Ce mercredi, l’association L214 présente de nouvelles images d’enquête filmées fin août 2020 dans un élevage en cage de plus de 40 000 lapins, situé à Augan dans le Morbihan. Une vidéo diffusée dans un contexte législatif précis, et qui démontre que l’association maîtrise parfaitement sa communication, tout en bénéficiant de relais puissants et influents en haut lieu. Une vidéo qui s’en prend à une petite entreprise (2 salariés) et qui ne passe pas dans le secteur, où certains évoquent une vengeance politique.
Des vidéos et des révélations L214 diffusées la veille d’un débat parlementaire
Les députés examinent à partir du jeudi 1er octobre 2020 une proposition de loi déposée dans le cadre de la niche parlementaire du groupe Écologie Démocratie Solidarité (EDS) autour de mesures relatives à la sortie de l’élevage intensif et de l’élevage en cage, ainsi qu’à l’interdiction de certaines pratiques de chasse, de l’élevage d’animaux pour leur fourrure et de la présence des animaux sauvages dans les cirques et les delphinariums. Le texte sera discuté en Commission des affaires économiques le jeudi 1er octobre et dans l’hémicycle le jeudi 8 octobre 2020.
L’article majeur de cette loi concerne l’élevage intensif et l’élevage en cage. Il stipule que : « La mise en production de tout bâtiment nouveau ou réaménagé ne garantissant pas aux animaux un accès au plein air adapté à leurs besoins est interdite à l’expiration d’un délai de douze mois à compter de l’entrée en vigueur de la loi » et que « L’exploitation de tout élevage n’offrant pas aux animaux un accès au plein air adapté à leurs besoins est interdite à compter du 1er janvier 2040. ».
L’article 1er prévoit la création d’un fonds de soutien afin d’accompagner les acteurs économiques durant la transition.
« Cette enquête illustre concrètement la situation des animaux dans les élevages intensifs. Les députés devront dire s’ils soutiennent ou non ce type d’élevage » indique les membres de L214. « Cet élevage morbihannais détient près de 3 000 lapines reproductrices, six fois plus que la moyenne française. Inséminées tous les mois et demi, ces lapines reçoivent des hormones PMSG, hormones issues du placenta de juments gestantes.
Ces images révèlent les conditions de vie terribles des lapins : des cages surpeuplées, un sol grillagé, la promiscuité, la privation de comportements essentiels, les maladies, les mortalités élevées… Ces images ne sont pas celles d’un “cas isolé” : en France, 99 % des lapins sont élevés en cage » indique l’association – que des éleveurs accusent fréquemment de manipulation – dans un communiqué.
Il faut tout de même préciser à la vue de la vidéo que les animaux ont manifestement été filmés en pleine nuit. Et que donc l’effet de panique et d’aveuglement par la lumière a pu jouer également dans le résultat final au niveau des vidéos. N’importe quel connaisseur de la ruralité sait par ailleurs que les lapins sont particulièrement fragiles et sensibles aux maladies, et qu’y compris dans un élevage dit « familial » il y a de la perte, fréquente.
Il faut également rappeler qu’en 2014, toujours à Augan (ce qui signifierait qu’un ou des militants de l’association L214 qui filme sont du secteur), l’association avait déjà publié une vidéo sur une autre exploitation, qui avait dans la foulée été déclarée conforme par la Préfecture. Le propriétaire de l’élevage montré du doigt en ce mois de septembre n’est pas surpris de cette nouvelle tentative de déstabilisation, alors qu’il nous explique qu’il y a quelques années, des militants avaient déjà pris des vaccins dans son exploitation en les présentant comme des antibiotiques. Il dénonce les méthodes de l’association, qui ne recherche pas le débat avec les personnes mises en cause, à aucun moment, mais qui « est une association intégriste ».
Il est vrai que les méthodes de l’association sont particulièrement bien rodées. Toute la presse française était au courant depuis mardi 29 septembre de l’opération (que les communicants réclament « sous embargo » jusqu’à une certaine date, en l’occurrence ce mercredi), tandis que des images vidéos brutes étaient diffusées en privé permettant aux chaînes de télévision et aux médias des montages au choix. Voir ci-dessous :
https://vimeo.com/456139758/2a3b2e4a60
Des agriculteurs et éleveurs impuissants face au rouleau compresseur médiatique L214
Face à un tel rouleau compresseur médiatique, difficile pour des éleveurs souvent pris au dépourvu de se défendre. « Si vous souhaitez solliciter l’éleveur ou les services du ministère de l’Agriculture (ou tout autre acteur de la filière ou institutions), merci de ne pas le faire avant ce mardi 29 septembre à 14h » ordonnait même L214 dans son communiqué de presse, en dessous de toute déontologie.
