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Théâtre. Ubu président. Hommage à Alfred Macron (ou Emmanuel Jarry…)

Personnages :

Ubu

Mère Ubu

Le Ministre Informaticien

La Communicante

Le Chef de la Police

Le Grand Ministre de la Phynance

Laurent, le Berger

Une voix off, des bêlements de moutons, des chants « révolutionnaires ».

Scène Unique

Le Grand Conseil est présidé par Mère Ubu.

Ubu : De par ma chandelle verte, l’heure est grave.

Mère Ubu : Grave ? Et pourquoi mon chou ? N’es-tu pas enfin sur le Siège ?

La Communicante : [avec emphase] : Présidentiel !

Voix off : [ricane] Non, percé !

Ubu : Ils tombent comme des mouches !

Mère Ubu : Qui ?

Ubu : Mes riches !

Mère Ubu : C’est très bien, ma Fondation Animalière va récupérer leurs biens. Tu n’as qu’à faire un décret d’urgence sanitaire pour la protection des oiseaux.

Le Grand Ministre de la Phynance : Sire Ubu, avec tous mes respects, je voudrais préciser que l’or des très très riches est à l’abri.

Ubu et Mère Ubu [Très intéressés] : Ah oui ! Où cela ?

Le Grand Ministre de la Phynance : Dans des îles tropicales et autres lieux classés Secret Défense…

Ubu : Et pourquoi pas dans Mon Palais ?

Le Chef de la Police : Sire Président, en 1789, certaine forteresse a été prise d’assaut, et il se pourrait que… Mes indicateurs me communiquent des informations…

Ubu : Nous ne sommes plus en 1789. Mon Ministre de la Surveillance Informatique, avez-vous des solutions !

Le Ministre Informaticien : Avec l’Informatique tout problème a une solution ! [il joint les mains et lève les yeux au ciel] Merci Turing !

Mère Ubu : Merveilleux !

Ubu : Cornegidouille, je suis méfiant. Communicante, allez dire au bourreau Damoclès qu’il affûte son sabre pour le cas où les ordifrusquins de Monsieur l’Informaticien se mettraient à beugler. Un sabre ne ment pas ! Rien de tel pour faire marcher un ministère. Revenons aux phynances. À part les riches ?

Le Grand Ministre de la Phynance : Il reste de la ressource !

Mère Ubu : Expliquez nous Monsieur Le Grand Ministre de la Phynance !

Le Grand Ministre de la Phynance : Ils ont peur !

Ubu : Mais encore, mon Cher Ministre !

Le Grand Ministre de la Phynance : Ils ont peur de la Mort !

Ubu éclate de rire !

La Communicante : La peur, Sire Ubu, vous ne sauriez la dédaigner ! J’ai vu les plus courageux prêts d’en être accablés. Sachez qu’il n’y a pas de plus petite rumeur venue de Chine que Madame la Statistique armée de ses pourcentages effrayants ne sache enfler, gonfler, souffler dans les replis des molles cervelles pour en faire du lait caillé. La peur installée, elle germe, elle rampe, elle s’élance, étend son vol, tourbillonne, enveloppe, arrache, entraîne, éclate et tonne, et devient, grâce à la Tout-Puissante Médecine un cri d’effroi général qui va faire accepter tout ce que Votre Majesté Présidentielle, secondée par vos Experts Télégéniques pourront imposer sans réaction au Nom du Bien Public !

Le Grand Ministre de la Phynance : Plus il y aura de morts, et plus ils seront prêts à payer !

Mère Ubu : [Elle se frotte les mains] Ils affameront leurs enfants ! Pour prolonger leurs propres – laissez-moi rire ! – leurs propres vies !

Le Grand Ministre de la Phynance : [Il s’adresse aux deux Ubu] J’ai inventé la monnaie qui s’use. Chaque billet est numéroté. Sa valeur résiduelle est enregistrée dans le Grand Ordinateur des Phynances [le Ministre Informaticien approuve] et à chaque achat, même d’une baguette de pain, la Dent Bleue déduit 2% de sa valeur, et ces deux petits pourcents reviennent aux Trésors de Vos Majestés Présidentielles.

Mère Ubu : Prodigieux ! L’Informatique fait des merveilles.

Le Ministre Informaticien : Ce n’est pas tout. Chaque petit mouton de Votre Troupeau Bien-Aimé est équipé d’un petit émetteur implanté dans son cou dès sa naissance. Notre Grand Chef de la Police sait à chaque instant où il est et qui il approche. Mais cet émetteur s’use. Quand il arrive à bout de souffle, il est programmé pour provoquer des palpitations cardiaques et l’hôpital se charge alors de remplacer l’émetteur, sauf si entre temps…

Mère Ubu : Ils le savent ?

Le Ministre Informaticien : Oui, mais on leur dit que ça sauve [il ricane] leurs vies. Ça leur convient !

Voix off : Monsieur Laurent demande audience !

Ubu : Qui ça Laurent ?

Voix off : Le Berger, avec sa troupe !

Ubu : Et la tondeuse à phynances ?

Voix off : Oui !

Ubu : Qu’il entre !

Le Berger : Mes brebis demandent à être entendues !

Ubu [éclate de rire] : Je vais en traire une devant la télé. Ça va montrer dans les chaumières que j’aime le peuple.

Il rit encore.

Mère Ubu : Tu ne sais traire que tes amis blacks !

Ubu : Vous allez me montrer comment on fait avant l’arrivée des caméras.

Le Berger : Monseigneur le Président, il y a aussi des boucs un peu méchants, avec des cornes peintes en jaune, et des boucs noirs, encore plus méchants. C’est dangereux de traire leurs brebis, ils vont être jaloux !

Ubu : Ton boulot c’est de m’encadrer tout ce troupeau. Tu n’as pas de chiens ?

Le Berger : Ils sont en droit de retrait !

Le Chef de la Police : Hier, un bouc noir a éborgné un chien qui protégeait le Ministère de la Vérité.

Ubu : Qu’est-ce que ce prétendu droit ? Chef de la Police, tu es décoré de la Médaille de Saint-Christophe, tu es chargé des Hautes et Basses Oeuvres ! Je te rappelle que Damoclès est en train d’affûter son sabre…

Le Chef de la Police [près d’une fenêtre] : Sire Président, vous n’entendez pas dans la rue… Ils dansent la Carmagidouille…

Ubu : Si tes chiens sont en pause, fais sortir les loups !

Le Chef de la Police : J’ai peur pour la grande grille…

Ubu : Tu devrais avoir peur pour ta tête.

Le Chef de la Police : La grille est tombée. Ils installent une guillotine. Ils chantent.

Voix off : Chanson

Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Les deux Ubu à la lanterne.
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Les deux Ubu on les pendra.
Si on n’ les pend pas
On les rompra
Si on n’ les rompt pas
On les brûlera.
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,

Les deux Ubu on les pendra.

Mère Ubu [affolée] : C’est pour nous !

Ubu : Communicante, passez-moi votre manteau et votre chapeau.

Il se sauve, suivi de tous les autres, sauf Mère Ubu.

Mère Ubu [Elle médite à voix haute] : L’Histoire est un long récit plein de bruit et de fureur, raconté par un idiot, et qui ne signifie rien.

Ubu, tu n’y es qu’un pauvre acteur qui va et vient son heure sur la scène et disparaît quand son rôle est terminé.

Par Bruno Courcelle, inspiré d’Alfred Jarry et de l’actualité

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