Dans « Miscellanées bretonne », puis dans « Breizh bric-à-brac », Yann Lukas accorde à Joseph Fouché le service minimum.
Récapitulant les Bretons figurant dans le Petit Robert des noms propres, il se contente de noter : « Fouché, Joseph, homme politique, ministre de la police de Napoléon, Le Pellerin 1759 – Trieste 1820 ».
En réalité, le personnage mérite mieux que ces quelques lignes hâtives car le sieur Fouché est certainement l’un des personnages les plus extraordinaire que la Bretagne ait connu.« Le seul homme d’Etat que j’ai eu » déclarait Napoléon.
M. Fouché est né le 21 mai 1759, non loin de Nantes. Son père était capitaine au long cours; Carrière que n’embrasse pas le jeune Joseph, car de composition fragile. C’est pourquoi il fréquente le collège des Oratoriens de Nantes, puis le séminaire de l’ordre dont il sortira « clerc tonsuré » – mais il ne recevra jamais la prêtrise.
Après huit années d’étude, le « père Joseph » enseignera la physique dans différents établissement de l’ordre.
En 1789, le père Fouché dit de Rougerolle – du nom de l’une de ses terres familiales – quitte le collège d’Arras pour occuper la chaure de physique du collège de Nantes, dont il devait bientôt être nommé principal. Il retrouve ainsi la ville de son enfance, quittant une cité devenue presque révolutionnaire pour une ville à majorité royaliste.
On voit Fouché adhérer à la société des amis de la constitution dont il est élu président en 1791. Notons qu’à Arras, M. Fouché était devenu membre de la loge maçonnique Sophie Madeleine, reine de Suède.
Au lendemain de la chute de la monarchie, il se présente aux élections de la Convention nationale : « il fallait à la Loire-inférieure un député qui fût breton et qui eût dès l’enfance bégayé l’idiome des marins, qui connût et pratiquât leurs moeurs, er, par calcul personnel autant que par patriotisme, sût faire entrer leur intérêts dans les lois. »
Le 2 septembre 1792, Joseph Fouché est élu député avec six autres candidats par l’Assemblée électorale et obtient deux cent cinquante-six voix sur quatre cent cinq suffrages.
L’ex père Fouché, devenu conventionnel, donne sa démission de principal du collège et épouse, à l’église Saint-Nicolas de Nantes, la fille du président du district de la ville.
Rien ne prédisposait donc Joseph Fouché à voter la mort de Louis XVI le 16 janvier 1793.
Lorsque l’huissier crie « la Loire inférieure », Fouché monte lentement à la tribune et, d’une voix propre, presque basse, lance ces deux mots : « la mort » – « plus haut ! Plus fort « protestent certains députés. – « La mort » répète Fouché d’une voix toujours aussi sourde. Position difficilement explicable puisque les Nantais – ses électeurs – sont royalistes.
Et le roi sera condamné à mort çà une voix de majorité …
Si les royalistes peuvent lui reprocher à juste titre son vote, ils doivent tout autant le remercier pour avoir remis sur le trône Louis XVIII au lendemain des Cent-jours. « Je n’ai connu qu’un traître véritable, un traître consacré : Fouché » dira Napoléon à Saint-Hélène.
En effet, ce n’est que lorsque la balance penche définitivement d’un côté, qu’après la passion du jeu, la raison réapparait, pour encaisser le bénéfice ; ce n’est que lorsque la victoire est acquise que Fouché se décide : ainsi à la Convention, ainsi sous le Directoire, sous le Consulat et sous l’Empire.
Pendant le combat, il n’est avec personne, mais à l’issue de la bataille, il est toujours du côté du vainqueur. Si Grouchy était arrivé assez tôt, Fouché aurait été ministre convaincu de Napoléon.
Mais, comme celui-ci perd la bataille, il le laisse tomber et il abandonne sa cause. Sans chercher à se défendre, avec son cynisme habituel, il a prononcé le mot définitif au sujet de son attitude pendant les Cent-jours : « ce n’est pas moi qui ai trahi Napoléon, mais Waterloo. »
Redevenu ministre de la Police par la grâce des Cent-Jours, le duc d’Otrante (Fouché) ne restera pas longtemps fidèle à Napoléon.
Dès la défaite de Waterloo connue, il s’emploie à empêcher la dernière tentative de l’empereur pour conserver le pouvoir ; ce dernier réclame la dictature, la concentration de tous les pouvoirs civils et militaires dans ses mains, la levée de 100 000 hommes, la réquisition des chevaux de luxe …
En manipulant Lafayette, Fouché obtiendra de la Chambre qu’elle ne donne pas suite à ces exigences.
C’est à Fouché que Napoléon remettra sa lettre d’abdication. En guise de gouvernement provisoire s’installe un directoire de cinq membres. Fouché en devient président après avoir roulé dans la farine Lazare Carnot. Le 28 juillet 1815, aux Tuileries , Fouché accueille Louis XVIII. IL s’incline profondément et avec déférence devant le descendant de Saint-Louis.
Vingt deux ans auparavant, dans le même palais, Fouché condamnait à mort le frère aîné.
Sans doute est-ce là le tour le plus extravagant accompli par cet acrobate de la politique. Bien entendu, il deviendra ministre de la Police sous Louis XVIII.
« Les passions de l’homme sont de tous les temps, mais l’art du politique est de les employer au bien commun » écrivait Fouché en 1792 aux Nantais pendant sa campagne électorale. Une phrase qui pourrait être toujours valable en 2014.
Reste à trouver le « Fouché » capable de faire de la défense des intérêts Bretons sa priorité. Etre le premier en Bretagne vaut mieux que de figurer dans les seconds, voire dans les troisièmes couteaux qui s’agitent sur la scène parisienne.
Bibliographie : « Fouché » par André Castelot (Perrin, 1990) et « Fouché » par Stephan Zweig (les cahiers rouges, Grasset, 2013)
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