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Volodomir Kabachenko, député ukrainien : « Avec le début de la guerre en 2014, nous sommes tous devenus nationalistes » [interview]

Avec sa barbe bien taillée et sa raie sur le côté, Volodomir Kabachenko a une tête de gendre idéal. Son positionnement politique au Parlement colle parfaitement à cette image. De centre-droit, il est à mi-chemin entre l’opposition et le parti de Gouvernement. Pourtant, certains de ses propos nuancés et francs détonnent un peu dans un conflit où la guerre médiatique et la propagande font rage au moins autant que les armes. Rencontre avec Volodomir Kabachenko, député ukrainien, à l’occasion d’un déplacement humanitaire en Ukraine avec l’association Urgence humanitaire.

Breizh-info.com : D’abord, je voudrais vous poser une question un peu provocatrice, mais que se posent un certain nombre d’occidentaux qui observent la guerre en Ukraine ; comptez-vous vraiment récupérer les régions séparatistes ? Est-ce bien raisonnable si vous voulez parvenir à signer la paix avec la Russie ?

Volodomir Kabachenko : L’Ukraine compte 45 millions d’Ukrainiens. Ils ont voté et élu un Parlement qui reflète leur position ; les régions séparatistes appartiennent à l’Ukraine. Nous comptons bien les faire revenir dans le giron national.

Breizh-info.com : Le Président Zelensky a parlé de régler le problème par référendum…

Volodomir Kabachenko : Oui, mais quand ces régions seront libérées ! Comment organiser un référendum fiable alors que ces régions sont occupées, que des millions d’exilés ont fui le pays, et que les soldats sont sur le front ? Pour que le référendum soit juste, il faut que les régions séparatistes puissent voter ; sinon trop de citoyens de l’Ouest seraient tenter de lâcher l’Est pour avoir la paix.
Les négociations entre l’Ukraine et la Russie sont très opaques. Pour ne pas prendre de responsabilité, Zelensky annonce vouloir demander son avis au peuple ; c’est positif, mais impossible techniquement pour le moment.

Breizh-info.com : La reprise de la guerre a vu la création d’une Légion internationale. Les médias occidentaux avancent un chiffre de 20 000 volontaires en se basant sur des assertions ukrainiennes ; qu’en est-il ?

Volodomir Kabachenko : Il y a en effet eu énormément de demandes. Mais en réalité, il y a 4 ou 500 volontaires internationaux. Les conditions requises ont agi comme un filtre ; il faut parler anglais correctement et avoir de l’expérience militaire. Il y a des gens du monde entier cependant ; Taïwan, Finlande, Brésil, monde anglo-saxon etc.

Breizh-info.com : Que répondez-vous aux accusations de nazisme avancées par la Russie comme raison de l’invasion ?

Volodomir Kabachenko : Elles sont ineptes. De quels nazis parlez-vous ?

Breizh-info.com : Azov par exemple…

Volodomir Kabachenko : Soyons clairs ; avec le début de la guerre en 2014, nous sommes tous devenus nationalistes. Tous. Et lorsqu’il parle de dénazification, Poutine vise tous les nationalistes, pas seulement les « nazis ». Or tous les ukrainiens sont nationalistes désormais !
Concernant Azov, c’est une minorité. On reproche à l’Ukraine de ne pas les écarter mais je vais vous le dire franchement ; les hommes du bataillon Azov sont extrêmement professionnels, très efficaces, et disons-le, héroïques. C’est la raison pour laquelle ils ont été rejoints par des milliers de personnes qui ne partagent pas forcément toutes leurs idées politiques. En temps normal, ils seraient des ennemis politiques pour moi ; mais nous sommes en période de guerre, le mot d’ordre est l’Union Sacrée !

Le bataillon Azov est agité par les russes pour faire peur ! Comme le régiment Wagner ou les Tchétchènes côté occidental ; tout cela est de la propagande médiatique.

Breizh-info.com : Vous louez les qualités des combattants d’Azov, mais pourquoi ne pas leur envoyer des soutiens à Marioupol ?

Volodomir Kabachenko : Nous n’avons que 100 000 soldats ukrainiens contre 400 000 soldats russes. Chaque jour, les Russes avancent et envoient de nouveaux soldats ; hélas, nous ne pouvons pas défendre équitablement toutes nos villes.

Breizh-info.com : N’y a-t-il pas une responsabilité de l’OTAN dans l’escalade de la violence ?

Volodomir Kabachenko : Si bien-sûr. D’ailleurs je ne comprends pas pourquoi l’OTAN nous envoie ostensiblement des armes mais refuse de sécuriser l’espace aérien. L’OTAN semble utiliser l’Ukraine comme bouclier pour affaiblir la Russie. Mais nous avons notre propre part de responsabilité ; nous aurions dû renforcer notre défense pour garantir notre indépendance. Poutine a peur de l’OTAN et sans l’OTAN nous aurons du mal à gagner.
L’adhésion à l’OTAN est inscrite dans la Constitution de 2014, ceci a provoqué la colère de la Russie et l’Occident fait mine de s’en étonner ; en réalité nous ne sommes pas dupes du double-jeu en cours. Mais nous sommes bien obligés de nous rapprocher de l’Occident pour résister aux Russes ! Que dirions-nous à nous enfants en cas de victoire russe ?

Breizh-info.com : Ne serait-il pas possible d’observer une position de neutralité ?

Volodomir Kabachenko : Pour que nous puissions avoir un statut neutre, il faudrait que nous ayons une force militaire suffisante pour résister aux puissances hégémoniques. C’était possible lorsque nous avions du matériel nucléaire dans les années 1990 à la chute de l’URSS. Lors du mémorandum de Budapest, les Russes nous ont dit « si vous nous abandonnez vos têtes nucléaires, nous vous promettons de ne jamais vous envahir ». Nous les avons crû, et aujourd’hui ils nous envahissent ! Comment seraient-ils crédibles aujourd’hui quand ils se plaignent des mensonges et des avancées de l’OTAN ? Ils font la même chose !
D’ailleurs je suis prêt à vous parier que quelle que soit l’issue de la guerre, les Russes essayeront de garder des bases militaires en Ukraine. C’est-à-dire faire ce qu’ils reprochent à l’OTAN…

Propos recueillis par J-E G.

Crédit photo : DR (photo d’illustration)
[cc] Breizh-info.com, 2022, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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2 réponses à “Volodomir Kabachenko, député ukrainien : « Avec le début de la guerre en 2014, nous sommes tous devenus nationalistes » [interview]”

  1. Petit Parisien dit :

    Pas un mot sur le coup d’état de la Place Maïdan.
    Parlez de démocratie après le renversement d’un président démocratiquement élu et le vote, sous la menace des armes, d’un traité de libre-échange exclusif, c’est de l’humour noir.
    Les dernières élections démocratiques en Ukraine datent de 2010 et démontrent que le pays est coupé en deux.

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