europe « souveraine ». Auparavant, Angela Merkel était un défenseur actif de l’augmentation de l’autonomie politique de l’UE, malgré ses liens étroits avec les États-Unis. Merkel est même devenue le principal partenaire d’Emmanuel Macron lorsque le président français a annoncé dans son discours de la Sorbonne le projet de réaliser une « souveraineté européenne ».

En tant que politiquement stable et considérée pendant des années comme le leader « de facto » de l’UE, Merkel a essayé de faire de l’Allemagne le pilier économique d’une Europe plus indépendante par rapport aux États-Unis. Macron est apparu comme un allié important, compte tenu de la puissance militaire de la France – ayant même proposé la création d’une armée européenne en dehors de l’OTAN. Ainsi, les deux pays réunis auraient les conditions pour mener un nouveau changement dans le bloc, faisant de celui-ci un allié plus « distant » des États-Unis, défendant ses propres intérêts sans alignement automatique. Mais la fragilité du gouvernement Scholz a empêché tout processus dans cette direction.

La faiblesse et l’impopularité de Scholz ont amené son gouvernement à accepter passivement les impositions étrangères et à intensifier sa participation au conflit ukrainien, nuisant ainsi à sa propre économie et à son peuple. Plus que cela, Scholz a accepté passivement l’humiliation imposée par l’Occident lors des attaques contre les pipelines Nord Stream. Plusieurs rapports de renseignement indiquent l’implication des États-Unis, du Royaume-Uni et de la Pologne dans le sabotage, et malgré cela, l’Allemagne reste inerte et soumise.

Ces événements ont entravé toute idée de « souveraineté européenne ». L’Allemagne n’a pas été en mesure de jouer un rôle de premier plan dans la gestion d’un nouvel avenir pour le bloc européen et s’est consolidée au cours des douze derniers mois comme un État satellite américain, reflétant également sa soumission à d’autres États européens, économiquement plus faibles, qui n’avaient pas d’autre posture que d’augmenter l’alignement automatique irrationnel avec les États-Unis.

En conséquence, l’Europe perd l’opportunité de devenir un bloc indépendant au milieu de la montée d’un monde multipolaire. À un moment donné dans un avenir proche, les dirigeants européens tenteront de revenir sur les erreurs commises actuellement, mais ils trouveront cela beaucoup plus difficile. Affaiblie, l’OTAN dirigée par les États-Unis deviendra plus réactive et agressive à l’avenir, cherchant à conserver toutes les zones d’influence qu’elle possède encore. Et, comme Washington l’a déjà fait comprendre avec les attaques du Nord Stream, le sabotage et l’agression sont des options possibles pour forcer l’Europe à maintenir sa position de soumission.

Lucas Leiroz (Infobrics)

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2022, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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10 réponses à “Pour surmonter la crise, l’Union européenne doit moins dépendre des États-Unis”

  1. Pschitt dit :

    Il ne vous a pas échappé, n’est-ce pas, que le signataire de cet article se présente lui-même sur Twitter comme un « journaliste brésilien travaillant pour des médias russes et chinois ». Ici, il est l’auteur d’un texte pour InfoBRICS, l’un des sites d’InfoRos, organe de propagande russe connu depuis des années.

    • Decrop Xavier dit :

      Je suis heureux de pouvoir entendre « Le camp d’en face », qui ne s’en cache pas : les BRICS multipolaires contre l’Hegémon USA. Qu’au nous puissions choisir, et en connaissance de cause !
      La propagande, c’est quand un seul discours est autorisé : n’est-ce pas le cas chez nous, aussi ?
      Cette « mise en faisceau » des esprits par leur martellement médiatique coordonné est la définition même du fascisme, et sa déclinaison actuelle. Le langage comme outil de pouvoir !
      J’espère que nous allions vers une troisième option, qui postulera la nécessité d’une pluralité des points de vue, et restituera au langage sa fonction : explorer le monde de la place particulière que chacun y occupe, et s’enrichir dans l’échange inter-Humain !

    • Toto dit :

      Quand un messager envoie un message sur lequel vous ne voulez pas argumenter, il suffit de dire que c’est un « nazi » pour le deconsiderer et l’etiqueter. Donc, afin que je puisse me faire une idée critique sur le FOND, pouvez vous argumenter sur le fond de son message ? Les débats et forums dans lesquels on invective l’adversaire en ne répondant pas à son message de fond, c’est pénible. En l’état actuel, connaissant ses arguments et pas les vôtres sur le FOND, et en bottant en touche en dénigrant le messager, je ne vois pas pourquoi je devrais plus vous croire vous que lui, alors que vous n’avez pas donné votre avis sur le sujet: à vous donc, de débattre sur le FOND, plutôt que de tuer le messager, ça ne marche plus… Debattez!

