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Perpignan (Catalogne). Qui a dit qu’un catalan ne pouvait pas voter Rassemblement national ? [L’agora]

Auteur d’ouvrages sur la question catalane. Candidat régionaliste aux élections législatives de 2017 sur la deuxième circonscription des Pyrénées-Orientales, sur laquelle Louis Aliot a été élu député, présent à Girona le 1 octobre 2017 pour la défense des urnes à l’occasion du référendum interdit en Catalogne, Llorenç Perrié Albanell prépare actuellement un nouvel essai sur les mouvements et partis politiques nord-catalan.

Il nous envoie un texte que nous diffusions ci-dessous.

Réactions à propos de ce que l’on peut lire et entendre dans la sphère catalaniste, ou supposée comme telle, suite à l’élection de Louis Aliot à la maire de Perpignan. Selon ces personnes, les électeurs de Louis Aliot ne seraient pas de « vrais » catalans, car un catalan ne peut pas voter Rassemblement National. Vraiment ?

Le débat ne porte pas ici sur l’élection de Louis Aliot « pour ou contre », mais de remettre les pendules à l’heure à ceux qui s’imaginent avoir le monopole, pas seulement du catalanisme, mais de l’identité catalane en général. En effet, pour ces zozos-là, le fait d’être catalan suppose la disposition d’un prérequis philosophique et idéologique, sous peine de ne pas recevoir la patente sang et or délivrée par quelques obédiences se réunissant dans des cabines téléphoniques.

Cette tribune porte donc sur la liberté d’expression, et plus précisément sur le fait qu’appartenir à une communauté culturelle, identitaire, historique comme le peuple catalan, suppose de facto que l’on puisse avoir des idées différentes de sa communauté d’origine. Être catalan ne signifie en rien appartenir à un bloc monolithique où chacun devrait avoir la même idée, à moins que l’identité catalane ne soit réduite à une forme « d’Église » soumise à un dogme qui serait gouvernée par un quelconque clergé, qui réduirait l’identité catalane à une religion au petit pied s’apparentant à une secte.

Depuis de nombreuses années déjà, on retrouve chez certains catalanistes un délire inquiétant. Les tergiversations de ces laborantins idéologues ont accouché d’une identité conceptualisée. A l’idée « je pense, donc je suis », s’est substituée l’idée suivante : « je suis catalan, donc je pense catalan selon une doxa prédéfinie pour moi sans que je n’ai rien à y redire ». Une minorité d’agitateurs d’idées, voudraient imposer au collectif leur propre image de l’identité catalane, et malheur aux dissidents. Ce terrorisme intellectuel s’apparente aux méthodes déjà en vogue dans les régimes totalitaires. Question : la Catalogne du Nord, et du Sud, seraient-elles un parti politique ?

En effet, selon eux, être catalan supposerait que l’on appartienne à une forme de peuple élu, une élite qui se voudrait à la fois philosophique et morale (de gauche de préférence, voire de son extrême) dotée d’une ouverture d’esprit supérieure, fruit d’une histoire indéniablement douloureuse et conflictuelle avec la monarchie espagnole et la dictature pour le Sud, et pour le Nord, le traité des Pyrénées de 1659 qui augure la longue négation de sa singularité territoriale. Syndrome inquiétant, qui est un mélange à la fois de messianisme (peuple élu rédempteur) et d’un nationalisme non assumé qui se mue en victimisation (plus facile à assumer que le caractère identitaire). Ceci suppose que ceux qui ne sont pas catalans, et même les catalans qui ne rentrent pas dans les critères des ligues de vertu, seraient exclus de la communauté catalane. En revanche, celui qui n’est pas catalan, qui est à l’autre bout du monde, et qui rentre dans ces critères est éligible au statut de catalan. Selon cette vue de l’esprit, la communauté catalane serait comme nous l’avons vu, une communauté « élue», qui éclaire donc ceux qui sont encore dans l’obscurité, voire même « l’obscurantisme », un phare de l’humanisme, de la bien séance, voire même de la bisounoursserie universelle. S’agirait-il de la reinette catalane qui voudrait se faire aussi grosse que le coq français donneur de leçon ? Une chose est sure, vouloir apparaître comme une forme d’élite philosophique par dotation innée, nettement supérieure en tolérance que ses voisins du simple fait d’être catalan, c’est nous inscrire tous, malgré nous, dans un pédantisme risible, voire méprisable. Il s’agit là d’une étroitesse d’esprit qui exclut de la communauté catalane, toute personne qui ne répond pas à ces critères. Ce qui est à proprement parlé scandaleux.

Cela signifie en réalité, que le fait d’être catalan, ne signifie pas appartenir à un peuple qui a une histoire, et une culture enracinée dans un territoire, à la fois pour des catalans de souche, ou des personnes ayant choisi de l’être par amour de notre terroir et de notre culture. Selon ces gens-là, être catalan, c’est avant tout appartenir à une communauté idéologique et philosophique. De là à la secte, il n’y a qu’un pas. Certains vont même plus loin, ils voudraient nous  faire croire que le fait d’être catalan c’est être de facto de gauche et progressiste. Or le peuple catalan, comme n’importe quel peuple de la terre compte dans sa composante des gens dont les idées vont de l’extrême gauche à l’extrême droite, en passant par le centre. On y retrouve des francs-maçons, et des anti-maçons, des libéraux, des anarchistes, des travailleurs et des feignants, des sympathiques et des têtes de lard, des honnêtes et des roublards, et même, comble de l’hérésie, des catalans qui se moquent de l’identité catalane comme de leur première couche culotte. Vous l’aurez compris, on peut être catalan de droite, de gauche, d’ailleurs et de nulle part, pour reprendre en formule régionalisée, le slogan de la nouvelle revue de Michel Onfray.

Ce raisonnement, qui classerait le vote en fonction des préférences, supposerait qu’il  y ait de bons et de mauvais catalans, à l’instar d’une religion dogmatique. Nous assistons donc à la naissance d’un clergé, non pas du catalanisme, cela existe déjà, mais du peuple catalan. Un clergé prompt à frapper d’anathème social les hérétiques qui s’éloignent de la doxa d’une identité catalane fantasmée. Ces thuriféraires d’une identité préfabriquée, par eux et pour eux évidemment, sont en revanche, malgré eux, les idiots utiles d’un totalitarisme intellectuel universel. L’existence d’un peuple catalan suppose l’existence d’un pluralisme des idées politiques et d’un polythéisme des valeurs. La prétendue existence d’une philosophie propre à tous les catalans impose de facto l’existence d’une uniformité idéologique ou d’une secte politique tout au plus. Qui nie l’existence du pluralisme politique, nie par conséquent l’idée même d’un peuple catalan, puisqu’un peuple est en général composé de personnes aux opinions diverses.

Il faut imaginer les conséquences d’une telle position idéologique, elle nous ridiculise, voire pire, elle dessert le combat pour notre identité, que ce soit à l’intérieur de notre territoire, ou à l’extérieur de celui-ci.

Llorenç Perrié Albanell

Précision : les points de vue exposés n’engagent que l’auteur de ce texte et nullement notre rédaction. Média alternatif, Breizh-info.com est avant tout attaché à la liberté d’expression. Ce qui implique tout naturellement que des opinions diverses, voire opposées, puissent y trouver leur place.

Illustration : DR
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