Au sujet de l’élevage intensif, particulièrement développé en Bretagne, voici ce qu’indique l’association :
Les lapins ne sont pas les seuls à subir l’élevage en claustration totale : en France, 80 % des animaux utilisés dans la production alimentaire sont issus d’élevages intensifs, entassés dans des bâtiments fermés sans aucun accès à l’extérieur, causant d’importantes souffrances à un milliard d’animaux chaque année. Effroyables pour les animaux, nos modes de production et de consommation nous exposent également à des risques :
– sanitaires (zoonoses, antibiorésistance) ;
– et de santé publique (facteur de risque de certaines maladies).
De plus, ce modèle a un impact négatif :
– au niveau environnemental (émissions de gaz à effet de serre, déforestation, pollution de l’eau, appauvrissement des sols, etc.) ;
– au niveau social (précarité, endettement, santé physique et mentale des éleveurs, des ramasseurs et des ouvriers d’abattoirs, etc.) ;
– ainsi qu’au niveau mondial (partage des ressources, expropriations, déséquilibre des marchés locaux).
L’association L214, soutenue médiatiquement par des stars du showbiz (qui pour la plupart vivent à Paris et dans les métropoles), relayée par tous les grands médias avec un œil bienveillant (loin d’une ruralité qui se sent attaquée par ces révélations), est pourtant loin de faire l’unanimité. Notamment parce qu’allant bien plus loin que la question du « bien-être animal », certains de ses acteurs principaux semblent véhiculer une idéologie qui ferait de l’éleveur et du mangeur de viande un quasi-criminel, ce qui laisse entrevoir des relents totalitaires inquiétant dans une société où les citoyens sont majoritairement amateurs, demandeurs, et consommateurs de (bonne) viande.
Au-delà de la lutte pour le respect de l’Article L214-1 du Code rural, l’association promeut en effet l’éthique de l’antispécisme, définit sur son site comme la « considération égale des intérêts de tous les êtres qui éprouvent des sensations, qui sont sensibles à la douleur et au plaisir. Elle conduit à rejeter la production et la consommation de produits d’origine animale, qui ne sont obtenus qu’au prix des souffrances de milliards de victimes chaque année. » Selon l’association, le « spécisme indirect » reste à blâmer pour la médiocrité de la condition animale car il encourage la conviction que certaines caractéristiques sont censées constituer « le propre de l’Homme » et feraient de nous des « êtres supérieurs par rapport aux autres animaux ». Pour eux, cela semble dans notre société légitimer l’activité des abattoirs, entre autres, car il est généralement accepté que « nous devrions être les seuls à bénéficier de droits fondamentaux : ne pas être tués, ni torturés, ni emprisonnés. À l’inverse, nous aurions toute latitude de faire souffrir et mourir les autres êtres sensibles. »
L’association met sur le même plan animaux et êtres humains. Ce qui pose fondamentalement un problème éthique et philosophique. Elle a par ailleurs été financée par la Silicon Valley Community Foundation (1,14 millions d’euros en 2017, 1/5ème du budget sur deux ans), une fondation dont l’un des mécènes est Mark Post, un des initiateur de la viande artificielle clonée. Cela sent bon le conflit d’intérêt avec des entreprises qui vont produire de la viande artificielle…
En 2018, la Fédération nationale agroalimentaire et forestière Fnaf-CGT dénonçait par ailleurs les méthodes de l’organisation après une vidéo sur les conditions d’abattage dans certains abattoirs :
« Jouer sur l’émotionnel et la culpabilisation, telle est la méthode utilisée par L214 pour frapper les esprits, en lieu et place d’une réflexion plus fondamentale sur les conditions d’abattage des animaux ». Selon le syndicat, « après que des professionnels l’aient visionné, des faits sautent aux yeux : le manque de personnel, une certaine inexpérience et l’absence de protections, l’exiguïté des lieux, un outillage défectueux et inadapté, une impression de bricolage aggravant des conditions de travail déplorables et très dangereuses ». « Les salariés des abattoirs effectuent un travail pénible physiquement et psychologiquement. L’utilisation de matériels défectueux, l’intensification de la charge de travail et le manque de personnel aggravent encore les conditions dans lesquelles ils doivent assumer leurs tâches », rappelle la Fnaf-CGT.
