Vicky Carbonneau : « Le cyclisme féminin a longtemps été freiné par les hommes » [Interview]

La version féminine du Tour de France va voir le jour en France et débutera le 22 juillet 2022, soit le dernier jour de son pendant masculin. Les équipes de cyclistes vont donc s’affronter durant 8 étapes, pour une arrivée jugée au 31 juillet. A cette occasion, Amphora,  éditeur indépendant sort un livre intitulé « En danseuse », écrit par Vicky Carbonneau.

Vous connaissez les grands noms du cyclisme masculin : Sagan, Alaphilippe, Bobet, etc. Mais connaissez-vous celui des femmes qui ont marqué l’histoire du cyclisme féminin et qui de nos jours l’écrivent ?

Pour la première fois, Vicky Carbonneau a choisi de donner la parole à celles qui comptent, du vélo sur route au BMX, en passant par le paracyclisme et le VTT. Ces athlètes se confient sur leurs conditions d’entraînement, leurs plus grandes victoires, mais aussi sur l’avenir qu’elles imaginent pour leur discipline. Parmi elles, Katell Alençon, Audrey Cordon-Ragot, Axelle Étienne, Mathilde Gros, Pauline Ferrand-Prévot, Jeannie Longo… Agrémenté de nombreuses photos et de dates clés sur chaque discipline, En danseuse rend hommage à celles qui révolutionnent le vélo, des pionnières aux espoirs de demain.

Pour évoquer cet ouvrage, qui ravira les amateurs de cyclisme, nous avons interviewé Vicky Carbonneau.

Breizh-info.com : Pouvez vous vous présenter à nos lecteurs ?

Vicky Carbonneau : Cycliste amateure, je suis québécoise, et cela fait 12 ans que j’habite en France. Ça fait environ 7 ans que je m’implique dans le cyclisme féminin, avec la création des Girls on Wheels (les GOW), en collaborant au webzine Elles font du Vélo et aujourd’hui en travaillant pour la marque de vêtements pour femmes cyclistes Wilma.
Aujourd’hui, j’ai fondé avec mon partenaire le premier café vélo au pied du Ventoux, Pista cycling café.

Breizh-info.com : Est-ce le début prochain du premier tour de France féminin qui vous a amenée à écrire votre livre ?

Vicky Carbonneau : C’est surtout l’absence de livre sur le cyclisme féminin. J’avais envie de lire sur les coureures de l’époque et de maintenant et je ne trouvais rien en rayon. Je me suis donc dit qu’il fallait absolument écrire sur le sujet et mettre les femmes en avant.

Breizh-info.com : Quelles ont été les grandes heures du cyclisme féminin dans l’histoire ?

Vicky Carbonneau : Le cyclisme féminin a longtemps été freiné par les hommes. Dès l’invention du vélocipède, de grandes cyclistes ont relevé des défis. Que ce soit des courses de six jours, des records sur piste et sur route, des traversées du monde. Puis le cyclisme a permis à la femme de se libérer de vêtements encombrants, de dépasser les frontières de leur village, d’aller travailler, de gagner leur indépendance. Puis il y a eu la grande époque du Tour de 1984-1989 où les femmes ont étonné le public en montrant qu’elles pouvaient rouler autant que les hommes. Je crois que depuis quelques années nous rentrons dans un boum du cyclisme féminin, enfin! Les féminines ont finalement leur licence pro et les avantages qui leur sont dus. On médiatise un peu plus les courses féminines, des équipes se créent, le public s’intéresse à elles et les sponsors investissent de plus en plus dans les coureures.

Breizh-info.com : A l’heure actuelle, les sponsors s’intéressent de plus en plus au cyclisme féminin, et les spectateurs aussi. Pensez-vous que, comme le biathlon notamment, ce sport puisse à terme attirer autant de public chez les hommes et que chez les femmes (ce qui n’est pas le cas du football par exemple, malgré une surmédiatisation du football féminin) ?

Vicky Carbonneau : Je ne crois pas que le football féminin soit surmédiatisé. En ce qui concerne le cyclisme féminin, j’espère qu’il trouvera son public, car il le mérite. Les courses sont très vives et il y a de grandes coureures que ce soit en vélo de route, mais aussi en VTT, sur la piste et en BMX. Il manque de parité dans la médiatisation des sports féminin en général, et ce dans tous les médias. Il faut que les journaux, le web, la télé s’y intéressent pour les faire connaître au grand public. Ce qui n’est pas vu n’est pas connu.

Breizh-info.com : Vous ne vous attachez pas uniquement au cyclisme sur route, pour quelles raisons ?

Vicky Carbonneau : La route n’est qu’une partie du cyclisme, si jolie soit-elle, j’adore aussi regarder les autres disciplines, et les essayer lorsque je peux. Voir les stratégies et la vitesse des vélos de piste, être abasourdie par les obstacles que descendent les pilotes de VTT, comme je trouve incroyable de regarder le cyclo-cross avec ces athlètes très complètes qui mélangent cyclisme et course à pieds.

Breizh-info.com : Jeannie Longo est sans doute la cycliste française la plus connue des passionnées. Pouvez vous revenir sur sa carrière ?

Vicky Carbonneau : Jeannie est une battante, une fille de caractère et ça se reflète sur sa carrière. Une passionnée qui a fait des sacrifices, comme celui de ne pas avoir d’enfants, pour rester au haut niveau. Obstinée, elle savait ce qu’elle devait faire pour gagner et ne faisait pas de compromis, quitte à perdre des sponsors. On lui doit le fait que les femmes peuvent courir au même niveau que les hommes. Sa réussite, ses nombreux records ont mis le cyclisme féminin en avant!

Breizh-info.com : Quelles sont les pépites du cyclisme que vous invitez les lecteurs à découvrir ?

Vicky Carbonneau : Les premières qui me viennent en tête sont Katell Alençon et Christelle Ribault du paracyclisme. Elles ont vécu des périodes compliquées et ont su surmonter ces obstacles et devenir plus fortes. Ce sont de vraies forces de la nature. Il y a une tonne de femmes impressionnantes dans le cyclisme, professionnelles ou amateures, route, VTT, de l’ultra cyclisme ou des métiers du cycle. Il faut les chercher et les suivre sur Instagram et les différents réseaux sociaux.

Breizh-info.com : Qu’est-ce que Girls on wheels que vous avez fondé ?

Vicky Carbonneau : Les GOW c’est un groupe de cyclistes féminines sur Paris qui roulent toutes les semaines, mais c’est surtout une communauté de plus de 3,7k femmes en France. Un groupe Facebook où les femmes peuvent échanger entre elles aisément, se donner des conseils et faire des rencontres pour rouler. Nous avons créé les GOW il y a 6 ans maintenant et depuis, de nombreux groupes sont apparus dans le monde entier. Les femmes aiment se retrouver entre elles parfois. Dans ce genre de groupes, elles se sentent à l’aise, elles prennent confiance en elles dans un environnement bienveillant. J’ai vu plusieurs femmes évoluer, arriver chez les GOW avec un vieux vélo de ville n’ayant jamais fait plus de 20 km, et je les vois maintenant sur de l’ultra-distance.

Propos recueillis par YV

Crédit photo : breizh-info.com (L’anglaise Lizzie deignan, qui a remporté le premier Paris-Roubaix féminin)
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