Aux municipales le 15 mars dernier, le RN n’a guère brillé en Loire-Atlantique. Il a même perdu les quelques élus qu’il possédait depuis 2014 – à Saint-Nazaire (3), Sautron (1), Paimboeuf ( 2 ) et la Baule (1). Cet échec cuisant repose sur des raisons conjoncturelles, mais aussi sur des erreurs venant du parti. Analyse.
Déception à Nantes
A Nantes, Eleonore Revel a réalisé 4.76% des voix. Le RN avait lourdement insisté auprès d’elle pour qu’elle se présente, elle qui était par ailleurs collaboratrice de ce qui reste du groupe RN au conseil régional et secrétaire départemental du parti. Courageusement, elle est allée au charbon, envers et contre tous (y compris en faisant face aux menaces et aux violences de l’extrême gauche permises par les autorités).
Ailleurs dans l’agglomération, à Sautron, l’élue RN en 2014 Guylène Friard ne repartait pas, après avoir été écartée en 2016 du parti, notamment pour avoir dénoncé les querelles internes qui rongeaient la fédération locale.
Pour des raisons d’exposition médiatique et de maillage politique, le RN ne pouvait décidément pas faire l’impasse sur Nantes ou son agglomération après avoir clamé qu’il serait présent dans toutes les préfectures et sous-préfectures du pays.
Durant la campagne le thème de l’insécurité a été largement entamé par Valérie Oppelt (LREM) et habilement exploité, via le groupe Facebook Nantes la sécurité rose, par Laurence Garnier (LR). La crise du Covid et le défaut de participation chez l’électorat jeune ou travailleur ont fait le reste : les électeurs du RN ne se sont tout simplement pas déplacés.
Parmi ceux qui l’ont fait, certains ont fait le choix de voter tout de suite utile, pour un candidat idéologiquement proche qui ferait plus de 5% et fusionnerait au second tour – ce que le RN ne fait jamais – donc pour Garnier ou même Oppelt. Ce choix a aussi pesé sur les scores du RN, très en retrait par rapport à ses scores aux européennes et aux élections nationales précédentes.
On a pu invoquer la raison que le RN ait voulu afficher un visage moderne en présentant une femme… comme la liste divers-gauche de Margot Medkour, le maire socialiste Johanna Rolland, l’écolo dogmatique Julie Laernoes, la députée LREM Valérie Oppelt ou l’élue de « droiche »Laurence Garnier. D’autres raisons, internes au parti et aux militants locaux, ont pesé également dans la balance.
Au final, 4.76% malgré le coup politique plutôt réussi que constituait la visite express de Marine le Pen à Nantes fin janvier dernier – où elle a eu bien moins de mal qu’à Dijon ou sur l’île de Sein.
Saint-Nazaire : une exclusion humiliante, une défaite cinglante
A Saint-Nazaire, pas de problème de tête de liste. Gauthier Bouchet était pressenti pour succéder au tutélaire Jean-Claude Blanchard, il y est allé. Cependant, il a viré de sa liste son prédécesseur qui lui avait mis le pied à l’étrier dans la ville : une exclusion le 20 février dernier exigée par les instances nationales du RN après que Jean-Claude Blanchard et d’autres conseillers régionaux aient quitté le groupe RN au conseil régional en raison de l’exclusion, toujours par les instances nationales du parti, de Pascal Gannat. Ces consignes étaient connues, et Gauthier Bouchet avait assuré qu’il ne s’y conformerait pas – comme d’autres candidats l’ont fait sans être inquiétés.
Ancien soudeur aux Chantiers, syndicaliste révolutionnaire, trotskiste, veilleur de nuit, Jean-Claude Blanchard était celui par qui le RN a pu commencer à espérer quelque chose à Saint-Nazaire, voire au-delà. Par son réseau, il était aussi en mesure de faire passer au RN des gens de gauche – une capacité qu’assurément Gauthier Bouchet n’a pas. Aussi, Jean-Claude Blanchard représente bien mieux le Saint-Nazaire prolétaire et travailleur qui refuse la gentrification mise en œuvre par la municipalité socialiste, que l’historien et ex-organisateur de tournois Pokémon (2005-2009) qu’est Gauthier Bouchet.
Ce n’est donc pas étonnant que Jean-Claude Blanchard, s’il a annoncé qu’il soutenait tout de même la candidature de Gauthier Bouchet, n’a guère mobilisé son réseau. Ce qui a profité un peu à la liste divers droite de Denis Lambert (3,57%), montée au dernier moment. Il y a eu une polémique dans la polémique : certains colistiers de Gauthier Bouchet, écoeurés par l’exclusion de Jean-Claude Blanchard, ont demandé à être retirés de la liste, voire, comme l’élue Stéphanie Sutter, ont clamé haut et fort qu’ils ne soutiendraient pas la liste à défaut d’en être retirés.
Gauthier Bouchet a aussi pâti de ses choix de liste : des colistiers inconnus du grand public, pas toujours ancrés localement, et un directeur de campagne ex-PS démis après des tweets maladroits – mais ce débarquement a surtout coulé un peu plus le candidat RN. La conjoncture (Covid, participation en berne avec 34.8% sur la commune…) a fait le reste : avec 7.05% des voix, le RN sera certes remboursé mais quitte le conseil municipal et perd ses trois élus. Une défaite cinglante qui aurait probablement pu être évitée sans toute cette série d’erreurs humaines.
La Baule : remboursé, mais siphonné
A la Baule, dans une municipale particulièrement disputée, le professeur et élu RN sortant Didier Vernet atteint de justesse la barre du remboursement (5.13%) mais quitte le conseil municipal. Plombé par la conjoncture (45% de participation) certes, mais aussi par la grande proximité de certains de ses ex-électeurs avec le candidat de droite Franck Louvrier.
« En surfant sur les valeurs catho, le fait que Louvrier c’était de la bonne droite bien pêchue et en plaidant le vote utile, ils ont pu convaincre du monde que voter Louvrier tout de suite, c’est avoir Vernet en mieux », avance un fin connaisseur des arcanes bauloises ; « sans ça, Vernet aurait fait au moins 10%, il en est loin » ; en 2014, il avait été élu avec 10.5% des voix, le maire actuel Yves Métaireau n’ayant eu besoin que d’un tour pour commencer son quatrième et dernier mandat de maire.
Pourtant, le 17 janvier 2013, Franck Louvrier était une des rares personnalités de droite à l’époque à se dire favorable au mariage gay – tout en plaidant pour un référendum à l’antenne de France 3. Il a été en revanche bien plus prudent sur l’accueil des migrants en 2015, quand la question s’est posée, sans oser se prononcer franchement pour ou contre cependant ; il s’est aussi converti à la transition écologique après avoir été à fond pour l’ex-futur aéroport de Nantes à Notre-Dame des Landes – le FN était alors contre le projet, mais aussi contre la ZAD.
Proche d’entre les proches de Nicolas Sarkozy, il a déclaré le 6 septembre 2014 que l’ancien président était « seul à pouvoir rassembler le pays contre la montée des extrêmes ». Devenu administrateur du groupe Barrière, très présent à la Baule, Nicolas Sarkozy serait plus que jamais à l’affût d’une occasion de revenir.
Nicolas Hellemme
Illustration : DR
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