Emmanuel Macron a tenté de sauver l’influence française en Afrique actuellement en difficulté[1], par la mise en scène artificielle d’un « dialogue avec la société civile ». En réalité, comme nous l’exposions dans notre précédent article[2], le problème ne peut être résolu sans un abandon déterminé du néocolonialisme destructeur tant pour les Africains que pour les Français.
Une opération de séduction pour masquer le continuum de la Françafrique
Le sommet Afrique-France s’est tenu à Montpellier le 8 octobre dernier. Pour la première fois, le sommet traditionnel s’est tenu dans un format spécial. Le président français Emmanuel Macron a choisi de ne pas rencontrer ses homologues africains mais des représentants de la société civile, non seulement africaine mais aussi des diasporas africaines en France.
Avant le sommet, des déclarations fracassantes ont été faites sur la relance des relations franco-africaines, la volonté d’écouter la voix de la jeunesse africaine, d’engager le dialogue avec la société civile et ainsi de suite. Cependant, une évidence ressort de ce forum : il n’y a pas eu de dialogue mais un monologue.
En effet, malgré l’habillage cosmétique post-moderne et très « société ouverte » de l’évènement, la société civile africaine a en fait eu une vision très négative de ce sommet. Même les Africains sélectionnés pour participer au sommet ont accusé la France de « racisme » et de manque de démocratie, cela au cœur même de l’évènement. Par exemple, Adèle Onyango, une figure médiatique kenyane, qui a déclaré devant Macron que la France : « est elle-même enlisée dans des questions de racisme, et elle vient nous donner des leçons de démocratie ? Nous trouvons ça un peu arrogant »[3]
À l’extérieur du lieu du sommet, des protestations ont eu lieu[4] et un contre-sommet[5] alternatif a même été organisé.
Des intellectuels de la République du Tchad ont quant à eux écrit une lettre ouverte aux organisateurs du forum, les accusant de tenter de masquer la violation de souveraineté des puissances africaines :
« Ainsi donc, au regard des réalités susmentionnées, nul doute que le sommet de Montpellier s’inscrit dans la droite ligne des précédents et ne représente aucune évolution dans les relations ambiguës jusque-là entretenues par les autorités françaises. Tant que les Français ne se poseront pas de questions sur leur avenir en tant que nation-lumière, la France-Afrique aura de beaux jours devant elle avec des Autorités adoubées par la France et rejetées par leurs populations ».[6]
Panafricaniste bien connu, l’activiste Kémi Séba a commenté ainsi la participation au Sommet d’intellectuels et personnalités africaines :
« Mon problème, ce n’est même pas Macron, mais la participation idiote de ces quelques africains, triés sur le volet, assoiffés de reconnaissance, et qui sans s’en rendre compte, participent au narratif du renouvellement du néocolonialisme français. » [7]
Lors du sommet Afrique-France, Macron a annoncé la création d’un « fonds d’innovation pour la démocratie en Afrique ». La France investira 30 millions d’euros dans cette structure sur trois ans. Une autre initiative a été la création d’un fonds préliminaire de dix millions d’euros pour aider les start-ups et les entreprises numériques africaines dans le cadre du projet Digital Africa[8].
Cependant, les Africains n’ont pas apprécié la « générosité » de Macron. Selon Kémi Séba, il s’agit ici de reformater la Françafrique, d’un projet oligarchique vers un projet néolibéral :
« La Françafrique au 21e siècle ne sera pas la Françafrique des papas dictateurs avec l’oligarchie française, la Françafrique au 21e siècle sera dans une dynamique néolibérale globalisée, sera – un peu similaire avec ce qui se fait avec George Soros – l’accointance de l’oligarchie française avec les sociétés civiles africaines, qui seront cooptées ».[9]