Plusieurs campagnes de fouilles archéologiques ont révélé la richesse du site de Saint-Lupien, à Rezé, à deux pas de l’actuelle route de Pornic. Sur ce terrain municipal, les spécialistes ont eu le temps d’étudier les vestiges à loisir. La zone a ensuite été recouverte d’une vaste pelouse. Elle est ainsi protégée mais demeure disponible pour de futures recherches. Une partie des découvertes est présentée au Chronographe, centre d’interprétation bâti sur le site.
Mais la zone explorée ces dernières années ne constitue que l’extrémité est de Ratiatum, importante ville gallo-romaine créée de toutes pièces vers 20 ou 10 av. J.C. Elle était dotée d’un grand port qui s’étendait sur 1,5 km, jusqu’au village des Couëts, le long d’un bras de Loire. Celui-ci, le Seil, aujourd’hui asséché, a été navigable jusqu’à l’époque médiévale.
Bref délai avant bétonisation
À proximité immédiate de Saint-Lupien, l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) réalise cette année de nouvelles fouilles. Mais dans un tout autre contexte. Les spécialistes travaillent sous la pression du temps : le site, au pied de la mairie de Rezé, est appelé à disparaître sous le béton. Bati-Nantes, l’un des plus importants promoteurs nantais, va y construire le Carré Daviais. Un gros projet : sur 20 m de haut, plus de 7 200 m² de constructions. Une jolie densification sur un terrain de 3 274 m².
Commencées début juillet, les fouilles doivent impérativement être achevées à la mi-octobre pour laisser la place aux bulldozers. Là s’élevait naguère une belle demeure réputée construite par un armateur du 19e siècle, devenue au 20e siècle la Maison des syndicats. Les Rezéens l’avaient vu disparaître avec tristesse. Mais au-dessous sont apparus une foule de vestiges, tant antiques que médiévaux.
Dubuisson-Aubenay est passé par là
Outre une rue pavée, le plus remarquable est un bâtiment directement construit sur le socle rocheux. Un encorbellement et un reste de niche font penser qu’il pourrait s’agir d’une chapelle. Peut-être même de la chapelle Saint-Symphorien, signalée par Dubuisson-Aubenay dans son Itinéraire de Bretagne en 1636. « Cette chapelle ruinée, à la dédicace ancienne, ne nous est connue que par cette mention de Dubuisson-Aubenay », lit-on en note dans la réédition de l’ouvrage publiée par les Presses universitaires de Rennes en 2006. Elle serait donc réapparue !
Saint Symphorien, jeune chrétien bourguignon, aurait été martyrisé en 180 pour s’être moqué de la déesse Cybèle. Son culte s’est alors répandu dans toute la Gaule. Non loin de Rezé, mais sur la rive droite de la Loire, Couëron possède encore une église Saint-Symphorien. Au Nord de Nantes, à Treillières, la fontaine Saint-Symphorien, ancien lieu de procession, a été remise en valeur voici quelques années.
Les vestiges peuvent-ils encore être sauvés ? Pour Bati-Nantes, leur élimination est évidemment un enjeu économique de première importance. La société soigne ses relations avec le milieu politique local. Au début de l’année, elle est devenue l’un des gros donateurs de l’Arbre aux Hérons, projet « artistique » de Johanna Rolland, présidente de Nantes Métropole. Même si les socialistes ont été éjectés de la mairie de Rezé aux dernières municipales, tout devrait bien se passer.
Illustration : fouilles de l’Inrap à Rezé, photo BI, DR.
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