A l’annonce du retrait définitif des troupes américaines de l’Afghanistan, on aurait pu croire que le président Biden se positionnait plus parmi les colombes (de la paix) que parmi les faucons (de la guerre). Intellectuellement, une telle ligne ne pouvait que séduire. D’autant plus que son prédécesseur Donald Trump était sur une ligne identique. Sans parler d’un retour à isolationnisme, le souffle de la « doctrine de Monroe » semblait avoir repris quelque vigueur.
Rappelons simplement que, pour mémoire, cette doctrine marquait une rupture des Etats-Unis avec les nations européennes, et surtout avec l’Angleterre et l’Espagne qui s’intéressaient d’un peu trop près aux affaires des Américains qui entendaient régner en maîtres sur leur continent.
Même si c’était cette même doctrine de 1823 qui avait été invoquée pour justifier la « guerre froide », le rapprochement restait audacieux car ni l’URSS, ni la Chine ne menaçaient directement les États-Unis.
Seulement voilà, entre 1823 et 1950, de profonds changements étaient intervenus. Les Etats-Unis étaient devenus la puissance mondiale dominante et surtout l’exercice du pouvoir politique américain ne se faisait plus vraiment à la Maison Blanche. Cela s’est accompli à l’insu du peuple américain durant plus d’un siècle et a commencé par la prise du contrôle de la monnaie américaine par un cartel de banques privées d’origine anglo-saxonnes et américaines. Vint ensuite le tour de l’industrie américaine et des grands « trusts » eux-mêmes contrôlés par les mêmes banquiers privés.
Ainsi naquit ce que Eisenhower désignait comme le « complexe militaro-industriel » et qui est plus communément appelé « l’Etat profond »
La réalisation du projet « Manhattan » que ce complexe avait financé et le potentiel énorme de son industrie avaient propulsé les Etats-Unis au rang de super-puissance militaire et industrielle et les accords de Bretton-Woods avaient consacré leur hégémonie financière et économique. Toutefois, la pénétration de l’exécutif par le deep state ne devait se réaliser qu’autour des années 60.
Aujourd’hui l’emprise de cet état profond tentaculaire contrôle pratiquement tous les rouages de la machine, et le 11 septembre 2002 a fourni à Dick Cheney et à Donald Runsfeld l’occasion de s ‘installer provisoirement à la Maison Blanche afin de bénéficier de l’état de sidération créé pour faire passer le « Patriot Act » dans un délai ultra-court, qui n’aurait pu être tenu dans d’autres circonstances. Peter Dale Scott a consacré une partie de sa vie à rechercher toutes les imbrications, américaines et internationales, qui font de cet Etat Profond une pieuvre aux multiples tentacules.
Ce long préambule paraît cependant indispensable à qui cherche à analyser la situation géopolitique actuelle. L’épisode de Donald Trump à la Maison Blanche a conduit une partie de cet Etat profond à « sortir du bois », alors qu’il a toujours cherché à rester dans l’ombre protectrice. Il a ainsi montré quel rôle il avait joué dans ce qu’il est convenu d’appeler « la mondialisation ». Ce terme, volontairement vague, correspond cependant à un projet précis, dont les étapes successives se sont accomplies avec une grande discrétion, voire le secret.
Depuis 2020, nous vivons une succession d’événements qui génèrent des peurs de plus en plus grandes. Aujourd’hui, le COVID a pratiquement disparu de l’actualité, laissant la place au conflit qui oppose les Russes et les Ukrainiens. Du moins, il nous est présenté sous cette apparence. La réalité est quelque peu différente. Ce conflit était préexistant depuis le début du siècle. Il suffit de lire l’ouvrage de Sbignew Brzezinski « Le grand échiquier », paru en 1997 pour comprendre le rôle très particulier de l’Ukraine en raison de sa position géographique. Coté Russe, la partie Est est considérée comme une province historique, faisant partie intégrante de la Russie tandis que, vue du côté Occidental, l’Ukraine a vocation à être séparée de la Russie.