« Le problème de L214 c’est qu’en fait ils n’en ont rien à foutre du bien-être animal » déclarait également en 2018 sur France Info, Étienne Gangneron, responsable du bien-être animal à la FNSEA (Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles). Pour lui, L214 privilégie l’agenda politique au bien-être animal : « ces vidéos ils les ont en stock depuis un moment, si vraiment ils voulaient protéger les animaux, ils les auraient sorties au moment où ils ont filmé (…) Ils inscrivent cela dans un calendrier médiatique qui est lié à la loi post EGA [États Généraux de l’Alimentation] », alors que le projet de loi Agriculture et Alimentation était en train d’être étudié. « Nous les éleveurs on est d’accord pour faire évoluer nos pratiques mais il y a un problème de revenus pour beaucoup d’éleveurs, ils ne peuvent pas se permettre d’abandonner leur système de production actuel » assure Étienne Gangneron.
Il est vrai que jusqu’ici, L214 s’attaque à de petits éleveurs, localement. Pas aux grands groupes industriels, ni aux responsables politiques qui ont incité durant des décennies les paysans français à s’endetter, et à mettre en place le système d’élevage intensif aujourd’hui dénoncé. Peut-être plus facile de s’attaquer aux plus faibles qu’à des lobbys organisés et puissants. Pourtant, L214 a des moyens, et des gros moyens : elle comptait en 2019 plus de 60 salariés et rassemblait plus de 30 000 adhérents et bénévoles.
La sortie de cette nouvelle vidéo, la veille d’un projet de loi important, apparaît en tout cas comme un gros coup médiatique pour tenter d’influencer le vote des députés à l’Assemblée nationale. Les éleveurs jetés en pâture eux, n’auront que leurs communautés rurales pour, éventuellement, les protéger du déluge médiatique provoquée par L214, qui pointe sans doute avec justesse les maux de l’élevage intensif, mais sans s’attaquer aux réels responsables de ce système, qui ne sont pas les petits paysans et éleveurs…
YV
Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2020, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine – V
5 réponses à “Un élevage de lapins en cage du Morbihan dénoncé par L214 à la veille d’un débat parlementaire sur le bien-être animal”
DE VERITABLES ORDURES
La déshumanisation s’accentue de plus en plus.
Quand les français vont-ils enfin le réaliser et réagir.
AV
Il faut pendre ces associations. Pas de subventions et fermeture en casse mensonge et de violence
C’est la seconde fois que je lis un article du même genre sur votre site.
Bravo L214 pour ses actions, quand au responsable du bien être animal de la FNSEA laissez moi rire …
Pour le reproche fait à L214 de mettre animal et humain sur le même plan, peut être faut il vous préciser que c’est la souffrance qui est mise sur le même plan, il y a seulement une différence de degré pas de nature entre eux et nous. Quand à avoir Médor comme président, c’est à voir…
Ce que vous ne comprenez visiblement pas c’est qu’une société brutale avec les animaux, qui de plus les traite comme des objets (et encore… on a plus de considération pour une chaise chez un menuisier que pour un lapin, une dinde ou un mouton chez la plupart des éleveurs.) est une société qui finit par ne plus avoir de considération pour l’Humain. C’est un peu ce qu’il se passe non ?
La dignité de l’Homme passe par son comportement avec les animaux, depuis les philosophe grecs on le dit et le répète.
Contrairement à ce que vous sous entendez L214 est une association humaniste qui veut nous obliger à retrouver collectivement notre Humanité.
Anecdote: le père d’Emannuel Macron a passé sa vie à faire des recherches sur l’éternuement chez le chat, c’est à dire à torturer des chats en laboratoire. Regardez le résultat avec son fils ….
Quelle honte,il faudrait mettre en cage les patrons et le personnel de cet élevage pour qu’ils apprécient leur boulot !!! Où du moins les mettre au chômage en fermant cet élevage !!!!!