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Quartiers prioritaires : la Cour des comptes révèle un échec massif et coûteux

Il est dommage que la Cour des comptes ait ignoré la Bretagne en rédigeant son rapport sur L’Évaluation de l’attractivité des quartiers prioritaires publié ce 2 décembre. Ce rapport contient des coups de projecteur sur huit quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Ils sont dispersés à travers la France, du Nord aux Alpes-Maritimes en passant par la région parisienne. Mais tous sont situés à l’Est du méridien de Paris.

Il est vrai que la Bretagne ne compte qu’une cinquantaine de QPV (voir liste ci-dessous), soit guère plus de 3 % des 1 514 QPV français. Elle représente pourtant 7% de la population. C’est-à-dire que l’attention de l’État et les budgets publics sont concentrés sur d’autres régions et d’autres populations.

« Depuis 40 ans, rappelle la Cour, la politique de la ville a pour objectif de réduire les écarts entre les quartiers dits ‘prioritaires’ et les autres, en améliorant les conditions de vie de leurs habitants. » L’État y consacre environ 10 milliards d’euros chaque année. S’y ajoutent « les financements de la rénovation urbaine et les dépenses, difficilement mesurables, des collectivités territoriales ». C’est-à-dire, en quarante ans, des centaines et même probablement des milliers de milliards d’euros consacrés à ces quartiers plutôt qu’à des dépenses bénéficiant à l’ensemble des Français.

En dépit des moyens financiers et humains déployés l’attractivité des QPV a peu progressé en dix ans

Pour quel résultat ? Nulle part la débauche de bonnes intentions et d’échafaudages technocratiques n’a obtenu de résultats satisfaisants. L’avis de la Cour des comptes est sans appel : « en dépit des moyens financiers et humains déployés [l’attractivité des QPV] a peu progressé en dix ans ». Dix ans, car la Cour a choisi de prendre comme référence l’année 2008, sans remonter aux origines de la politique de la ville au début des années 1980. L’objectif de son rapport public thématique est lui aussi limité : il vise à « évaluer dans quelle mesure la politique de la ville a permis de donner envie à des personnes extérieures à ces quartiers de venir y habiter et à ceux qui y résident d’y demeurer en exerçant leur libre choix ».

Ce critère présente une certaine pertinence : savoir si un quartier « fait envie » donne une certaine idée de sa situation. Mais il permet aussi d’éviter des sujets qu’on ne souhaite pas aborder. Ainsi, les mots « immigrés » ou « immigration » n’apparaissent que sept fois en 776 pages ! Pourtant, les immigrés représentent en moyenne 26,7 % de la population des QPV en France métropolitaine, et beaucoup plus dans certains cas : 40,2 % à Bron (Lyon) par exemple, ou 42 % dans les quartiers sud-est de Saint-Étienne.

Quant au facteur religieux, il n’était pas possible de l’ignorer ignorer entièrement. La Cour évoque à plusieurs reprises le « communautarisme » comme un phénomène toxique. Elle se garde le plus souvent de préciser qu’elle désigne par là la pratique de l’islam.

 Quartiers prioritaires, quartiers privilégiés ?

La Cour consacre un encadré révélateur à la mosquée En Nour de Sarcelles. Les circonlocutions de sa conclusion illustrent bien la difficulté de tenir un discours de vérité sur le sujet : « Si l’exemple de la présence religieuse à Rosiers-Chantepie témoigne d’une ligne de partage délicate entre la production d’un lien social et la garantie du contrat social républicain, il pose également la question de l’engagement financier des pouvoirs publics dont l’efficience doit être mesurée au regard de l’urgence à prévenir des crises, des obligations législatives découlant de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, et de la stratégie d’adhésion aux principes républicains. »

Globalement, le constat d’échec est sans appel. Ce qui a de quoi étonner. La situation déplorable des quartiers prioritaires n’est pas due à un manque d’argent : on leur consacre de gros moyens. Elle n’est pas due à un manque d’attention : de nombreuses actions sont lancées en leur faveur. Elle n’est pas due à la désertion des services publics : les équipements scolaires et périscolaires sont nombreux et souvent récents, les transports publics ne manquent pas, etc. Elle n’est pas due au manque d’opportunités : de nombreux programmes sont organisés pour faciliter la création d’entreprises et d’emplois.

À bien des égards, les quartiers prioritaires sont aujourd’hui des quartiers privilégiés. Aucune petite ville du centre-Bretagne ne reçoit autant d’argent et d’attention, alors que les revenus moyens y sont tout aussi bas. Pourtant, malgré la débauche de moyens, rien ne semble fonctionner : la plupart de ces quartiers demeurent des repoussoirs. La racine des problèmes doit être ailleurs. Mais où ? La Cour des comptes le dit assez clairement entre les lignes. Mais elle laisse à chacun la possibilité de ne pas voir ce qu’il ne veut pas voir, et de continuer les dépenses en pure perte.

LES QUARTIERS PRIORITAIRES EN BRETAGNE

Côte-d’Armor

Ar Santé-Les Fontaines, Lannion / Ker Uhel, Lannion / Iroise, Ploufragan / Croix Saint-Lambert-Ville Oger, Saint-Brieuc / Le Plateau-Europe-Balzac, Saint-Brieuc / Point Du Jour, Saint-Brieuc / La Fontaine Des Eaux, Dinan

Finistère

Kerandon, Concarneau / Kermoysan, Quimper / Kerourien, Brest / Bellevue, Brest / Keredern, Brest / Lambezellec Bourg, Brest / Pontanezen, Brest / Queliverzan Pontaniou, Brest / Kerangoff Loti, Brest

Ille-et-Vilaine

La Découverte, Saint-Malo / Villejean, Rennes / Les Clôteaux-Champs Manceaux, Rennes / Maurepas, Rennes / Le Blosne, Rennes / Cleunay, Rennes / Bellevue, Redon

Loire-Atlantique

Ville Ouest, Saint-Nazaire / Petit Caporal, Saint-Nazaire / Robespierre-Prézégat, Saint-Nazaire / La Ville Aux Roses, Châteaubriant / Bellevue, Nantes, Saint-Herblain / Les Dervallières, Nantes / Le Breil, Nantes / Bout Des Landes – Bout Des Pavés – Chêne Des Anglais, Nantes / La Boissière, Nantes / Port Boyer, Nantes / Le Clos Toreau, Nantes / Le Ranzay, Nantes / Malakoff, Nantes / Bottière Pin Sec, Nantes / La Halvêque, Nantes / La Petite Sensive, Nantes / Plaisance, Orvault / Château, Rezé / Le Sillon De Bretagne, Saint-Herblain

Morbihan

Gumenen Goaner-Parco Pointer, Auray, / Les 3 K : Kennedy-Kergohic-Kerihouais, Hennebont / Centre Ville Kerfrehour, Lanester / Kervenanec Nord, Lorient / Polygone Frebault, Lorient / Bois Du Château, Lorient / Kerguillette Petit Paradis, Lorient / Kercado, Vannes / Ménimur, Vannes

Illustrations : DR
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