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Challenges et l’immigration : derrière les fantasmes… encore des fantasmes !

Dans son édition n° 715 du 21 octobre 2021, l’hebdomadaire Challenges a consacré sa Une et un dossier au sujet de l’immigration : « Derrière les fantasmes… IMMIGRATION Coûts et bénéfices ». Le titre est prometteur, et le lecteur s’attend à une série d’articles fouillés, signés par des spécialistes de la question, et qui vont au-delà des idées préconçues concernant un phénomène qui inquiète ou qui réjouit, mais qui ne laisse aucun Français indifférent à six mois des élections présidentielles.

Or ce dossier est hélas loin d’honorer cette promesse. Entre erreurs flagrantes (1), jugements partisans (2), contradictions internes (3), manque de recul et d’analyse des données présentées (4) et usage de techniques de manipulation de l’opinion (5), il est indigne des bonnes pratiques de la presse écrite.

1. Des erreurs flagrantes

Le dossier de Challenges présente deux erreurs grossières, qui auraient pu être facilement vérifiées et corrigées, ce qui témoigne d’un certain amateurisme de l’équipe de rédaction sur ce sujet de l’immigration en France.

En premier lieu, est mentionnée, à l’égard des immigrés en France, « l’interdiction d’exercer dans les cinq millions de postes liés à la fonction publique ». Cette affirmation est fausse à plusieurs titres. Rappelons tout d’abord que les emplois de fonctionnaires titulaires sont accessibles aux personnes de nationalité française ou européenne. Les immigrés européens, et ceux qui obtiennent une nationalité européenne, sont donc tout à fait éligibles à ces emplois. Challenges confond ici la notion d’immigré et celle d’étranger. Surtout, cette affirmation néglige que plus d’un million des 5,7 millions d’emplois de la fonction publique sont de nature contractuelle (20%)[1]. Or ces emplois sont ouverts à tous les étrangers, y compris extra-européens[2]. Depuis la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, le recours aux emplois contractuels a en outre été largement facilité et normalisé, y compris dans la haute fonction publique. Ce mouvement de contractualisation de la fonction publique est d’ailleurs plus ancien : la Cour des comptes relève qu’entre 2010 et 2017, l’augmentation du nombre d’agents contractuels a été trois fois plus rapide que celle des agents titulaires[3]. Contrairement à ce que colporte Challenges, les emplois publics sont donc largement ouverts aux immigrés en France, et ils le sont de plus en plus, notamment dans les postes à hautes responsabilités.

En second lieu, Challenges prétend que les aides publiques dont bénéficient les demandeurs d’asile en France seraient plus faibles que dans d’autres pays européens dont l’Allemagne. Le chiffre de 204 € mensuels de l’allocation de demandeur d’asile est comparé à un chiffre présenté comme équivalent de 354 € en Allemagne. Or ce chiffre de 204 euros ne concerne que les demandeurs d’asile qui bénéficient d’un logement gratuit en France, alors que le chiffre de 354 € concerne à l’inverse les demandeurs d’asile sans logement en Allemagne. La France est en réalité plus généreuse que l’Allemagne envers les demandeurs d’asile, comme le montre le tableau suivant :

France Allemagne Surcoût en France
Demandeur d’asile logé gratuitement 204 € 135 € +51%
Demandeur d’asile sans logement 426 € 354 € +20%

Source : service-public.fr ; infomigrants.net

Encore une fois, la rédaction de Challenges témoigne d’une profonde méconnaissance du phénomène migratoire, en confondant les deux forfaits versés aux demandeurs d’asile en fonction de leur situation de logement. Cette confusion aboutit à des comparaisons erronées entre la France et ses voisins européens, ces derniers étant présentés comme offrant une prise en charge plus généreuse des demandeurs d’asile, alors que la France est au contraire l’un des pays les plus attractifs sur ce point. La prise en charge des besoins de santé, qui n’est pas analysée dans le dossier de Challenges, participe également de cette attractivité.

Ces deux erreurs flagrantes sont le signe d’un certain manque de sérieux de la part de Challenges dans la rédaction de ce dossier. Alors que l’objectif affiché était d’aller « Derrière les fantasmes », cette publication contribue ainsi, malheureusement, à alimenter les fausses idées reçues sur l’immigration, et à désinformer les citoyens qui s’interrogent légitimement sur ce sujet.

2. Un dossier à charge et partisan

Challenges prétend faire œuvre d’objectivité dans son dossier, afin d’établir une vision dépassionnée des coûts et bénéfices de l’immigration. Le mode de rédaction de cette publication témoigne pourtant de tout le contraire, comme le montrent les nombreux jugements de valeur qui l’émaillent. Les personnalités qui critiquent la politique migratoire de la France y sont qualifiées de « démagogues xénophobes » qui « jouent sut l’anxiété provoquée par l’arrivée de populations étrangères ». Le grand remplacement y est présenté comme une « théorie complotiste, raciste et xénophobe », ce qui réjouira sans doute les 61% de Français qui y souscrivent dans le sondage présenté plus loin.

Ce dossier fait aussi la part belle aux procès d’intention. Ainsi, la surreprésentation des immigrés parmi les bénéficiaires de logements sociaux et du RSA n’est là que pour « alimenter les discours populistes ». Et quand Marine Le Pen développe un argument pour mieux contrôler l’immigration, ce n’est que pour « reprendre la vieille antienne de son père ». Challenges reconnaît tout de même que lorsqu’elle évoque « l’impact de l’immigration dans la société [et] sur le marché du travail », « la droite extrême pointe un certain nombre de préoccupations pas forcément illégitimes ». Ouf !

Pour que les opinions personnelles de l’équipe de rédaction restent discrètes, Challenges ne recule devant rien et va même jusqu’à rédiger un curieux éloge des dernières annonces du Gouvernement : « en portant [Eric Zemmour] si haut dans les sondages, [les Français] adressent un message aux dirigeants sur la nécessité de s’emparer de la question. Reçu cinq sur cinq. Déjà le gouvernement s’active. Fermant des mosquées. Durcissant les conditions d’octroi de visas pour les ressortissants de Tunisie, du Maroc ou d’Algérie, pays qui refusent d’accueillir les illégaux expulsés par la France ». Ces mesures sont intéressantes, mais quels sont leurs résultats ? Pourquoi le Gouvernement ne prend ces mesures qu’à la fin du quinquennat, alors que le sujet de l’immigration était déjà brûlant en 2017 et plaçait le RN plus haut encore dans les sondages qu’Eric Zemmour aujourd’hui ? Comment se fait-il que le Gouvernement doive recourir à de telles mesures aujourd’hui, alors que la loi « Asile et immigration » du 10 septembre 2018 était censée aboutir à « une immigration maîtrisée » ? Tant de questions auxquelles le dossier de Challenges ne répondra pas. Il est vrai que cela aurait nécessité une certaine prise de recul sur l’actualité, et un travail d’analyse et d’investigation, ce qui n’est manifestement pas le fort des journalistes de ce magazine.

Pour lire la suite de l’article, rendez-vous sur le site de l’Observatoire de l’immigration

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2021, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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