19/08/2014 – 07H00 Rennes (Breizh-info.com) – « Voilà soixante-dix ans naissait Ouest-France », titrait le quotidien rennais le 7 août 2014.
Effectivement, le 7 août 1944 paraissait le premier numéro d’un quotidien baptisé Ouest-France : une seule feuille, recto verso, puis pliée en deux, ce qui donne quatre pages demi-format/ A la une, à gauche, une photo du général De Gaulle, président du gouvernement provisoire de la République française. A droite, sur trois colonnes, d’abord un surtitre : « la Bretagne délivrée de l’envahisseur », puis un titre : « Rennes accueille avec enthousiasme ses libérateurs ».
Le sous-titre correspond à l’actualité : « l’entrée de nos alliés américains dans la capitale bretonne a donné lieu à d’indescriptibles manifestations populaires ».
Sur cette période, la direction d’Ouest-France – hier Paul Hutin Desgrées, aujourd’hui son fils François Régis Hutin – a toujours cherché à entretenir un certain flou artistique.
Souvent, il est de bon ton d’écrire que Ouest-France a été « crée » ou bien « fondé » en août 1944 par Paul Hutin et son beau-frère François Desgrées, tous deux présentés comme « journalistes réfractaires ».
Comme si le journal était sortir d’un néant bien pratique, ex nihilo. Un coup de baguette magique et apparaît Ouest-France …il n’en est rien .
A la vérité, Ouest-France s’installe dans les meubles d’Ouest-Eclair, quotidien démocrate-chrétien fondé par un avocat brestois, Emmanuel Desgrées, en août 1899, et par un abbé « démocrate », Félix Trochu.
Cette création s’inscrit dans le cadre du ralliement de l’Eglise à la République, après l’échec de la Restauration en 1873, puis la mort du comte de Chambord en 1883.
A la libération (août 1944 à Rennes), une équipe de démocrates-chrétiens gaullistes s’empare du journal et vire l’équipe de démocrates-chrétiens (tendance Pétain) qui avait dirigé le journal pendant la guerre. L’important est assuré : le quotidien demeure dans le giron de la famille démocrate-chrétienne.
Le changement de propriétaires s’effectue simplement : une nouvelle société – avec des actionnaires démocrates-chrétiens brevetés « résistants » – met la main sur le siège du journal (rue du Pré Botté à Rennes). Là on trouve tout ce qu’il faut pour un journal : papier, encre, rotatives, ouvriers, employés, journalistes, clientèle, réseau commercial … avec la bénédiction de l’Eglise catholique.
Il suffit de mettre à la porte les rédacteurs du service politique – qui se sont « mouillés » pendant l’Occupation – et de changer le titre, et le tour est joué.
Sans les circonstances politiques favorables de la Libération, François Régis Hutin ne serait pas, aujourd’hui, le patron d’Ouest-France, lequel continuerait à s’appeler Ouest-Eclair. Cela dit, Hutin père et fils ont su développer leur quotidien – devenu le premier de France.
En effet, la diffusion totale est passée de 208 881 exemplaires en 1944 à 751 225 en 2013.
Certes, depuis 1992, l’effritement des ventes apparait continu.
Il faut en chercher l’explication principalement du côté du contenu, trop plan-plan, trop fade, manquant de réactivité, pas assez proche des lecteurs.
La charte des faits divers de 1988 résume bien l’affaire : « dire sans nuire, montrer sans choquer, témoigner sans agresser, dénoncer sans condamner ».
C’est oublier qu’aujourd’hui, seuls les faits divers dynamisent les ventes des quotidiens régionaux et des hebdomadaires locaux. Même la télévision leur accorde une place de plus en plus grande. Sans eux, la mort de cette forme de presse est assurée.
Mais, à Ouest-France, on a des « principes » : on se refuse à « travailler » les faits divers. Cette attitude appartient d’ailleurs à la tradition démocrate-chrétienne de la maison …
Bernard Morvan
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