La réhabilitation du patrimoine de Qufu, ville natale de Confucius a été rendue possible en 2007 grâce à un projet européen (Asian Urbs) mené par les villes de Rennes et de Saint-Jacques-de-Compostelle. Le génie civil et maritime a permis d’ouvrir des passerelles collaboratives avec de nombreux ingénieurs. Prosper Marie Gicquel, ingénieur naval breton, a participé à l’élaboration de l’arsenal impérial chinois et est devenu l’ami du souverain de l’empire du Milieu.
Les canaux et ouvrages d’art ont toujours occupé un rôle important pour développer une Bretagne plus secrète. Les « canaux bretons » furent creusés au début du XIX° siècle pour fournir un chemin fluvial à l’abri des corsaires qui rôdaient au large des côtes bretonnes.
Un rapport de restitution intitulé « Protection et mise en valeur du patrimoine urbain de Qufu » offre une lecture passionnante pour comprendre les quatre grands enseignements d’une telle coopération. Sa particularité est d’y croiser une vision bretonne et galicienne, les deux partenaires clé étant la ville de Rennes et la ville de Saint-Jacques-de-Compostelle, en Galice, le Finistère espagnol.
Dans le rapport, Xosé A. Sánchez Bugallo, maire de Saint Jacques de Compostelle en 2007, partage ce témoignage : « Les citoyens de Saint Jacques de Compostelle ont reçu un héritage architectural d’une grande dimension constructive, artistique et sociale.
Les diverses identités de la ville sont présentes et très bien reflétées dans nos monuments, qu’il s’agisse d’œuvres civiles ou religieuses. C’est pourquoi au cours de ces dernières décennies, nous avons travaillé à la consolidation de cet héritage, à sa réhabilitation et à son maintien. Dans le même temps, nous avons fait en sorte de l’augmenter et de le compléter par des œuvres qui reflètent la réalité de notre temps, qui sont utiles, et qui peuvent se projeter vers le futur en portant le cachet de la meilleure architecture contemporaine ». La suite du rapport évoque l’ensemble des défis qui se sont posés dans une coopération associant des partenaires bretons et chinois.
Premier enseignement : L’appréciation inégale de la notion de contrat
L’expression du contrat dans la culture occidentale traduit une vision latine de la rencontre entre l’offre et la demande. Un contrat matérialise donc un engagement sur le long terme entre deux contractants. Cette vision n’a aucune valeur en Chine continentale où les clauses d’un contrat peuvent être rediscutées en permanence. Cela entraîne inévitablement une partie d’équilibriste à laquelle doivent s’adapter les cultures occidentales en Chine.
Deuxième enseignement : l’intérêt de s’adjoindre d’appuis d’experts médiateurs
Si cette codification contractuelle n’est pas respectée en Chine continentale, l’appui apporté par des experts médiateurs culturels peut aider à résoudre ce « gap interculturel ». La culture est bien souvent un bouclier qui permet de rebondir face à des situations de conflits.
Troisième enseignement : une attitude de modestie donne de la liberté
Le jeu interculturel amène des moments de négociation difficiles. Comment dès lors sensibiliser, inventorier, planifier, programmer, aménager, réhabiliter, construire, former, gérer, manager, financer, encourager… ? Il faut faire vivre par-delà les frontières et les différentes appartenances institutionnelles, professionnelles, un même esprit de convergence et de construction. Une attitude d’humilité et de modestie contribue à atteindre un tel objectif.
Quatrième enseignement : les temps du projet
Enfin, la temporalité est fondamentalement différente entre Orient et Occident. Elle s’explique par le décalage de cette conception occidentale de l’offre et de la demande qui est interprétée différemment en Asie. Time is Money (le temps, c’est de l’argent) est profondément européen . Comme le rappelle le dicton londonien : « Five minutes early is on time. On time is late. Late is unacceptable. » Il faut donc s’attendre à beaucoup de gaspillage d’énergie et de temps en Asie. La patience est requise en toute circonstance. Beaucoup de rendez-vous peuvent s’organiser de façon aléatoire sans aucune gestion du temps. Un carnet de voyages « L’Hermine et le Lotus » réunit une série d’entretiens qui illustre tous ces défis dans les relations entre la Bretagne et l’Orient, de 1534 à aujourd’hui.
Cette contribution s’appuie sur deux voyages d’étude menés à Qufu par l’association des cadres bretons
Kevin Lognoné
Crédit photo : DR
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