Plongé dès ma naissance dans la matrice « gaullienne », le décès précoce de mon père me fit entrer de plain-pied dans le petit groupe à l’époque des représentants des Compagnons disparus. Les quelques improbables rencontres qui en découlèrent furent pour moi un incomparable et inépuisable enseignement du creuset dans lequel la pensée du Général, après avoir pris forme lors des événements tragiques de l’avant-guerre, s’était en permanence adaptée aux conditions de ce monde en bouleversement qui était devenu celui de l’après-guerre.
Deux constantes de rappel se dégagèrent alors, deux concepts très simples qui servirent en quelque sorte de « vecteurs propres » à mon espace politique. Le caractère intangible et inaliénable du concept de nation, et le fait avéré que la France, dont de Gaulle exprimait une certaine idée, ne pouvait-être elle-même que si elle était et demeurait « libre et indépendante ».
Enthousiaste adhérent au RPR dès sa fondation, je m’écartais de lui au moment de Maastricht, en me cantonnant toutefois à un petit rôle très technique, dû essentiellement à mon activité syndicale nationale et internationale. En 1997, la rupture fut consommée et je décidais en 1999 de rejoindre le MPF, animé par Philippe de Villiers, plus conforme à mes aspirations. J’osais espérer, déjà, que conformément à la vision exprimée par le Général dans le discours de Bruneval, « un jour viendra où la masse immense des Français se rassemblera sur la France ! ».
Un des temps forts de cette prémonition fut sans conteste le référendum du 29 mai 2005 lorsque le projet de traité constitutionnel européen fut rejeté par 55% des français, ouvrant la voie à ce qui aurait dû être une ère nouvelle.
Ce résultat, confisqué par une distorsion de notre Constitution, a, certes, remis en selle un RPR en quête de substance, mais à paralysé le rassemblement des patriotes en maintenant des faux clivages.
J’ai voulu croire, en 2011, à la sincérité de Marine Le Pen, qui venait d’être élue à la présidence du Front National, et qui voulait résolument s’engager dans ce rassemblement de tous les Français, prélude indispensable au maintien de notre indépendance et et de notre souveraineté.
Gilbert Collard et Jacques Clostermann avaient su trouver les mots qu’il fallait pour que j’adhère au Rassemblement Bleu Marine. J’y ai rencontré, au travers des réunions de Cap Eco, des gens intéressants et compétents tels que Bernard Monot et beaucoup d’autres, et nous avions en commun ces idéaux.
Mais, malheureusement, la logique de parti a fini par l’emporter.
Parachuté dans le Maine et Loire à l’occasion des élections régionales de décembre 2015 (après une ingérence mal supportée sur le plan local qui avait entraîné une cascade de démissions) sous l’étiquette RBM et sur la liste conduite par Pascal Gannat, j’y ai vu un signe du destin qui allait peut-être me permettre de jouer un petit rôle de « go-between », prélude hypothétique à terme d’un éventuel rapprochement avec le groupe majoritaire conduit par Bruno Retailleau, que j’avais rencontré lors de mes années MPF. Soucieux de ne pas heurter d’autres personnes de mon groupe, je décidais donc de « donner du temps au temps » en essayant de trouver des « thèmes de convergence » qui auraient pu servir de liant pour le futur. Car, plus que jamais, j’avais la conviction que cette large union nationale de tous ceux qui voulaient défendre la France en tant que nation souveraine finirait par s’imposer, bien au-delà des logiques d’appareil.
Après l’élection présidentielle de 2017, un différent opposa Pascal Gannat, président de notre groupe au Conseil Régional des Pays de la Loire, à la présidente du Front National. Sa position étant devenue difficile, il me proposa de donner mon nom afin d’assurer son éventuelle succession au sein de notre groupe. Cela fut accepté par les instances, mais, pour des raisons personnelles, j’avais besoin que les autres membres du groupe donnent également leur avis et j’ai donc été élu en remplacement de Pascal, qui voulût bien me conserver son estime.
Soucieux avant tout de conserver l’intégrité du groupe, et ne connaissant rien aux tenants et aboutissants qui en étaient à l’origine, j’ai, de prime abord, essayé d’en analyser le fonctionnement.
