Dans cette chronique hebdomadaire, je vous proposerai des recettes originales et historiques, réconciliant ainsi deux aspects de ma personne, celle d’historien et celle patron de bistrot. Elles seront faciles à réaliser mais surtout liées à l’histoire d’un territoire ou de grands hommes. La gastronomie traditionnelle raconte une terre, des traditions, elle s’inscrit donc dans l’idée d’un combat identitaire, soulignant les diversités qui nous sont chères d’une région à une autre, écologique, travaillant des produits locaux et de saison, et éthique, réduisant au maximum le gaspillage et s’opposant au modèle uniformisé du fast food.
Nous poursuivons notre voyage en Italie avec une autre recette adaptée à l’été, étrange à première vue dans le choix des ingrédients mais délicieuse et fraiche, le « vitello tonnato » ou « Vitel tonné » en dialecte du Piémont d’où il tire son origine. Vous l’aurez probablement deviné, ce plat qui peut faire soit office d’entrée ou de plat principal est la rencontre de la terre et de la mer, un tendre rôti de veau servi avec une sauce composée d’anchois et de thon.
Le veau « tanné »
Le Vitello Tonné est une recette probablement née à Cuneo au XVIIIème siècle et, contrairement à ce que ce que l’on pourrait penser, il n’y avait pas de thon dans cette première version. Le « Tonné » ne viendrait pas de poisson mais du français « tanné », faisant référence au fait de bouillir le veau pour le rendre plus tendre. De part sa position géographique le Piémont a toujours subi une grande influence française notamment dans sa langue. Les historiens pensent que l’ajout de ce mot français donnait probablement une certaine «noblesse » à ce plat qui, somme toute, n’était autre que du veau bouilli. Avec le temps, probablement trompé par le nom, le thon serait entré dans la composition de la recette.
Une recette de contrebandiers
La Ligurie est une terre de marin, ainsi la cuisine du Piémont est fréquemment dite « Mare e Monti », une cuisine de terre et de mer. Depuis le Moyen-âge, bon nombre de pécheurs ligures s’étaient spécialisés dans l’anchois qui était salé pour être conservé et vendu dans toute la péninsule. Pour acheter le sel, il se rendaient en Camargue ou son cout était plus accessible. Afin d’échapper aux douaniers français et génois, un excédent de sel était souvent caché sous des couches d’anchois, ce dernier était vendu bien plus cher que les poissons. Ces anchois faisaient parti intégrante de la cuisine populaire, gorgés de sel, il le remplaçait à moindre cout, comme le faisait le garum dans l’antique Rome ou le Nuoc Mam dans la cuisine vietnamienne. Ainsi notre veau bouilli était agrémenté d’une sauce aux anchois et huile d’olive ce qui rappelle une autre recette ligure, la « Bagna Cauda ».
Finalement les siècles passant, la recette s’affine peu à peu, à l’anchoïade vient s’ajouter à cause de l’erreur de traduction, le thon à l’huile, les câpres et finalement de nouveau probablement à cause de l’influence française arrive la mayonnaise dans certaines versions dont les premières traces datent de la fin du XIXème siècle. Nous lui préférerons aujourd’hui une version plus légère et probablement plus authentique. Aujourd’hui les plus grands chefs étoilés italiens lui donnent ses lettres de noblesse, notamment Carlo Craco (2 étoiles). Le chef Heinz Beck de la Pergola à Rome (3 étoiles) propose lui une version inversée, le « Tonno vitellato », qui est devenu un de ses plats les plus connus.
La recette…
Ingrédients : Pour la viande : Roti de veau (800 gr.), une carotte, une branche de céleri, un oignon, une gousse d’ail, un verre de vin blanc, 1,5 litre d’eau, une feuille de laurier, 4 clous de girofle, huile d’olive, sel et poivre.
Pour la sauce : Deux Œufs, 100 gr de thon à l’huile, 3 filets d’anchois, câpres, bouillon de viande (environ 150gr.)
Placez votre rôti de veau débarrassé d’éventuels nerfs ou peau dans une grande cocotte. Placez y la carotte épluchée et taillée à gros tronçons, le céleri, l’oignon coupé en deux et piqué de clous de girofles, l’ail, le laurier, le poivre en grain, le vin et de l’eau froide à couvrir. Mettre à sur le feu et écumer les impuretés qui remonteront à la surface lorsque le point d ébullition sera atteint. Couvrir, baisser le feu et laissez cuire environ 45 minutes (30 minutes par 500gr.). La température à cœur doit être maximum de 65 degrés. Une fois la viande cuite, sortez-la du bouillon en prenant soin de conserver ce dernier et laissez la refroidir.
Passons à la sauce. Cuire les deux œufs dans l’eau bouillante, une fois durs, après les avoir écalés coupez les en quatre. Dans un bol de mixeur, mettez les œufs, le thon égoutté, les anchois, les câpres, et 150gr. de bouillon au préalable filtré. Il est préférable de ne pas versez tout le bouillon d’un coup mais d’ajuster la quantité à la consistance désirée. Mixer le tout afin d’obtenir une sauce crémeuse. Ajustez le sel.
Découper les tranches les plus fines possibles votre rôti puis disposez-les dans un grand plat de service. Versez la sauce sur la viande, décorez de quelques câpres et d’un peu de poivre du moulin. Placez au réfrigérateur quelques minutes, c’est prêt !
Crédit photos : DR
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Une réponse à “Gastronomie italienne. Le veau « tanné » (vitello tonnato)”
merci une petite nouveauté