Xaviel Vilareyo : père et sauveur de l’idée moderne des Asturies

En mai 2015, nous avons perdu l’éminent polygraphe Xaviel Vilareyo y Villamil (1966-2015). Poète, essayiste, dramaturge et animateur culturel très actif dans de multiples domaines (cinéma, internet, théâtre), sa perte ne peut être réparée. Dans l’aspect dans lequel je l’ai le mieux connu, l’essai, il faut dire que Vilareyo était un écrivain exceptionnel en langue asturienne (il écrivait aussi en langue éonaviego) et un important théoricien de l’identité de Les Asturies.

Son œuvre, en raison des langues dans lesquelles elle est principalement exprimée, est peu connue en dehors de la sphère géographique et culturelle des Asturies et de l’asturianisme. En Espagne, il est presque inconnu. Cette courte esquisse biographique que je vous présente maintenant a pour but d’éveiller la curiosité de tous, de faire connaître cette figure importante, un personnage clé pour comprendre les chemins à suivre à l’avenir, en vue de récupérer notre identité dans les Asturies et en Espagne. C’est pourquoi je l’écris en utilisant le pluriel, comme je le fais pour désigner mes nations. Que signifie aujourd’hui parler de « Las Españas » et de « Les Asturias » ?

Le pluriel utilisé pour désigner ces deux nations est conforme à la rigueur historique et à la pluralité ethnique dans laquelle vivent les habitants de la péninsule ibérique. Le pluriel me semble exact pour désigner à la fois Las Españas et le noyau initial et germinal de cette dernière, Les Asturias. Et elle implique une recherche d’harmonie ou de cohérence entre les deux réalités nationales. Des réalités nationales qui ne s’opposent pas et ne se contredisent pas. Je crois que mon ancien professeur, Don Gustavo Bueno, se trompe ici aussi : il y a bien des nations de nations. Et l’Espagne est un exemple.

Xaviel Vilareyo est l’exemple d’un nationaliste asturien totalement incompris au sein de son propre peuple, honni par la « cible » à laquelle son message était initialement destiné, marginalisé au sein du public auquel toute sa production devrait immédiatement être destinée. Depuis 1974, la petite audience du nationalisme asturien a été complètement colonisée par l’extrême gauche, qu’elle soit de nature centraliste et internationaliste (l' »espagnolisme » du PCE et de ses groupes satellites) ou par le « basquisme » séparatiste et criminel, enseigné par les formations « abertzales ».

Il est compréhensible que la position d’un écrivain identitaire, qui défend un nationalisme non teinté d’idéologies étrangères, soit honnie par ce secteur autoproclamé « souverainisme de gauche » ou « gauche souverainiste » dans les Asturies mêmes. La défense d’une langue, d’un patrimoine, d’une territorialité, de droits historiques, d’une tradition, d’un folklore, n’a absolument rien à voir avec des idéaux séparatistes ou avec des luttes de classes ou des projets révolutionnaires de quelque nature que ce soit. La défense du bable (asturien) et de l’éonaviego (langue de transition entre le galicien et l’asturien occidental) ne doit pas non plus être une arme de confrontation ou un instrument d’affirmation politique. À cet égard, il nous semble que Vilareyo était un auteur exemplaire. On l’ignorait, on le méprisait, on se moquait de ses entreprises et de ses désirs. Mais il entrera sans aucun doute dans l’histoire. Certains d’entre nous qui l’ont lu et traité (bien que de manière plutôt « virtuelle ») se sont engagés à le compiler et à le diffuser parce qu’ils connaissent son importance en termes d’identité. Les fruits seront bientôt visibles, je l’espère.

Le grand désir de Xaviel, nous semble-t-il, était de reconstruire l’intégrité territoriale de Las Asturias/Les Asturies.

Les Asturies essentielles étaient au nombre de deux, ne l’oublions pas, Asturias de Oviedo et Asturias de Santillana. Il y avait d’autres régions qui portaient également le nom d' »Asturies » (celles de Tineo, celles de Trasmiera) bien qu’avec une importance historico-politique secondaire par rapport aux deux que nous avons mentionnées en premier (au total, quatre Asturies). L’œuvre de Vilareyo que nous recueillons aujourd’hui parmi de nombreux blogs et écrits épars est un exemple de ce qu’il faudrait faire dans toute l’Espagne : revenir à la rigueur historique, aux anciens royaumes, principautés et seigneuries, aux véritables réceptacles de la souveraineté, afin de faire de notre État une Communauté plurielle et forte, avec une loyauté maximale entre les peuples frères, et avec une identité maximale et une pleine autonomie pour chacun des peuples qui la composent.

Vilareyo nous a rappelé l’importance de l’histoire : jusqu’à l’outrage commis en 1833 par le ministre Javier de Burgos, les Asturies étaient deux en un. Une nation avec deux régions : les Asturies d’Oviedo (l’actuelle Principauté des Asturies) et les Asturies de Santillana (en partie, l’actuel territoire de la Cantabrie). Comme d’autres illustres prédécesseurs (Gumersindo Laverde, Menéndez Pelayo, Maximiano García Venero), Vilareyo insiste sur la communauté ethnique des « Asturiens » et des « Cantabres », sur l’identité nationale partagée. Les outrages de 1833 se poursuivent après 1978, avec la Nouvelle Restauration bourbonienne et semi-démocratique, et surtout avec le développement de ce qu’on appelle l’État des autonomies : arbitraire dans la politique territoriale, et crainte d’un grave confédéralisme.

Un confédéralisme pris au sérieux, bloqué par les jacobins de Madrid ou par les séparatistes basques et catalans. Les centralistes et les centrifuges ont empêché de réformer le Royaume, de le faire et de le revigorer à nouveau, en se basant une fois pour toutes sur l’Histoire et l’Ethnicité. Les dix-sept taifas arbitraires ont porté un coup sévère à l’amour-propre des peuples ibériques, un coup sévère à l’identité des peuples, un obstacle à toute nation qui, étant plurielle, souhaite être forte et respectée à nouveau. C’est en tout cas ce que j’ai remarqué chez les peuples du nord-ouest, ceux de ma région, ceux de la zone « celtique », qui coïncide très bien avec la géographie de l’ancien royaume des Asturies.

Xaviel Vilareyo, repose en paix et merci pour ton travail.

Carlos X. Blanco

Illustrations  : DR
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