À la suite de l’autorisation temporaire de l’utilisation des néonicotinoïdes par la filière betteravière française, la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili s’est récemment exprimée pour tenter de justifier la décision. Un numéro d’équilibriste rendu encore plus difficile par une récente étude affirmant que des traces de néonicotinoïdes sont présentes dans certains aliments.
Barbara Pompili, écologiste « sauf exception »…
Le 6 octobre dernier, l’Assemblée nationale a de nouveau autorisé l’utilisation temporaire des néonicotinoïdes réclamée par la filière de la betterave dont la production est en partie menacée par la prolifération d’un puceron vert vecteur de la « jaunisse ». Avec l’annonce du retour de ce pesticide, ce fut aussi l’occasion de souligner les contradictions de la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili, qui s’est retrouvée en première ligne en cet automne 2020 pour assurer le service après-vente de cette décision largement contestée chez les défenseurs de l’environnement. En effet, c’est la même Barbara Pompili qui mena le combat pour l’interdiction des néonicotinoïdes en 2016.
Interrogée sur CNews le 11 octobre, la ministre de la Transition écologique a déclaré qu’elle assumait « complètement des choix parfois difficiles » concernant la réintroduction temporaire de ces insecticides neurotoxiques pour sauver la filière betterave. Tout en essayant « de ne pas tomber dans le blanc ou noir ». Pour Barbara Pompili, l’essentiel est d’abord de savoir « si oui ou non on veut continuer à fabriquer du sucre en France métropolitaine ? Quand on doit décider si on garde ou pas une filière, il faut l’anticiper. »
« Se débarrasser de ces pesticides », mais pas tout de suite
Attaquée sur l’évolution de son discours, la ministre a tenté de manœuvrer pour se justifier : « Moi, je suis une écologiste, je veux me débarrasser de ces pesticides [NDLR : les néonicotinoïdes]. Simplement quand on a un obstacle, soit on peut se mettre la tête dans le sable comme certains le font en disant « y’a qu’à, faut qu’on », soit on agit en responsabilité, c’est ce que j’ai essayé de faire ».
Ainsi, la permission par la loi d’utiliser les néonicotinoïdes jusqu’en 2023 est le fruit d’un constat amer : le maintien des rendements de betteraves au niveau actuel est conditionné par le recours à des semences enrobées de ces pesticides pour éviter leur destruction par les pucerons. Car aucune alternative chimique ou agronomique suffisamment efficace n’est aujourd’hui disponible sur le marché. Des alternatives dont « on se rend compte qu’elles ne fonctionnent pas », précise Barbara Pompili.
Avant d’envoyer un signal à une partie de l’électorat sensible aux questions environnementales : « sur cette petite partie d’utilisation des néonicotinoïdes, on fait une exception qui va durer très peu de temps, trois ans maximum, et après ça sera terminé ». Ajoutant qu’elle est « très fière que la France soit le premier pays où il n’y aura plus de néonicotinoïdes grâce à l’action que nous avons menée ».
Des traces de néonicotinoïdes dans certains aliments
Si la survie de la filière betteravière, des producteurs jusqu’aux sucreries, est actuellement dépendante de cette nouvelle autorisation de l’utilisation des néonicotinoïdes, ces derniers ont plus que jamais mauvaise presse. Outre les apiculteurs dénonçant de longue date ces pesticides « tueurs d’abeilles », l’ONG Générations futures a publié au début de ce mois d’octobre les résultats des contrôles effectués par la DGCCRF (Direction générale de la répression des fraudes) sur les résidus (donc en dessous des normes autorisées) de pesticides dans les aliments d’origine végétale.
Les résultats ont de quoi laisser perplexe puisque, sur 4 598 échantillons non bios examinés, 491 (soit 10,68 %) présentaient des traces de néonicotinoïdes. De plus, sur ces 491, 140 (soit 28,5 %) contenaient la trace de plusieurs de ces produits.
Parmi les aliments les plus concernés, on retrouve les thés d’origine chinoise avec 157 échantillons incriminés. Les poires, les piments et les cerises arrivent ensuite.
Quant aux pays de production, c’est donc de Chine que proviennent le plus grand nombre de produits (157) contenant des néonicotinoïdes, devant la France avec 79 échantillons présentant des traces de résidus (soit 12,2 % du total). Au total, des produits provenant de 32 pays présentaient des traces de résidus, dont les deux tiers issus de pays hors Union Européenne.
AK
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