      • Pschitt dit :

        Je suis sûr que vous n’avez pas besoin de moi pour décrypter les biais propagandistes d’un article qui reprend les éléments de langage poutiniens, à commencer par « l’opération militaire spéciale » en Ukraine et à finir par l’imputation du sabotage de Nord Stream à Washington (c’est du domaine du possible mais où sont les preuves qui permettent à ce monsieur de transformer une hypothèse en affirmation, sans parler de l’objectif qu’il assigne à une telle opération ?).

  2. Franck dit :

    Les Américains ne sont pas nos amis, ils clament America first à qui veut bien les entendre, les Allemands non plus, ils font passer leurs intérêts avant ceux des autres, et ils ont raison, il n’y a que nous les Français, les dindons de la farce, qui persistons à croire que nous vivons dans un monde de bisounours

  3. Prétet Yvette dit :

    Je reprends l’expression de Franck:  »Il n’y a que nous, les Français, les dindons de la farce »…En effet: chaque année nous payons 28 milliards d’euros à l’Europe et nous n’en recevons 14 ou 15 milliards!…Le déficit de notre commerce extérieur (octobre 2022)cumulé sur 12 mois est de154 milliards d’euros, etc…Nous sommes gouvernés par des incapables qui sont des marionnettes et détruisent le peuple français!

  4. prigent dit :

    @Pshitt, Les USA, spécialistes de sabotage de pipeline sous-marin.

    Sabotage du Nord Stream (Ref: Wikipédia)
    « États-Unis
    Les États-Unis sont l’un des rares pays à être en mesure de détruire des pipelines adverses et à l’avoir déjà fait par le passé. En janvier 1982, alors que l’URSS utilisait ses immenses revenus gaziers pour financer sa guerre en Afghanistan, le président américain Ronald Reagan ordonne la destruction d’un gazoduc soviétique reliant la Sibérie à l’Europe. L’opération de sabotage fut mise en œuvre par la CIA à l’été 1982, causant la plus grande explosion non-nucléaire visible depuis l’espace28. L’année suivante, la CIA conduit une opération similaire au Nicaragua, où les États-Unis cherchaient à renverser le gouvernement en place à l’aide des Contras, détruisant l’oléoduc de Puerto Sandino (en), vital pour l’économie du pays29.

    Le 7 février 2022, soit deux semaines avant le début de l’invasion russe de l’Ukraine, le président américain Joe Biden déclare, au cours d’une conférence de presse conjointe avec le chancelier allemand Olaf Scholz, que « si la Russie envahit […] l’Ukraine […] alors il n’y aura plus de (gazoduc) Nord Stream 2. Nous y mettrons fin. […] Je vous le promets, nous serons en mesure de le faire »30.

    Le 27 septembre 2022, l’ancien ministre polonais des Affaires étrangères et parlementaire européen Radek Sikorski tweeta une photo de la fuite de gaz accompagnée du commentaire « Merci, les États-Unis », avant d’effacer ce tweet le surlendemain31.

    Le 4 octobre 2022, l’économiste américain Jeffrey Sachs déclara que Washington, peut-être avec Varsovie, était « très probablement » derrière l’attaque32,33. »

  5. patphil dit :

    toutous des états unis, pour mieux se faire manger économiquement , on n’entend pas trop les écolos protester contre les fumées de centrales à charbon allemandes ou ‘achat (quatre fois le prix fixés par les usa pour leurs industries) etc.

  6. Pschitt dit :

    prigent, j’admire la foi que vous accordez aux propos du président Biden. Cependant, comme vous le savez sans doute, il n’est pas d’usage d’annoncer officiellement une future opération clandestine. En revanche, cette phrase du président américain permettait à un saboteur non américain de pratiquer une inversion accusatoire (c’est pas moi c’est lui). Vous me suivez ou ça vous paraît trop compliqué ?

  7. Geraldine Claise dit :

    Poutine est d’accord pour fournir du gaz à bas prix pour entre autre fabriquer des engrais… mais le pantin Macron ne peux pas accepter pour se soumettre à l’OTAN…

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