Dans cette chronique hebdomadaire, je vous proposerai des recettes originales et historiques, réconciliant ainsi deux aspects de ma personne, celle d’historien et celle patron de bistrot. Elles seront faciles à réaliser mais surtout liées à l’histoire d’un territoire ou de grands hommes. La gastronomie traditionnelle raconte une terre, des traditions, elle s’inscrit donc dans l’idée d’un combat identitaire, soulignant les diversités qui nous sont chères d’une région à une autre, écologique, travaillant des produits locaux et de saison, et éthique, réduisant au maximum le gaspillage et s’opposant au modèle uniformisé du fast food.
« Vive le vieux vin de Vigne, le vieux vin gaulois ! »
Une bulle de BD m’a récemment fait sourire, tu prends « la bidoche » locale, quelques légumes de saison et la gnôle locale, tu mets tout ça dans un faitout, tu laisses mijoter 3 ou 4 heures et tu obtiens la spécialité locale. Alors aujourd’hui nous parlerons d’une recette où la bidoche sera des joues de bœuf et la gnôle sera tout simplement le Barolo, « le vin des Rois, le roi des vins,», et nous cuisinerons un « Brasato al Barolo ».
Lorsqu’il y a 2500 les « Ligures » peuple du nord de la Péninsule plantèrent les premières vignes sur les collines des « Langhe », ils ne pouvaient certainement pas imaginer qu’un jour sur ces mêmes terres serait produit l’un des meilleurs vins au monde, le Barolo. Quelques siècles plus tard les Gaulois, grand amateur de vin ne se trompèrent pas sur la qualité de ces vignes lorsqu’ils conquirent, ce qui est aujourd’hui le P-Piémont. Ils étendirent la production qu’ils vendaient à leur voisins plus au sud, les Romains. Ces derniers en plein phase d’expansion ne tardèrent pas à conquérir à leur tour ces terres fondant au passage la ville d’Alba (alors Alba Pompeia). On raconte que Jules César revenant de la conquête de la Gaule, peu de temps avant de franchir le Rubicon, fit rapporter à Rome des centaines de litres de ce vin rouge alors légèrement doux et pétillant à la différence du Barolo moderne. Le Barolo est produit à partir du Nebbiolo, cépage autochtone dont le nom vient du fait qu’il est vendangé très tardivement, en général fin octobre, lorsqu’au petit matin les collines sont recouvertes de brume (Nebbia en Italien). La première source écrite nommant le Nebbiolo date de 1268 sur des parchemins conservés dans les archives du château de Rivoli.
La véritable notoriété du Barolo date pourtant de 1751 lorsqu’un groupe de diplomates du Piémont expédia à Londres des barriques de « Barol ». Le succès fut immédiat au sein de la bonne société britannique et même Thomas Jefferson, futur Président des Etats-Unis, alors en voyage, cita dans ses carnets le nectar des Langhe. Il écrivit ainsi, « il est moelleux comme un Bordeaux et vivace comme un Champagne » car n’oublions pas, à l’époque le Barolo est encore un rouge sucré et pétillant.
« Vinum regum, rex vinorum »
Le Barolo tel que nous le connaissons maintenant nait au XIXème siècle grâce au travail du Marquis Falletti qui engagea sur conseil de son épouse Juliette Colbert de Maulévrier, un œnologue Français Louis Oudart. L’arrière petite fille du ministre de Louis XIV se passionna pour ce vin et continua d’acquérir de nouvelles vignes même après la mort de son époux en 1838. Oudart appliqua les techniques de vinification utilisée en France et créa un vin sec et puissant. Le Barolo nouvelle version conquit très vite les meilleurs tables. Le Roi Albert de Savoie s’en fit le promoteur auprès des grands de toute l’Europe. Juliette fit ainsi expédier 325 chars chacun contenant une barrique de Barolo au roi, une par jour de l’année à l’exclusion des 40 jours du Carême afin que lui et ses proches puisse chaque jour déguster ce nectar. Ainsi à la cour de Turin le Barolo devint « le vin des rois, le roi des vins ».
L’autre grand promoteur du Barolo fut Camillo Benso, comte de Cavour, futur premier ministre après la réunification Italienne. Lui aussi producteur, il proposait son vin dans chaque réunion politique. Ainsi en 1861, alors que l’on fête l’Unité nouvelle de L’Italie, le Barolo fut au centre des célébrations. Le nouveau Roi Victor Emmanuel II étant lui aussi propriétaire de vignes dans les Langhe, il en était évidemment ravi. Le vignoble du Barolo obtiendra le label DOC en 1966 et DOCG en 1980 régulant ainsi avec une grande rigueur les caractéristiques du vin. Onze communes se partagent le vignoble dont la commune de Barolo bien sûr. Avant d’être vendu le Barolo doit vieillir au moins 3 ans dont 18 mois en fut de chêne (5 ans pour les « Riserva »). Excellent vin de garde, il accompagne à merveille des viandes rouges ou du gibier et bien sûr l’incomparable truffe d’Alba. On peut le cuisiner ce sera l’objet de notre recette « le brasato al barolo ».
Ingrédients : 2 joues de bœuf (environ 1kg) coupées en deux parties égales soit 4 morceaux. Un litre de bouillon de bœuf, une bouteille de Barolo, un verre de Marsala (vin blanc doux), 20 gr de vinaigre balsamique, 20gr de sucre semoule, 4 clous de girofle, 2 gousses d’ail, 3 baie de genièvre, 2 carottes, 2 oignons, 2 feuilles de laurier, un petit morceau de bâton de cannelle, une branche de romarin, huile d’olive, gros sel et poivre en grains.
Lavez et taillés vos carottes en rondelles et émincez vos oignons et l’ail. Salez vos morceaux de viande à l’aide du gros sel. Dans un grand faitout faite revenir les joues dans 30 grammes d’huile d’olive puis ajoutez le romarin, les feuilles de laurier, le genièvre, les clous de girofle, quelques grains de poivre et l’ail, les carottes et les oignons. Après quelques minutes déglacez avec le Barolo, ajoutez le Marsala, le vinaigre balsamique et le sucre. Laissez cuire à feu moyen découvert pendant environ 40 minutes. Passé ce temps, le fond devrait s’être en parti évaporé, ajoutez le bouillon de bœuf bouillant, couvrir et laissez mijotez 3 heures à feu doux. Au bout des trois heures, prélevez la viande et maintenez-la au chaud, récupérez les feuilles de laurier, le romarin, la cannelle, les clous de girofle puis transférez le bouillon dans un mixeur. Mixez le tout afin d’obtenir une sauce lisse et brillante que vous remettrez une trentaine de minute à cuire à feu moyen pour la densifier encore. Quelques minutes avant de servir remettre les joues dans la sauce qui devrait napper la viande. Servez avec une purée de pomme de terre.
Pierre d’Her
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Une réponse à “Gastronomie Italienne. Le Brasato al Barolo, joues de boeuf et vins des Rois (ou Roi des vins)”
Enfin du vin d’Italie ! Ils sont si bons.😊😊😊
Et l’article est si bien écrit.