Un tribunal finlandais a confirmé le droit à la libre expression en acquittant de toutes charges la députée finlandaise Päivi Räsänen et l’évêque Juhana Pohjola. Dans un arrêt unanime, le tribunal a conclu que « il n’appartient pas au tribunal de district d’interpréter les concepts bibliques ». Le procureur est condamné à payer 60 000 euros de frais de justice et a un délai de sept jours pour faire appel de ce jugement.
L’ancienne ministre de l’Intérieur avait été accusée d’avoir tenu des “propos haineux” parce qu’elle avait partagé ses convictions d’inspiration religieuse sur le mariage et l’éthique sexuelle. L’ancienne ministre des Affaires intérieures avait évoqué ces sujets dans un tweet et pendant une émission radio en 2019, ainsi que dans un livret publié en 2004.
La députée faisait l’objet de poursuites en raison de soupçons d’incitation à la haine l’encontre des minorités sexuelles et de genre (la répression frappe également la Finlande…). En réalité, elle avait surtout critiqué la participation officielle de l’Église évangélique luthérienne de Finlande (ELCF) à la Gay Pride de Helsinki en 2019 citant un extrait de l’Épître aux Romains portant sur les relations homosexuelles, qualifiées par l’apôtre Paul de « contre la nature » et de « désirs qui les couvrent de honte ».
Au cours des deux dernières années, Räsänen a dû subir de nombreux et interminables interrogatoires de police à propos de ses convictions chrétiennes, durant lesquels les forces de police lui ont fait développer son interprétation de la Bible à maintes reprises.
En avril 2021, le procureur général finlandais avait retenu trois charges criminelles contre Räsänen malgré la forte recommandation, de la part des services de police, d’abandonner les poursuites. Par ailleurs, les propos tenus par Räsänen n’enfreignaient en aucun sens les règles de Twitter ni celles de la chaîne radio nationale, ce qui explique pourquoi on peut encore les retrouver sur ces plateformes.
#kirkko on ilmoittanut olevansa #seta n #Pride2019 virallinen partneri. Miten kirkon oppiperusta, #raamattu sopii yhteen sen kanssa, että häpeä ja synti nostetaan ylpeyden aiheeksi? pic.twitter.com/cnjAQCrOc2
— Päivi Räsänen (@PaiviRasanen) June 17, 2019
La députée est elle-même membre de l’ELCF et mariée à un pasteur de l’ELCF. Elle est bien connue dans le pays pour sa défense des points de vue chrétiens traditionnels sur des questions éthiques telles que l’avortement, l’euthanasie et le mariage, qui sont souvent plus conservateurs que ceux des dirigeants officiels de l’Église luthérienne.
“Je suis tellement reconnaissante envers la cour, qui a bien compris que la liberté d’expression était en danger et qui s’est prononcée en notre faveur. Maintenant que je suis acquittée, je me sens libérée d’un poids énorme. Même si je me félicite d’avoir défendu la liberté d’expression, j’espère que ce verdict saura épargner un calvaire similaire à d’autres personnes” a dit Päivi Räsänen après son acquittement.
Le procès de la doctrine chrétienne
Le procès avec ses accusés de haut niveau a été fortement médiatisé, notamment depuis qu’au cours de l’audience, la procureure s’est mise à attaquer des éléments fondamentaux de la doctrine chrétienne et à interroger Räsänen et l’évêque sur la théologie. La procureure avait commencé la première journée du procès en tentant d’expliquer qu’elle ne cherchait pas à faire le procès de la Bible ni de n’importe quelle conviction.
Tout de suite après, elle avait cité des versets de l’Ancien Testament, pour ensuite critiquer la doctrine qui encourage à “aimer le pécheur tout en détestant le péché”. Dans sa déclaration de clôture, elle avait prétendu que l’utilisation du mot “péché” peut être “nocive” et avait ensuite réclamé qu’une éventuelle condamnation soit accompagnée de lourdes amendes.
La liberté d’expression prend le dessus
L’avocat de Räsänen, soutenu par l’association de défense juridique ADF International, fait valoir qu’un jugement de culpabilité aurait gravement porté atteinte à la liberté d’expression en Finlande. Selon lui, les propos de Räsänen correspondent aux enseignements chrétiens.
La Cour a reconnu que même si certains peuvent avoir des objections aux déclarations de Räsänen, « il doit y avoir une raison sociale prépondérante pour interférer et restreindre la liberté d’expression ». La Cour a conclu que cette justification n’existait pas.
“Nous nous réjouissons de la décision du tribunal régional de Helsinki. Ceci est un verdict important, qui maintient le droit à la liberté d’expression en Finlande. Dans une société véritablement libre, chacun devrait pouvoir partager ses convictions sans devoir craindre la censure. C’est sur cela que repose une société libre et démocratique. Interdire certaines convictions à travers des lois contre le “discours haineux”, c’est rendre impossible tout débat ouvert dans l’espace public, ce qui représente un grave danger pour nos démocraties” a ajouté Coleman, auteur du livre ‘Censored: How European Hate Speech Laws are Threatening Freedom of Speech’ (Censuré : Comment les lois sur le discours haineux menacent la liberté d’expression).
Mobilisation internationale autour de la liberté d’expression
Au cours des deux jours d’audience (le 24 janvier et le 14 février), de nombreuses personnes s’étaient rassemblées devant le tribunal de Helsinki afin de montrer leur soutien à la parlementaire et à l’évêque. En Hongrie, des centaines de personnes ont participé à une manifestation devant l’ambassade de Finlande à Budapest pour protester contre les accusations avant la clôture des débats.
Räsänen a aussi reçu des lettres de soutien de nombreuses dénominations, parmi lesquelles le Concile luthérien international qui représente des évêques et des présidents de synode des quatre coins du monde, l’Alliance évangélique européenne, les églises catholiques et pentecôtistes de Lituanie, ainsi que de la part de représentants des églises évangéliques, catholiques, baptistes, pentecôtistes, réformées et unitaires de Roumanie, de l’église évangélique de Macédoine, d’ONG chrétiennes en Lettonie et de particuliers.
Plusieurs sénateurs américains ont adressé une lettre à Rashad Hussain, Ambassadeur itinérant des États-Unis pour la liberté religieuse internationale, en se disant “alarmés” par le procès contre Räsänen: “Nous sommes très inquiets de voir que la législation finlandaise contre les propos haineux équivaut en pratique à une législation anti-blasphème. Elle pourrait ouvrir la porte à des poursuites de pieux croyants, qu’ils soient chrétiens, musulmans, juifs ou autres, tout simplement parce qu’ils ont exprimé leurs convictions d’inspiration religieuse en public”, écrivent-ils.
Et en janvier, des parlementaires britanniques avaient déposé une motion d’urgence au Parlement pour attirer l’attention sur le procès controversé et exprimer leur préoccupation quant aux “conséquences possibles de l’affaire pour d’autres pays”.
Une réponse à “En Finlande, citer la Bible n’est pas un crime : La députée Päivi Räsänen acquittée après des tweets présumés « haineux envers l’Eglise et les homosexuels »”
comme en france, des juges interprètent la loi en 1ère instance, mais en appel ils inversent le jugement !
le gouvernement des juges doit cesser