Le mouvement politique breton est au plus bas. C’est un fait. Pour expliquer cela, les pistes d’analyse ne manquent pas : en premier lieu une sur-représentation des 50 nuances de gauchisme au sein de « l’Emsav ». Au jour d’aujourd’hui, on s’y perd effectivement un peu entre les 5 ou 6 formations censées représenter l’extrême-gauche indépendantiste, sachant que chacune d’entre a plongé dans le wokisme le plus « délirant-e », entre djellaba et femmes à barbe, abandonnant, par la même, les préoccupations et les intérêts de la classe ouvrière bretonne.
A droite, le militantisme breton ressemble à une morne plaine : le Parti Breton, bien seul, oscille entre pusillanimité et inaction chronique et aucune formation n’occupe l’espace laissé plus à droite par Adsav.
Reste l’UDB, qui hésite entre le ridicule wokiste et le sérieux institutionnel. Heureusement, son sectarisme habituel « de gôche » lui empêche d’engranger le moindre bénéfice de cette débandade générale.
Au Pays Basque nord, la situation a toujours été autre. Alors que les militants bretons de gauche s’évertuent à suivre toutes les modes qui passent et s’évertuent à ne surtout pas être en phase avec la population, l’abertzale basque est solidement implanté au sein du peuple basque.
Jakes Abeberry était de cette race. Il vient de mourir à l’âge de 92 ans.
Militant basque avant d’être du centre (il fut un temps allié à Borotra…) ou « de gôche » (…tout en étant proche d’ETA), Jakes Abebeberry était né dans un famille profondément catholique et profondément laïque. Père boulanger et ancien Croix de feu, mère institutrice à l’école publique, le biarrot choisira pourtant la voie artistique en étant danseur et chanteur puis directeur théâtral à 20 ans.
En Bretagne, Jakes Abeberry était connu pour avoir fondé Enbata, qui était un mouvement politique avant d’être un journal. Il fut également l’un des signataires de la charte d’Itxassou d’avril 63 qui proclamait le droit du peuple basque à la souveraineté. Grande première à l’époque, puisque, rappelons-le, les 7 provinces basques, n’ont jamais constitué un état et la prise de conscience « araniste » au sud dès le 19è siècle n’est arrivé que tardivement dans les trois provinces du Nord. La charte d’Itxassou, dont une stèle rappelle le souvenir, aura véritablement posé les bases du mouvement abertzale en Ipparalde, le Pays Basque nord.
Elu de 1983 à 2014 au conseil municipal de Biarritz, Jakes Abeberry aura contribué à l’essor culturel de la ville et du Pays Basque nord tout entier, créant même la médiathèque de sa ville et se battant pour qu’un fonds « basque » puisse être accessible. Il aura également lutté, en vain, pour la construction d’un lycée Seaska à Biarritz (lycée en langue basque). Le seul lycée par immersion existant à ce jour étant le Bernat Etxepare Lizeoa de Bayonne.
Pragmatique et éloigné des lubies anti-entreprise dont le mouvement breton est, lui, friand, il aura participé à l’aventure Sokoa, une coopérative « abertzale », et surtout aura toujours mis le développement économique au coeur de la revendication abertzale. Au mot « nationaliste », Abeberry préférait le mot « abertzale », dans une perspective très « citoyenne du monde » hélas.
Cette naïveté sur l’éternelle vieille lune « citoyenne » de la gauche 90’s ne doit pas ternir l’image du basque bondissant. Car éternel militant de la langue basque, de la culture basque, des arts, du champ et de la danse, Jakes Abeberry savait que ces thèmes dépendaient des avancées institutionnelles que la France pourrait céder au « petit » Pays Basque nord. Et c’est en cela qu’il milita toujours sur les deux tableaux. Avec force et conviction et un sens affirmé du discours public. Discours que du Pays Basque à la Bretagne en passant par la Catalogne, tous les amoureux d’Euskal Herria pouvaient lire chaque semaine dans son célèbre éditorial du journal Enbata.
Jakes Abeberry laisse derrière lui deux enfants et neuf petits-enfants et arrières petits-enfants.
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Une réponse à “Euskadi (Pays Basque). Jakes Abeberry : mort d’un abertzale”
Nola izan daiteke ezkertiarra eta abertzalea?
(Comment peut-on être de gauche et nationaliste ? / Come si può essere di sinistra e nazionalisti?)*
*Posté depuis l’Italie du nord.