Il m’est apparu notamment que le choix des collaborateurs du groupe ne se faisait pas entièrement sur des critères de compétences mais, du moins dans certains cas, sur « l’amicale pression » du parti qui tenait à « recaser » certains candidats non élus mais jugés « méritants » et surtout occupant des fonctions dans les fédérations départementales. Cette prééminence de l’organisation sur le parti qui, grâce au pouvoir discrétionnaire de l’investiture, allait se trouver à l’origine d’un certain nombre de dysfonctionnements qui allaient considérablement restreindre l’action politique, du moins en regard du rassemblement des Français et de la défense de ce bien commun qu’est la Nation.
Coupés de leur électorat, les conseillers régionaux ne peuvent plus représenter efficacement ceux qui les ont élus et cette distance ne permet pas d’envisager le seul rassemblement qui serait efficace, à savoir celui qui réunit les électeurs au delà des clivages induits par les partis politiques. Dès le départ enfermés dans cette « discipline de parti » on ne peut s’en affranchir qu’en devenant une sorte de « traître à la cause » alors même que l’intérêt conjoint du peuple et de la Nation exigent un tel rassemblement.
Et c’est cette même logique de clan qui a poussé à l’éviction de Pascal Gannat, mettant en pleine lumière la suspicion qui s’exerçait à l’encontre de certains de nos collègues considérés comme « cathos ». Je pensais que le rôle d’un rassemblement était plutôt d’unir et non d’exclure, et ne comprenais pas le pourquoi de cet ostracisme religieux.
De famille d’origine juive par mon père, mais baptisé catholique parce que « cela se faisait » dans l’immédiat après-guerre, j’avais reçu de mon père et de ma mère cet héritage qui faisait que ma famille était avant tout française, bien avant d’être juive ou catholique. Je n’ai pas compris ces procès d’intention « à répétition » qui ont finalement conduit à l’éclatement de notre groupe, ce qui était l’exact opposé de tout ce que j’avais cherché à faire.
Réduit à moins de la moitié de notre effectif initial, avec seulement deux assistants, [dont l’un, il faut bien le dire, fut très peu présent et ceci pour des raisons souvent inexpliquées, mais que la hiérarchie du Rassemblement National avait choisi de protéger, probablement en raison du fait qu’il était membre de la CNI (Commission Nationale d’Investiture)] Notre groupe fit cependant face à ses engagements et continua, dans des conditions matérielles souvent difficiles, à représenter nos électeurs du mieux que nous le pouvions,
Que mes collègues Brigitte Neveux, Brigitte Nedelec et Barbara Mazières, ainsi que la secrétaire générale de notre groupe, Eléonore Revel, conduite de facto à assumer seule l’ensemble des fonctions administratives, en soient ici chaleureusement remerciées.
Pour autant, les convictions personnelles des membres du groupe initial n’avaient pas été altérées par ces événements et nous nous sommes attachés à continuer à œuvrer pour l’avenir, persuadés que le jour du grand rassemblement des patriotes viendrait et que, quel que soit la personne qui, ce jour venu, serait à même de l’incarner, celle-ci puisse nous trouver résolument à ses côtés. Après tout, nous avions appris à nous connaître, à travailler ensemble et il eût été dommage de rester à l’écart de ce que nous appelions de tous nos vœux.
Depuis plusieurs mois, les choses se sont précipitées. La crise du COVID a montré que nous avions, au travers de la désindustrialisation, généré par le libre échange mondialisé, perdu notre indépendance et hypothéqué notre avenir. Nos compatriotes ont pris conscience des dangers qui nous menaçaient et semblent sortir de leur léthargie. Ils ont également compris l’enjeu de l’élection présidentielle d’avril. Ce besoin de croire encore à la France et à son avenir en tant que nation s’est progressivement incarné en la personne d’Eric Zemmour, nouveau venu en politique mais enrichi de l’expérience de l’Histoire, façonné par la double épopée de Napoléon et celle, plus récente, de de Gaulle. Ces deux figures tutélaires, auxquelles il fait souvent référence dans ses propos, sont là pour que le peuple français se réapproprie son Histoire afin que, fort de son passé millénaire, il puisse à nouveau prendre son destin en main.
Ainsi guidée par sa propre histoire, « las des jeux stériles où s’égare la Nation et se disqualifie l’Etat, la masse immense des Français se rassemblera sur la France ».
Jean Goychman
Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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