C’est d’ailleurs une volonté beaucoup plus marquée par les Américains que les Européens, dont les dirigeants n’ont d’autre boussole que celle fournie par les Etats-Unis. C’est tout le problème qu’avait évoqué Gerges Pompidou dans sa phrase : « Gouverner c’est contraindre »
Notre civilisation, qui porte haut et fort les principes démocratiques, se caractérise aujourd’hui par un clivage grandissant entre cette petite élite qui entend gouverner le monde en fonction de ses propres intérêts et les peuples qui pensent que ces gens ont été élus afin de répondre aux aspirations de leurs électeurs. Cette ambiguïté structurelle trouve son prolongement dans la façon de présenter les informations, nécessairement orientée.
On nous parle aujourd’hui d’une guerre entre les Russes et les Ukrainiens. Qui peut croire cela ?
Il s’agit bel et bien d’un affrontement entre deux visions différentes des relations planétaires et c’est le véritable enjeu. La vision occidentale d’un monde monopolaire dirigée de fait par la super-puissance américaine est de plus en plus contestée par les pays qui estiment ne pas avoir à se soumettre à cette dernière. Sur le plan idéologique, l’Occident démocratique ne peut-être que le « camp du Bien », ce qui sous-entend que les autres seraient celui du Mal. Un peu court, non ?
Or, il apparaît des divisions au sein du camp occidental. La traditionnelle grand’messe de Davos qui vient de s’achever montre des lignes de divergences entre ce forum qui se veut représentatif du monde entier du commerce et de la finance et l’Etat profond américain. Il semble se dégager l’impression que ce dernier agirait plutôt comme un « va t’en guerre », en la personne de Joe Biden et cela développe une sorte de malaise plus ou moins diffus.
Bien sûr, Davos est dans le camp occidental et réaffirme tout son attachement à la petite Ukraine martyrisée par l’ours russe et naturellement le « camp du bien » ne peut rester insensible. Mais ça, c’est pour la galerie. Car le maître de céans a également convié Henry Kissinger, et ce dernier joue une autre musique :
‘Les États-Unis’, dit-il, ‘doivent se rendre compte que la compétence stratégique et technique de la Chine a évolué. Les négociations diplomatiques doivent être sensibles, éclairées et viser unilatéralement la paix’. ‘Nous sommes confrontés à la réalité que les technologies modernes placent les pays dans des situations dans lesquelles ils ne se sont jamais trouvés auparavant’, a déclaré Kissinger. Les puissances nucléaires et les nouvelles technologies militaires, sans critères de limitation établis, pourraient être catastrophiques pour l’humanité.
Ce propos intervient juste après que Joe Biden, en visite au Japon, ait mis en garde la Chine contre une éventuelle intervention à Taïwan. Il dit clairement que la réponse américaine sera militaire. Il faut alors se souvenir qu’Henry Kissinger est à l’origine d’un courant de pensée né durant la guerre froide dans lequel il disait que tout devait être mis en œuvre pour éviter un rapprochement entre la Chine et l’URSS qui pourrait être fatal à l’hégémonie américaine. A l’époque, le seul adversaire reconnu des États-Unis était l’URSS, mais depuis, les choses ont changé. La mise en garde adressée, non seulement à Joe Biden, mais à l’ensemble des dirigeants occidentaux, est très claire. Mais seront-ils capables de la comprendre et les tenants de la paix, car il y en a, seront-ils suffisamment persuasifs et influents pour faire gagner le « Camp de la Raison »
Jean Goychman
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Une réponse à “Joe Biden inquiète Davos”
« l’exercice du pouvoir politique américain ne se faisait plus vraiment à la Maison Blanche » Encore une charge du nouveau Breizh Info contre les Etats-Unis.
Pourquoi ne pas dire la même chose de notre nation, avec un Macron propulsé au pouvoir on ne sait comment (banque Rothschild) ?